Doha 2019 : Barshim roi sur ses terres, Kipruto d'un souffle, nouveau record pour Muhammad : le bilan de la 8e journée
• La star du jour : Barshim, maître à la maison
Il était l'une - voire la seule - chance de médaille d'or pour le Qatar lors de ces Mondiaux de Doha. Alors le Khalifa International Stadium, qui a souvent sonné bien creux durant toute cette semaine, s'est réveillé et a rugi comme jamais pour soutenir Mutaz Essa Barshim, candidat à sa propre succession au saut en hauteur. Le natif de Doha n'a pas déçu ses nombreux supporters, conservant son titre mondial grâce à un bond à 2m37. "Ca veut dire beaucoup pour moi, je suis tellement heureux de gagner ici à la maison, s'est félicité Barshim après son titre. Je voulais vraiment le faire pour tous ceux qui sont venus m'encourager. Je n'étais pas prêt à 100%, mais ils m'ont permis d'élever mon niveau. J'ai vraiment ressenti l'énergie de la foule, de la part de l'Emir aussi qui était là ce soir. Grâce à tout ça, j'ai tout oublié, ma blessure, mes compétitions précédentes."
Car rien n'était écrit d'avance pour Barshim. Deuxième meilleur performeur de tous les temps avec un saut à 2m43 en 2014, le Qatari savait que le record du monde de Javier Sotomayor (2m45) n'avait rien d'un rêve inaccessible. Alors quand il a concours gagné lors d'un meeting en Hongrie en juillet 2018, le natif de Doha décide d'aller chercher le record du Cubain en se frottant à une barre à 2m46. Sur son troisième essai, Barshim se blesse gravement à la cheville, l'obligeant à passer sur le billard et à s'offrir un véritable contre la montre pour espérer défendre ses chances à Doha. Avec trois concours seulement avant ces Mondiaux, l'incertitude autour du vice-champion olympique continuait de régner. Des doutes qu'il a rapidement balayé avec un saut à 2m29 lors des qualifications avant d’écœurer la concurrence en étant le seul à effacer 2m37, les deux Russes Mikhail Akimenko et Ilya Ivanyuk, qui concourent sous drapeau neutre, n'ayant pas fait mieux que 2m35, effaçant tout de même chacun leur record personnel.
Barshim, maître à la maison, pour le plus grand bonheur de Doha. Ou presque. Car le titre de la star locale a laissé place à la seule fausse note de cette soirée. Voulant profiter de l'ambiance, les organisateurs ont essayé de remettre au plus vite sa médaille au double champion du monde, alors que tous les autres athlètes qui ont brillé ce vendredi recevront leur sésame samedi. Mais lorsque les trois heureux élus se sont présentés sur le podium, tous les spectateurs étaient partis, et le son et les lumières avaient été coupés, laissant place à un grand moment de gène. Un couac que Barshim oubliera probablement très vite, quand le Khalifa International Stadium rugira de nouveau pour célébrer l'or de son champion du monde.
• Le finish du jour : Kipruto sacré pour un centième
L'hégémonie kenyane durera deux ans de plus. Sacré à Londres en 2017, Conseslus Kipruto a conservé son titre mondial du côté de Doha, plaçant le Kenya pour la septième fois de rang sur la plus haute marche mondiale du podium du 3000 m steeple. Il s'en est fallu pourtant d'un souffle pour voir l'Ethiopie et Lamecha Girma triompher sur la piste du Khalifa International Stadium. Un sprint dingue de Kipruto pour refaire son retard, un cassé sur la ligne et le Kenyan s'offrait le doublé pour... un petit centième devant Girma, signant au passage le deuxième meilleur chrono de l'histoire des Championnats du monde en 8'01"35. Un centième sur une course de huit minutes, le dénouement est cruel pour Lamecha Girma, qui pourra se consoler avec un record d'Ethiopie et une médaille d'argent. Soufiane El Bakkali, encore à la lutte pour le titre à l'entrée du dernier tour, n'a pu suivre le rythme et s'offre une médaille de bronze.
• Le record du jour : Muhammad, reine incontestée du 400 m haies
Son duel avec Sydney McLaughlin était l'un des moments attendus de cette soirée. Les deux américaines n'ont pas déçu. Mention spéciale évidemment pour Dalilah Muhammad, qui est allée chercher à 29 ans son premier titre mondial. Et la championne olympique à Rio sait faire les choses bien en effaçant au passage son propre record du monde. Oubliez les 52"20 d'il y a trois mois à Des Moines, le tour de piste s'avale désormais en 52"16 quand on s'appelle Muhammad. "Cela veut dire tellement pour moi que c'est difficile à décrire, a réagi Dalilah Muhammad. Je voulais surtout le titre de championne du monde mais battre une nouvelle fois le record du monde, c'est fantastique."
Championne olympique à Rio en 2016, l'Américaine de 29 ans impose sa patte sur le 400 m haies féminin. Mais McLaughlin, qui s'est offert un premier podium international, a pris rendez-vous avec l'avenir. A seulement 20 ans, elle est devenue ce vendredi la deuxième meilleure performeuse de tous les temps en coupant la ligne en 52"23, ce qui donne la mesure de cette course d'anthologie.
