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Athlétisme : courir sans chaussures, c'est rarement le pied

Agé de 16 ans, le Yéménite Abdullah Al-Qwabani a fait sensation dans les séries du 5 000 m, mercredi, en participant sans chaussures à l'épreuve.

Article rédigé par franceinfo
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Le coureur yéménite Abdullah Al-Qwabani a couru les séries du 5 000 m pieds nus, mercredi 26 août, lors des Mondiaux de Pékin (Chine). (MICHAEL KAPPELER / DPA / AFP)

La scène se déroule en pleine finale du 1 500 m, mardi 25 août. Gênée, l'Américaine Jenny Simpson ôte sa chaussure gauche, lors des Mondiaux d'athlétisme de Pékin (Chine). La coureuse serre les dents pour terminer la course, avant de montrer son pied ensanglanté par le tartan de la piste, une fois la ligne d'arrivée franchie. "Juste pour vous tenir au courant : mon pied est un peu abîmé, mais ça va aller. L'équipe médicale américaine est la meilleure du monde !", tweete la championne, peu après l'épreuve.

En course, un accident est vité arrivé. Avant Jenny Simpson, d'ailleurs, le Kényan Moses Tanui ou l'Ethiopien Dejen Gebremeskel ont, eux aussi, déchaussé en course. En revanche, rares sont les champions à avoir choisi de s'élancer délibérément pieds nus. L'absence de pointes est un sérieux handicap dans les épreuves de sprint et de demi-fond, marquées par des virages à vive allure. Les quelques exemples repérés par francetv info se cantonnent donc aux épreuves de fond.

Une contrainte ou un choix ?

Au début de sa carrière, le Singaporien P.C. Suppiah n'a pas les moyens de s'acheter des chaussures. Convaincu d'être plus performant pieds nus, il ne cède pas à la tentation, les années suivantes, et se présente ainsi, au départ du 10 000 m des JO de Munich (Allemagne) de 1972. "Après l'épreuve, ma photo était affichée un peu partout dans le village olympique, sourit l'ancien champion, interrogé par le portail AsiaOne (en anglais). Et comme tout le monde pensait que je venais du tiers-monde et que je ne pouvais pas me payer de chaussures, j'ai reçu plein de propositions de sponsors aussitôt après la course." Avec la mise en place de structures sportives et la professionnalisation du sport, ces exemples sont, aujourd'hui, impensables lors d'une grande compétition.

Dans ces conditions, pourquoi le Yéménite Abdullah Al-Qwabani, 16 ans, s'est-il élancé pieds nus au départ des séries du 5 000 m à Pékin, mercredi 26 août ? "J'ai commencé à m'entraîner il y a un an, a expliqué le champion à l'agence Chine nouvelle (en anglais). J'adore courir pieds nus. C'est si agréable de toucher le sol." Pour certains champions, courir sans chaussures est donc une affaire de sensations. Après avoir avalé 10 km par jour pendant son enfance, la marathonienne Kényane Tegla Loroupe a débuté sa carrière ainsi. Après avoir remporté un cross en 1988, toutefois, elle a rapidement acheté une paire de baskets.

Sur une piste, difficile de rivaliser avec des concurrents équipés de pointes, qui offrent de meilleurs appuis. D'ailleurs, c'est sur route qu'Abebe Bikila a écrit sa légende. En 1960, l'Ethiopien remplace au pied levé un autre concurrent, blessé, mais la paire de chaussures fournie ne lui convient pas. Il s'élance donc pieds nus et remporte le marathon olympique de Rome (Italie), à la stupéfaction des observateurs. Habitué à s'entraîner ainsi dans ses plaines natales, le champion ne semble pas gêné par le pavé. Abebe Bikila ne trouve pas chaussure à son pied, mais l'athlétisme assiste à la naissance de l'un des plus grands champions de son histoire. Victime de blessures, toutefois, ce dernier préfère enfiler par la suite à nouveau des chaussures.

Le coureur éthiopien Abebe Bikila a remporté, pieds nus, le marathon olympique de Rome (Italie), en 1960. (AFP)

Un phénomène de mode initié en 2009

Courir pieds nus reste exceptionnel dans le monde professionnel, mais beaucoup d'amateurs se laissent tenter. En 2009, Born to run fait un tabac en librairie. Eloge de la course "nature", ce livre explique comment les indiens Tarahumaras couvrent de longues distances dans des sandales de cuir, sans la moindre douleur. Faut-il renouer avec la posture originelle du pied pour éviter les tendinites et autres blessures ? Certains sportifs amateurs en sont convaincus, tandis que les podologues restent encore aujourd'hui réservés. Trois ans après la publication du livre, un spécialiste interrogé par le Herald Tribune (en anglais) assurait recevoir trois ou quatre de ces coureurs blessés par semaine dans son cabinet de Minneapolis (Etats-Unis), contre un ou deux par mois auparavant.

Zola Budd dispute pieds nus la finale du 3 000 m aux JO de Los Angeles de 1984. Mary Decker, favorite américaine de l'épreuve, chute après une collision avec la Britannique. (CHICAGO/LANGER/SIPA / SIPA)

Entre "pro" et "anti", le débat continue de faire rage. Avec cette nouvelle mode, certains fabricants ont coupé la poire en deux, en lançant la production de chaussures dites "minimalistes" ou "naturelles". Celles-ci sont censées reproduire l'expérience de la course pieds nus, notamment en isolant l'orteil.

L'ancienne coureuse britannique d'origine sud-africaine Zola Budd collabore aujourd'hui avec la marque Newton. Davantage que l'aspect médical, elle estime que ces débats sont le reflet de différences culturelles. Née en Afrique du Sud, elle a battu un record d'Europe junior sans chaussures, avant de disputer la finale du 3 000 m, lors des JO 1984. "A l'époque, la presse a beaucoup parlé de mes courses pieds nus, mais moi, je ne trouvais pas cela étrange, expliquait la championne au Daily Express (en anglais). C'est assez courant en Afrique du Sud." Selon Zola Budd, interrogée par Reuters, les parents américains et européens devraient donc dépasser leurs préjugés, plutôt que de surprotéger leur progéniture : "Mes enfants allaient pieds nus à l'école."

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