Zurich: Le paradoxe du 4x400 féminin français
C’est l’histoire d’un relais médaillé européen quatre fois en trois ans et tout juste couvert d'or à Zurich. Tout a commencé aux Europe en salle de Paris. Deux jeunes filles de 21 ans viennent secouer le tour de piste féminin français. Elles s’appellent Marie Gayot et Floria Guei. Encore trop tendres pour exister chez les grandes individuellement, elles se tournent vers un relais 4x400 en friche. Depuis quinze ans, ce parent pauvre de l’athlétisme français n’a pas connu de médaille. Sous le toit du palais omnisport de Paris-Bercy, le bronze tombe dans la musette bleue. La fin de la disette. Et le début du festin. Vice-championnes d’Europe en plein air à Helsinki l’année suivante, finalistes aux Jeux de Londres, elles échouent au pied du podium aux Mondiaux de Moscou l’été dernier avant la consécration suisse sur le tartan du Letzigrund. Une progression en opposition à la stagnation de ses deux plus beaux joyaux Guei et Gayot. "Il faut qu’elles travaillent et qu’elles persévèrent. Elles ont toutes les deux le potentiel pour courir en moins de 51’’, assure Stéphane Diagana, ancien membre du relais 4x400 tricolore. Elles n’y sont pas arrivées cette année. Ce sera peut-être la saison prochaine".
Un collectif homogène
A Zurich, la première a disparu dès les demi-finales quand la seconde a pris le bouillon en finale (7e). Un mal individuel qui rejaillit en bien sur l’exercice collectif. Le dernier 400 et la ligne droite d'anthologie de Guei cet après-midi sont là pour le prouver. "Marie et Floria savent qu’elles ne peuvent pour l’instant pas prétendre à un podium international. Le relais a donc une place importante pour elles. Elles s’y donnent à fond. Quant aux autres, elles n’ont même pas la possibilité d’accéder à des finales européennes ou mondiales. Sauf avec le relais donc elles s’y investissent totalement aussi, à l’image de Muriel Hurtis". A l’inverse des relais 4x100 français portés par Soumaré et Lemaitre, voire Vicaut, le 4x400 s’appuie sur un collectif homogène pour briller. "On est six filles sous les 53’’ donc notre relais est rapide, détaille Hurtis, toujours dans le coup malgré ses 35 ans. Et il y a une saine émulation entre nous". En séries hier, Gayot et Guei avaient été laissées au repos. L’enjeu était clair. Les deux filles les plus rapides disputeraient la finale avec leur duo majeur. "On est six filles dans ce relais et tout le monde a une carte à jouer. Certaines font l’individuelle et la finale, d’autres les séries en espérant être alignées en finale", explique Estelle Perrossier, non retenue pour mener la course au podium.
Boudebibah: "Au sein du 4x400, Gayot et Guei se dépassent"
Malgré cette concurrence féroce, l’ambiance est au beau fixe : "Il y a de la cohésion et une bonne entente. J’ai fait plusieurs relais dans ma carrière et ce n’était pas toujours le cas, raconte Muriel Hurtis. Peut-être que la notion de souffrance nous soude". Un détail important. Plus que des capacités techniques et de vitesse, le relais demande un sens du collectif et de l’implication : "C’est une relation avec les autres. La réussite dépend beaucoup de l’investissement des leaders, confie Diagana. Certains se disent, 'le relais on verra après' et ça démobilise les autres". Un travers qui ne guette pas Guei et Gayot à en croire Djamel Boudebibah, manager des relais de l’équipe de France. "Au sein du collectif du 4x400 m elles se dépassent". Une performance qu’elles ne parviennent pas à reproduire une fois seule sur le tour de piste. "Un relais, c’est quatre fois moins de pression et quatre fois plus de plaisir partagé", confesse Diagana. Dans ce sport individuel qu’est l’athlétisme, le relais fait exception. Privé de grande figure européenne pour le mener, ce 4x400 féminin français aussi. Mais exception rime parfois avec champion.
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