• L'autre grosse perf' du jour : Gardiner s'est envolé sur 400 m
Le recordman du monde Wayde van Niekerk forfait, le meilleur performeur de l'année Michael Norman éliminé en demi-finales : il fallait sortir la boule de cristal pour savoir qui allait triompher de cette finale du 400 m aussi ouverte qu'indécise. Suspense finalement, il n'y a pas eu ou presque. Steven Gardiner, médaillé d'argent il y a deux ans à Londres, n'a cette fois pas laissé passer sa chance. Au coude à coude avec ses rivaux après 200 m, la fusée bahaméenne a laissé parler sa foulée aérienne pour laisser tout le monde dans le rétroviseur et signer un chrono canon de 43"48. De quoi se parer d'or et du costume de sixième performeur de tous les temps, excusez du peu. Un titre que l'athlète a dédié à ses compatriotes touchés par l'ouragan Dorian le mois dernier. "Ça va représenter beaucoup de choses pour les gens des Bahamas ma victoire ce soir et la deuxième place de Shaunae (Miller-Uibo, sur 400 m, ndlr) hier, en ces temps difficiles pour eux", a indiqué Gardiner.
Seul homme avec Michael Norman à avoir couru sous les 44 secondes avant Doha, l'Américain Fred Kerley (3e en 44"17) a arraché la médaille de bronze, devancé par le surprenant colombien Anthony Zambrano (2e en 44''15).
• Les Français : pas d'exploit pour Robert-Michon, record personnel pour Bedrani
Melina Robert-Michon ne montera pas pour la troisième fois sur un podium de championnats du monde. Outsider de cette finale du lancer du disque après avoir réalisé son meilleur jet de la saison lors des qualifications (64,04m), la Française n'a jamais réussi à reproduire telle performance. Un premier lancer mordu avant deux jets en dessous des 60 mètres, pour un meilleur mesuré à 57,64 m : trop peu pour espérer s'approcher des meilleures discoboles mondiales. "Il me manque encore de l’entrainement. On a vu de belles choses aux qualifs, mais pour l’instant mon niveau il est là", a confié Robert-Michon. Elle termine 10e d'un concours remporté par la Cubaine Yaimé Pérez (69,17 m).
Il avait signé le deuxième meilleur chrono de sa carrière lors des demi-finales mardi. Un record personnel en 8'09"47 que Djilali Bedrani a largement effacé ce vendredi soir lors de la finale du 3000 m steeple. En 8'05"23, le Français s'est classé cinquième, derrière l'intouchable duo Kipruto/Girma et le Marocain Sofiane El Bakkali, terminant à rien de la quatrième place finalement décrochée par l'Ethiopien Getnet Wale pour deux centièmes. "J'ai rempli mon contrat, a-t-il confié à notre micro après la finale. C'est très encourageant pour la suite, ça laisse présager de belles choses à l'avenir. J’avais dans un coin de ma tête l'idée de faire un podium. Après 8'05", la perf' est énorme, et je pense qu'il y a encore de belles choses à faire."
Derniers français engagés dans une finale ce vendredi, Kevin Campion et Gabriel Bordier sur le 20 km marche. Dans la moiteur de Doha, les deux Français terminent respectivement 15e et 23e de cette finale dominée par le Japonais Toshikazu Yamanishi, vainqueur en 1'26'34 devant le Russe Vasiliy Mizinov (2e en 1'26'49) et le Suédois Perseus Karlström (3e en 1'27'00). Une victoire qui assoit la domination du Japon sur les épreuves de fond après la victoire de Yusuke Suzuki sur le 50 km marche.
Cette huitième journée marquait également l'entrée en lice des relais 4x100 m. Des séries aux saveurs opposées pour les Bleus. Le relais féminin a été disqualifié suite à une transmission hors zone lors de l'avant-dernier relais, et ne verra donc pas la finale. Les garçons ont eux fait le boulot. En finissant quatrième de leur demi-finale en 37"88 - à 9 centièmes du record de France -, le quatuor formé par Amaury Golitin, Jimmy Vicaut, Méba-Mickaël Zeze et Mouhamadou Fall s'est qualifié au temps pour la finale.
Enfin, du côté du 1500m, Alexis Miellet ne sera pas de la finale samedi. Pour ces premiers Mondiaux de sa jeune carrière, le Français de 24 ans n’a pourtant pas démérité, loin de là. Huitième de sa course et 17e temps de demi-finales au niveau très dense, Miellet n’est passé qu’à 54 centièmes d’une place en finale. “Il ne me manque pas grand chose pour passer”, a-t-il confié après la course. Pas abattu pour autant pour sa première compétition internationale aux côtés des pontes du 1500 m, il a déjà confié ses ambitions pour l’été 2020. “C'est la première fois que j'enchaîne deux courses de ce niveau-là en si peu de temps. C'est aussi ça l'apprentissage du haut niveau mondial. Cette course va me servir pour l’année prochaine et les Jeux Olympiques de Tokyo. L'an prochain, il faudra passer en finale.” Rendez-vous est déjà pris au Japon, en août prochain.
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