Doha 2019 - Un soupirant et une foule de prétendants : la succession d'Usain Bolt est ouverte
Christian Coleman court après la légitimité
Il est aux yeux de tous le grand favori de la ligne droite. A 23 ans, Christian Coleman a le profil idéal pour s'affirmer comme la star de la distance pour de nombreuses années. L'Américain a signé pour la troisième saison de suite le meilleur chrono de la saison (9"81 le 30 juin dernier) et possède de solides références, avec une médaille d'argent lors de ses premiers Mondiaux il y a deux ans à Londres. D'une vivacité de pieds hors du commun, Coleman est un profil rare, aux antipodes du longiligne Bolt ou des anciens morphotypes de monstres musculeux à la Maurice Greene. Le voir remporter le titre serait la confirmation de son grand talent – qui n'attend qu'un titre en grande compétition pour s'exprimer - et même "bon pour le sport" selon Sebastian Coe, le patron de la Fédération Internationale d'Athlétisme. Et pourtant…
Coleman n'a failli jamais voir Doha. Le sprinteur a été pris par la patrouille pour ne pas s'être présenté à trois reprises à un contrôle antidopage en l'espace de 12 mois. Le septième performeur de tous les temps clame son innocence et a finalement obtenu raison, suite à un vice de forme, une erreur d'application du règlement de l'Agence américaine antidopage. Si Coleman n'a en l'état jamais été contrôlé positif, les soupçons n'ont pas tardé à fleurir. Et il n'a pu courir le temps de la procédure, gênant considérablement sa préparation. "Cette situation peut m'affecter mentalement, a-t-il admis. J'ai manqué deux compétitions (les meetings de Ligue de diamant de Birmingham et de Zurich en août), je dois aussi avancer avec ma réputation ternie et le stress." Il n'en reste pas moins le principal concurrent à la médaille d'or samedi, mais il s'avancera sur le tartan qatari dans le flou. Pas les meilleures conditions pour espérer monter sur le trône et prendre le sceptre de l'ancien patron Bolt. Cela ne l'a pas empêché de s'imposer très tranquillement lors des séries et d'être le seul athlète à descendre sous les dix secondes.
Sa performance en séries : vainqueur de sa course en 9"98.
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La nouvelle génération s'affirme
• Zharnel Hughes (Grande-Bretagne, 24 ans)
Hugues s'est imposé comme l'avenir du sprint britannique. Champion d'Europe de la ligne droite, il a signé un début d'été de très belle facture avec quatre courses sous les dix secondes. Le natif d'Anguilla, un territoire d'outre-mer anglais de moins de 20 000 habitants, n'a de cesse de progresser depuis quelques mois avec un record personnel établi à 9"91 l'an passé. Face aux performances sinusoïdales de Jimmy Vicaut, Hugues apparaît comme la meilleure chance de médaille pour le Vieux Continent. Il lui faudra pour cela montrer plus que ses dernières sorties, franchement décevantes, et réussir à gérer une première participation sur cette distance en Mondiaux.
Sa performance en séries : vainqueur de sa course en 10"08.
• Arthur Gué Cissé (Côte d'Ivoire, 22 ans)
Sans faire trop de bruit, le pensionnaire du club de Reims s'est placé comme un très sérieux outsider pour le podium. Cissé a signé le cinquième meilleur temps de la saison sur 100 mètres en signant un record national à 9"93 fin juillet à Leverkusen. Très attendu des Jeux Africains en l'absence de Divine Oduduru (qui ne s'est pas présenté en séries pour se concentrer sur le 200m), il a buté pour un centième sur l'or face à un autre Nigérian à suivre, Raymond Ekevwo, 20 ans seulement et également qualifié en demi-finales. Mais avec un chrono de 9"97, il a confirmé sa très belle forme. Il pourrait profiter de son absence de références en grands rendez-vous pour surprendre tout son monde. Attention toutefois à une douleur à la jambe qui l'a gêné fin août.
Sa performance en séries : 3e de sa course en 10"14.
