Cet article date de plus d'un an.

Euro d'athlétisme en salle 2023 : pourquoi des athlètes s’alignent sur la saison indoor quand d'autres la boudent ?

Du 2 au 5 mars, 39 Tricolores participent aux championnats d’Europe d’athlétisme en salle à Istanbul. Moins prestigieuses que celles en plein air, les compétitions en salle attirent des athlètes poursuivant un objectif précis.
Article rédigé par franceinfo: sport - Anaïs Brosseau
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Benjamin Robert, lors de la finale du 800 mètres des championnats de France en salle à Clermont-Ferrand, le 18 février 2023. (KEMPINAIRE STEPHANE / AFP)

Benjamin Robert s'alignera sur le 800 mètres aux championnats d'Europe en salle sans son comparse Gabriel Tual. La perchiste Margot Chevrier découvrira le sautoir d'Istanbul, tandis que Renaud Lavillenie ne ressortira ses perches en compétition qu'au printemps. Même choix de patience pour Sasha Zhoya, blessé, qui observera de loin ses coéquipiers Just Kwaou-Mathey, Pascal Martinot-Lagarde et Dimitri Bascou, qualifiés pour les joutes européennes qui débutent jeudi 2 mars en Turquie (une compétition diffusée sur france.tv à partir de vendredi). Faire l'impasse ou non ? Chaque année, les athlètes s'interrogent sur leur participation à une saison hivernale considérée comme moins prestigieuse. Le choix découle alors d'une réflexion stratégique.

"Un ensemble d'éléments entre en jeu : la programmation annuelle de l'entraînement, l'enjeu du système de qualification pour les championnats ou encore l'aspect financier", pose Stéphane Diagana, champion du monde du 400 mètres haies en 1997 et consultant pour France Télévisions. Au sein de la Fédération française d'athlétisme (FFA), Romain Barras, directeur de la haute performance, assure que la décision du couple entraîneur-entraîné est toujours respectée mais qu'elle est "challengée" : "On reçoit les athlètes pour les questionner sur la planification de leur saison et de leurs objectifs. On va argumenter un peu, mais sans rien imposer." 

Travailler l'explosivité et la vitesse en salle

Avec les principaux meetings qui débutent en janvier et des championnats d'Europe positionnés en mars, la période de compétitions en intérieur s'étale sur deux mois seulement, mais requiert une adaptation certaine du planning des sportifs. Préparation spécifique en amont, coupure de récupération en aval et surtout aucun entraînement les semaines de meetings. Selon la vision de l'entraîneur, la saison en salle peut permettre de mettre l'accent sur des qualités précises – "moi par exemple, je choisissais de faire de la salle pour travailler l'explosivité avec du 200 mètres", illustre Stéphane Diagana –, de tester la forme de l'athlète et de couper la monotonie de l'entraînement.

À l'inverse, d'autres estiment qu'elle perturbe la programmation, en entrant par exemple en opposition avec le cycle de musculation lourde d'un sprinteur. Avec une piste de 200 mètres aux bords légèrement surélevés, au lieu d'un anneau plat de 400 mètres, la salle bouscule aussi les habitudes. Le 110 mètres haies et le 100 mètres sont raccourcis à 60 mètres, exigeant de l'explosivité. "Des athlètes vont aussi faire l'impasse pour des questions de santé, ou parce qu'ils sont engagés dans un changement technique qui demande du temps. Des fondeurs et demi-fondeurs, qui ont une préparation spécifique éreintante, vont aussi parfois préférer faire du foncier et retarder la prépa spécifique", détaille Romain Barras.

L'importance du ranking

Récent champion de France du 800 mètres en salle, Benjamin Robert ne manque jamais la saison hivernale. Au-delà de l'intérêt de "confirmer des secteurs validés à l'entraînement", le Toulousain y voit l'opportunité de garnir son palmarès. "Je me dis que la carrière est courte et qu'il faut prendre tout ce qui est possible", argumente celui qui visera l'or à Istanbul. D'autant que pour les athlètes, un podium en meeting est synonyme de primes et que "décrocher une médaille dans un championnat peut avoir un impact sur ses contrats", rappelle Stéphane Diagana. Autre argument mis en avant par Benjamin Robert : "Courir en salle permet de rentrer en compétition avec moins de pression et de ne pas attendre un an avant de remettre un dossard."

Depuis 2019, la création du ranking mondial – construit sur une logique similaire au classement des joueurs de tennis – rebat les cartes. En plus de la référence chronométrique ou métrique, le prestige de la compétition et la place obtenue entrent en ligne de compte. Pour une épreuve comme le 100 mètres, le classement sera basé sur les cinq meilleures performances établies au cours des douze derniers mois. Participer aux compétitions hivernales permet ainsi de marquer des points et de faire grimper l'athlète au ranking – d'autant plus s'il a été blessé l'été. Et ensuite, de lui faciliter l'entrée dans les courses. Ce calcul, Benjamin Robert l'a bien en tête : "Comme la salle compte dans le ranking, c'est intéressant pour pouvoir ensuite entrer l'été dans les grosses compétitions comme les Ligues de diamant, car les organisateurs le regardent." 

Pris en compte dans les modalités de qualification depuis les Jeux olympiques de Tokyo, le ranking voit son poids augmenter au fil des années. La fédération internationale alloue désormais la moitié des places en championnats sur des minimas, et l'autre sur la base du classement mondial. De quoi créer un nouveau paradigme ? "Le nouveau système va impacter le regard que portent les entraîneurs et les athlètes sur la saison hivernale", prédit Stéphane Diagana. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.