Boue, pluie et détection sportive : le cross, cette grande fête du sport scolaire
Parmi les athlètes qui ont disputé ce week-end le championnat d'Europe de cross, nombreux sont ceux qui ont réalisé leurs premières foulées lors de compétitions scolaires.
"Au départ c'est la guerre, une grande bousculade. On est en short, par moins deux degrés. Et devant nous s'étale un champ de boue." Entre souvenirs d'école et ambitions olympiques, Flavie Renouard a la voix qui pétille à l'évocation de sa discipline, le cross-country. La sociétaire du club de Mondeville-Hérouville, dans le Calvados, a disputé, dimanche 12 octobre, le championnat d'Europe de cross avec l'équipe de France. Mais avant d'atteindre le haut niveau, la jeune femme a d'abord parcouru, baskets aux pieds, les bourgades des établissements scolaires de son département.
Quand elle évoque ses souvenirs, les détails restent vivaces. "J'étais à la section basket du collège et au début de l'année toute l'équipe devait participer au cross UNSS du district. Dès la sixième, j'ai adoré : l'ambiance, la course en équipe avec les copines, la diversité des parcours mais aussi les bus remplis de collégiens qui arrivaient de partout ou encore le chocolat chaud à l'arrivée. C'était incroyable."
Des parquets aux parcours de cross
Flavie Renouard adhère très vite à la discipline. "En 2015, je suis devenue championne de France alors que je ne faisais pas d'athlétisme. J'avais fait aussi un peu le tour en basketball. Alors je me suis dit : et pourquoi pas me lancer ?". Bien en a pris la Normande qui compte désormais à son actif deux titres de championne de France, en steeple et en cross. Dimanche dernier, elle est également devenue vice-championne d'Europe de cross avec l'équipe de France.
Une discipline à part
"Le cross-country est une discipline à part dans le calendrier UNSS, les statistiques montrent son importance dans la préparation de tous les élèves, tous sports confondus", dispose dès le premier paragraphe la circulaire "cross" 2021-2022 de l'Education Nationale. Cette dernière fait état de 355 000 jeunes participants en collèges et lycées.
"Il faut ajouter à cela les cross d'établissements. L'UNSS organise plus de 5000 cross de novembre à janvier dans près de trente académies", ajoute Nathalie Grand, directrice adjointe de l'Union nationale du sport scolaire. "Le cross est le plus gros évènement de l'UNSS et le plus gros championnat de France. Ca correspond à l'ADN multisport de la fédération : tous les licenciés sont réunis", souligne la directrice.
La force de l'événement tient aussi à sa dimension festive. "Cela draine beaucoup de monde avec un village, des stands, des animations. C'est un sport qui fédère".
Aux racines du sport : promenons-nous dans les bois
La pratique du cross country débute au XIXe siècle dans les écoles anglaises. Littéralement, la discipline signifie "à travers la campagne". Il n'était alors pas rare que des élèves se perdent, faute de balisage suffisant, dans les bois ou rentrent à la nuit tombée. Dès la fin du XIXe siècle, les fédérations scolaires françaises organisent leurs premières courses, cette fois plus structurées.
Le modèle a depuis évolué mais a conservé l'idée d'une course à obstacles de plusieurs tours, visant à maintenir en forme les élèves en hiver. Courir en short par moins dix degrés et barboter dans la boue faisaient donc déjà partie de la philosophie originelle.
Competitive Cross Country Running circa 1900 #history #crosscountry pic.twitter.com/nHbgohmhxO
— CompleteTF (@CompleteTF) June 13, 2016
Pour Didier Cattaert, adjoint au secrétaire général chargé de l’animation sportive de l'UGSEL (la fédération sportive éducative de l'enseignement catholique), "le cross est une tradition quasi-ancestrale. C'est facile d'accès, il n'y a pas besoin de matériel ni de beaucoup de technique. Il s'agit de courir, un principe simple de l'activité motrice. Ca a toujours fait partie de l'histoire du sport éducatif. C'est aussi la discipline qui présente la meilleure parité entre filles et garçons." Le cross-country s'est ainsi imposé, au fil des années, comme une coutume partagée par tous les élèves du second degrés.
Covid 2 - 0 Cross
Ce fameux brassage, qui donne sa saveur particulière aux cross scolaires, est aussi ce qui en fait sa complexité en pleine pandémie de Covid-19. "Pour respecter le protocole sanitaire de l'Education nationale, les services déconcentrés de l'UNSS et les enseignants d'EPS se sont adaptés pour trouver des arrangements. Ils ont fait des départs, en sas, par groupes de niveau par exemple", explique Nathalie Grand.
On s'était donné rendez-vous, on s'est donné les moyens! Il y a eu de la boue mais surtout du plaisir à partager un effort ensemble. On se protège face au COVID mais on vit. "A l'impossible nul n'est tenu"....Promesse tenue !https://t.co/jnj9uEO5ra
— UNSS Bretagne (@UNSS_Bretagne) December 10, 2021
Mais avec la cinquième vague, les championnats de France de cross UGSEL et UNSS ont été contraints à l'annulation. "Forcément on s'est adaptés mais ce n'est pas exactement le même état d'esprit, déplore Didier Cattaert. On voit déjà l'état de santé de nos élèves qui se dégrade. Le cross, c'est aussi l'occasion de toucher des élèves éloignés de l'environnement sportif, les pousser à une pratique saine."
Un vivier pour le haut-niveau
Les courses jeunes dans les collèges et lycées ont également leur importance dans le système de détection du sport de haut niveau. "Il y a deux niveaux de pratique : le championnat par équipes d'établissement et les équipes "excellence" pour les sections sportives, énumère Nathalie Grand. Il y a aussi une démarche d'accompagnement vers les fédérations des élèves et une détection des hauts potentiels. Pas seulement pour l'athlétisme."
✍ A la veille du MEETING de PARIS, la convention entre la FFA et les fédérations scolaires de l'UGSEL et de l'UNSS, toujours plus ambitieuse, a été renouvelée !
— FFA (@FFAthletisme) August 27, 2021
L'objectif : mettre en place de nouveaux dispositifs dans les établissements scolaires sur la route de Paris 2024. pic.twitter.com/EQa2N3Uxg9
L'UGSEL travaille également en étroite collaboration avec la fédération francaise d'athlétisme pour accompagner les éléves prometteurs vers la haute-performance.
Pour Flavie Renouard comme pour de nombreux athlètes en équipe de France, le sport scolaire a fait office de pont vers le haut niveau. "Karine Catherine, ma professeur d'EPS, m'a beaucoup soutenue, c'est elle qui a boosté l'association sportive (AS) de mon collège. Encore aujourd'hui, elle me soutient lors de mes compétitions."
Basket, foot, gymnastique, judo, chaque association sportive partage ce temps unique dans l'année. Jimmy Gressier, quintuple champion d'europe de cross, a ainsi remporté le cross national bien que licencié en football. Élodie Clouvel, vice-championne olympique de pentathlon moderne, a également remporté le titre de championne de France de cross scolaire en 2007, lorsqu'elle évoluait en sport-étude natation.
Le cross scolaire est devenu un temps fort du sport français et un défi sportif pour des générations d'élèves. Comme dit le dicton : souvenirs boueux, souvenirs heureux.
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