Les anciens s'accrochent
• Justin Gatlin (Etats-Unis, 37 ans)
Le bad boy du sprint ne montre pas de signe de faiblesse. Son titre mondial en 2017 avait surpris tous les observateurs pour la dernière course individuelle de la carrière de Bolt. Lui, l'anti-héros était sacré sous les huées des travées londoniennes qui ne lui pardonnaient pas ses années de suspension pour dopage. L'histoire aurait pu s'achever ainsi, sur un dernier pied de nez. Mais Gatlin persévère et reste un des meilleurs sprinteurs du monde malgré son statut de vétéran. Son chrono de 9"87 cette saison le place parmi les plus sérieux concurrents du favori Coleman. Cela tombe bien, cette meilleure performance personnelle de la saison ne l'avait pas empêché de terminer… deuxième derrière Coleman. Gatlin n'est jamais aussi dangereux que lorsqu'il est revanchard.
Sa performance en séries : vainqueur de sa course en 10"06.
• Akani Simbine (Afrique du Sud, 26 ans)
Simbine a peut-être tout juste fêté son 26e anniversaire, il est l'un des seuls à avoir déjà une expérience des grands rendez-vous. 5e aux Mondiaux de Londres il y a deux ans, comme aux Jeux de Rio en 2016, le sprinteur a depuis gagné en confiance en s'emparant de l'or lors des Jeux du Commonwealth. Sa saison est presque parfaite de régularité, avec onze courses entre 9"93 et 10"15, des performances qui devraient lui permettre de se hisser en finale sans trop de problèmes. Dès lors, tout est possible à ses yeux. "Comme ce sont des championnats du monde, tout peut se passer" a confirmé son entraîneur Werner Prinsloo à IOL, un média sud-africain. Après la constance, les sommets pour Simbine ?
Sa performance en séries : vainqueur de sa course en 10"01.
• André de Grasse (Canada, 24 ans)
Il devait être "the next big thing", celui qui ferait un digne héritier d'Usain Bolt après son explosion aux Jeux de Rio avec trois médailles et cet instantané tout sourire avec la légende jamaÏcaine à l'arrivée de leur demi-finale du 200m. La carrière d'André de Grasse a depuis ressemblé à une pénible traversée du désert, la faute à des blessures à répétition. Après une saison 2018 noire et sans référence, il a retrouvé ses sensations au meilleur moment. S'il pointe aux portes du Top 10 mondial, l'Ontarien a signé sa meilleure course de la saison en début de mois (9"97 à Berlin). La dynamique est idéale pour bouleverser la hiérarchie et rappeler à tout le monde quel athlète gracieux il est.
Sa performance en séries : 2e de sa course en 10"13.
• Yohan Blake (Jamaïque, 30 ans)
Qui d'autre qu'un autre Jamaïcain pourrait mieux remplacer Usain Bolt au sommet du 100 mètres ? Perpétuellement dans l'ombre de son illustre compère, Yohan Blake est enfin le leader de sa délégation. Et s'il n'a pas particulièrement fait les gros titres par ses prestations ces derniers mois, il n'en reste pas moins de la caste de ceux qui peuvent descendre régulièrement sous les dix secondes. La concurrence sera rude mais son expérience des courses à fort enjeu en fait un concurrent non négligeable. D'autant qu'il reste sur deux quatrièmes places frustrantes à Rio 2016 et Londres 2017.
Sa performance en séries : vainqueur de sa course en 10"07.
• Jimmy Vicaut (France, 27 ans)
Et où en est le leader du sprint français ? Jimmy Vicaut arrive à Doha dans une situation paradoxale. Attendu ces dernières années avec de sérieux espoirs, il se présente cette fois au Qatar dans la peau d'un outsider. Avec un meilleur chrono cette saison au-dessus des dix secondes, le Français n'a pas la plus belle candidature à la médaille de tous les participants. Même débarrassé des pépins physiques qui l'ont souvent plombé, le recordman d'Europe n'a pu accrocher les minima que tardivement. Le natif de Bondy ne se fixe ainsi qu'un seul objectif : "aller le plus loin possible". Mais il l'assure, il n'a pas oublié "comment courir vite". Son entrée en lice fixera un premier repère sur ses chances ou non de rentrer en finale, voire plus. Mais avec la pléthore de prétendants sans réel favori ultra dominant, la place pour la breloque n'a jamais semblé aussi large.
Sa performance en séries : deuxième de sa course en 10"08.
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