Mondiaux d'athlétisme 2022 : Eugene, mecque de l'athlétisme et de la course à pied aux Etats-Unis
La localité de l'Oregon est régulièrement citée comme l'une des meilleures villes américaines pour courir. Elle a été choisie pour accueillir les premiers Mondiaux d'athlétisme sur le sol américain.
En arrivant à Eugene, impossible de manquer l'information. Sur les routes, d'immenses panneaux de signalisation souhaitent la bienvenue aux visiteurs qui entrent dans "Track Town USA", soit la ville de l'athlétisme des Etats-Unis. A l'aéroport, des photos de célèbres sportifs locaux accueillent les voyageurs. Des morceaux de tartan côtoient des affiches de plans d'entraînement de course à pied. Dans le centre-ville, des cafés et restaurants tapissent leurs murs de photos, dossards et autographes d'étudiants athlètes à l'université de l'Oregon. A Eugene, l'athlétisme transpire dans chaque recoin de cette localité de 170 000 habitants du nord-ouest des Etats-Unis, hôte des premiers Mondiaux de la discipline sur le sol américain, du vendredi 15 au dimanche 24 juillet.
"Ici, tout le monde sait que la ville est connectée à la course à pied", affirme Alessia Zarbo, étudiante française à l'université de l'Oregon, championne de France 2020 du 5 000 mètres. "Aux Etats-Unis, il existe une culture du sport en général. A Eugene, c'est une culture de l'athlétisme", poursuit la fondeuse, qui raconte se faire accoster dans la rue dès lors qu'elle porte le tee-shirt des Ducks, du nom du club de son université. "Les gens m'encouragent et se montrent impressionnés quand je leur dis que je fais partie du programme d'athlétisme."
Eugene a gagné ses galons de capitale de l'athlétisme américain dans les années 1960, au cours desquelles l'équipe de l'université d'Oregon a remporté à plusieurs reprises le championnat national universitaire. Parmi les légendes locales, Steve Prefontaine. Au début des années 1970, sous le maillot vert et jaune des Ducks, ce coureur de panache, qui prenait toujours la tête dès le départ, surpassait ses concurrents sur les distances supérieures au mile, jusqu'au 10 000 mètres. Alors qu'une grande carrière lui tendait les bras, il est mort dans un accident de voiture à 24 ans en 1975.
La ville de naissance de Nike
A la même époque, dans cette même ville, un futur géant d'articles de sport est né : Nike. Philip Knight, diplômé de l'université d'Oregon, a lancé la marque à la virgule aux côtés de son ancien entraîneur, Bill Bowerman. Ce dernier, coach de Steve Prefontaine, est à l'origine de l'invention de la semelle gaufrée des chaussures Nike.
Ce glorieux passé continue de résonner dans le stade Hayward Field, du nom du premier entraîneur d'athlétisme de l'université, et situé au cœur du campus, à deux kilomètres du centre-ville. Tout juste rénovée, l'enceinte peut accueillir jusqu'à 10 500 spectateurs. "Je me souviens encore de la première fois où j'ai assisté au meeting Prefontaine Classic en 2014. Le stade était plein. Un coureur américain était en passe de battre le record national sur 10 000 mètres. Les tribunes tremblaient sous les encouragements du public. J'en avais la chair de poule", raconte Dustin Pearce, gérant de Run Hub Northwest, magasin d'articles de course à pied à Eugene.
"Les athlètes brillent à Hayward Field car ils ressentent cette excitation, cette énergie. Les fans sont des connaisseurs. A Eugene, on parle de la magie d'Hayward."
Dustin Pearce, propriétaire d'un magasin d'articles de sport à Eugeneà franceinfo: sport
Alessia Zarbo a découvert l'existence de cette légende à son arrivée, il y a trois ans. "La magie d'Hayward, c'est le fait que les athlètes se sentent portés sur le dernier 100 mètres de la piste jusqu'à la ligne d'arrivée. En tant qu'athlète de l'université d'Oregon, on est censé particulièrement ressentir la magie d'Hayward", relate la Française, qui a établi sur cette piste le record de France espoir du 10 000 mètres (32'28"57). "Les Américains aiment bien embellir les choses, mais c'est vrai qu'on ressent vraiment l'atmosphère créée par un public amoureux de la course à pied. On se sent portés par l'amour de l'athlétisme", décrit l'étudiante.
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Le stade s'avère si apprécié qu'il accueille depuis plusieurs années de multiples événements. "Cette année, au cours des mois de mai et juin, des championnats majeurs ont été organisés sur cinq-six semaines de suite, comme les championnats nationaux lycéens puis universitaires, les championnats des Etats-Unis ou encore le Prefontaine Classic classé dans le circuit de la Ligue de diamant", liste Dustin Pearce.
Le paradis des coureurs
D'une ville d'athlétisme, Eugene s'est également transformée en Mecque du running. "Elle se situe dans la région du Pacifique Nord-Ouest, où les gens sont particulièrement actifs. Plus que dans d'autres régions des Etats-Unis, les habitants aiment courir, randonner, pédaler. On bénéficie en plus ici d'un climat doux", éclaire celui qui s'est installé à Eugene en 2012. Les premiers sommets se trouvent à un peu plus d'une heure de voiture, tout comme l'océan.
Plus de 70 kilomètres dédiés à la course à pied serpentent la ville. Le long de la rivière, en forêt, dans des parcs, ou sur des collines, le terrain de jeu est varié. Une grande partie des sentiers est recouverte de copeaux de bois, juste équilibre entre un terrain souple, pour sauvegarder les articulations, et dynamique, afin d'autoriser les accélérations. L'une des boucles, créée en 1975, porte le nom de Steve Prefontaine (Pre's trail) : "Il avait pris l'habitude de s'entraîner sur ces terrains souples dans le nord de l'Europe. Il en faisait la promotion. Ces chemins ont donc été conçus en forme d'hommage, après sa mort", explique Dustin Pearce.
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Preuve que tout est pensé pour les sportifs, des toilettes, des fontaines et des balises kilométriques jalonnent ces sentiers réservés aux coureurs et piétons. "Il existe même une boucle d'un kilomètre et d'un mile balisée tous les 100 mètres, ce qui est très utile pour certaines séances", décrit, enthousiaste, Alessia Zarbo. Elle raconte régulièrement croiser les mêmes habitués. "Il y a des personnes âgées qui connaissent nos parcours et nos horaires, et qui viennent nous encourager", sourit la jeune femme de 20 ans.
Une communauté de coureurs
Dans la ville, on trouve peu de clubs d'athlétisme ou de course à pied, mais de nombreux groupes informels, comme celui des 5am Running Madness qui fait chauffer les mollets à 5 heures du matin. "Il existe par exemple un groupe intitulé 'My running peers' où un coureur publie un message disant qu'il recherche des compagnons pour l'accompagner sur tel parcours et à telle heure", raconte Dustin Pearce.
Le gérant de Run Hub West invite lui tous les mercredis soir les habitants, de tous niveaux confondus, à se joindre à un footing de 5 ou 9 kilomètres depuis son magasin. Parallèlement, il a fondé son propre club de course à pied, qui réunit 150 membres, majoritairement des femmes, de 20 à 70 ans. Sa communauté de coureurs se lèvera à l'aube dimanche pour applaudir les marathoniens des championnats du monde. "On a prévu de monter une zone d'encouragement sur le parcours." Avant sans aucun doute d'enfiler les baskets et de s'évader en petites foulées.
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