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Mondiaux d'athlétisme : la chaleur, amie des sprinteurs, ennemie des fondeurs

Article rédigé par Anaïs Brosseau, franceinfo: sport - De notre envoyée spéciale à Budapest
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le Chinois Zhaozhao Wang lors de la finale de la marche athlétique 20 km des championnats du monde d'athlétisme, à Budapest (Hongrie), le 19 août 2023. (MAXPPP)
Le mercure dépassera les 30°C à Budapest lors des finales du 100 m et du 10 000 m, prévues dimanche en fin d'après-midi. Si la chaleur convient aux efforts explosifs, elle épuise les organismes des coureurs de fond.

Plus de 30°C à l'ombre, pas loin des 40°C ressentis au soleil sur le tartan. La deuxième session d'après-midi des Mondiaux d'athlétisme à Budapest (Hongrie), dimanche 20 août, s'annonce brûlante. L'ultime finale de la journée, le 100 m hommes, est programmée à 19h10, juste après celle du 10 000 m hommes. D'une des courses les plus longues à la plus courte, la chaleur est diversement accueillie par ses acteurs : amie des sprinteurs, honnie des fondeurs.

"En plus de la piste qui répond très bien, avec la chaleur, ce sont des conditions parfaites", souriait vendredi matin le sprinteur tricolore Mouhamadou Fall, après ses premières foulées dans le stade national hongrois flambant neuf. Son compatriote Yann Schrub, engagé sur le 10 000 m, préférait lui ne pas y penser : "Je sais que ça va être dur. Certains corps acceptent plus que d'autres ces températures. Je veux juste finir la course en étant allé au bout du bout. Après, j'espère juste que ça ne va pas partir trop vite avec la chaleur".

"Toutes les meilleures performances sur marathon ont été réalisées entre 10 et 15°C, contre 20 à 25°C pour le 100 m", souligne Hugo Maciejewski, en charge, avec Bertrand Valcin, de la cellule d'optimisation de la performance au sein de la Fédération française d'athlétisme.

 "Sur les efforts à durée courte, la chaleur va agir comme de l’huile sur un moteur. Elle va fluidifier les qualités visco-élastiques du muscle et permettre une meilleure vitesse d’exécution, de rapidité de contraction." 

Antoine Bureau, médecin des équipes de France d'athlétisme.

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A l'inverse, la chaleur extérieure fait surchauffer les organismes des spécialistes des épreuves de fond. "Quand l’exercice se prolonge, 80% de l’énergie dépensée se transforme en chaleur. Il faut que l’athlète puisse l'évacuer, sinon sa température centrale va augmenter. Or, quand elle flirte avec les 39,5° ou 40°C, l’hypothalamus s’alerte. Le corps va alors mettre un coup de pied sur le frein et baisser en intensité", décrypte Hugo Maciejewski. Avec un mercure élevé, le cercle vicieux s'enclenche : plus il fait chaud à l'extérieur, plus la température corporelle augmente, plus l'athlète utilise d'énergie pour l'évacuer, plus il se déshydrate et plus ses performances se dégradent. 

Piscine d'eau froide et gilet congelé

Sans surprise, face à ces températures, le réflexe à adopter est celui de l'hydratation. "La perte de chaleur se fait par la transpiration. Un athlète qui est déshydraté a du mal à transpirer et donc à faire baisser sa température centrale", développe Hugo Maciejewski. Les cellules médicale et d'optimisation de la performance sensibilisent les athlètes à cet enjeu à longueur d'année. Les pensionnaires de l'Insep réalisent chaque matin des tests d'hydratation et reçoivent des conseils personnalisés sur les quantités d'eau à consommer. Car d'une personne à l'autre, les volumes de sueur peuvent varier "du simple au triple et être plus ou moins salée", rapporte Antoine Bruneau. Et même les sprinteurs, aux durées d'effort inférieures à la minute, sont concernés : "L'augmentation excessive de la température centrale affecte les réflexes, le temps de réaction, la vigilance", justifie le spécialiste de l'optimisation de la performance.

Bouteille d'eau en main, les coureurs ont également pris l'habitude de déambuler dans les travées des stades avec un drôle de gilet sur le dos. Un "gilet froid", dans lequel sont glissées six à huit poches de gel congelé. Porté avant l'échauffement ou durant l'attente en chambre d'appel, il permet de faire descendre la température du corps. "Une heure et demie avant leur épreuve, les athlètes peuvent aussi venir s'immerger une minute trente à deux minutes dans des bains de pre-cooling, chauffés entre 19 et 21°C, ajoute Hugo Maciejewski. Et entre les tours, pour récupérer du stress thermique le plus vite possible, ils restent cette fois huit à dix minutes dans un bain froid de 10 à 12 degrés."

Des protocoles testés en amont

Sur la piste d'entraînement, en cas de grosses chaleurs, les athlètes troquent le gilet froid pour un simple gilet mouillé préalablement passé au congélateur. Et si les sprinteurs ne changent rien à une routine d'échauffement très rodée dans une discipline à fort risque de blessures, les demi-fondeurs et fondeurs adaptent la leur, sans en modifier la philosophie. "S’ils courent 25 minutes classiquement, ils vont diminuer à 15 ou 17 minutes", illustre Hugo Maciejewski.

Tous ces protocoles auront été éprouvés avant le départ lors du camp d'entraînement à l'Insep. "L’idée est de tester ces adaptations en amont et d’ajuster selon les athlètes. On contrôle avec des taux de lactate et les sensations du coureur", précise Hugo Maciejewski. Et bien souvent, les athlètes ont réalisé des séances d'intensité aux heures les plus chaudes de la journée pour se confronter à des conditions de chaleur similaires à celles de Budapest. Ils ont aussi pu utiliser la thermo-room de l'Insep, une pièce dont il est possible de faire varier température et humidité.

A l'heure du réchauffement climatique, outre les athlètes, la météo caniculaire oblige aussi depuis plusieurs années les organisateurs à revoir leur programmation. Pour préserver les organismes des marcheurs et des marathoniens, les épreuves du marathon, du 35 km marche hommes et femmes et le 20 km marche femmes seront lancées dès 7 heures du matin. Aux (télé)spectateurs de se lever à l'aube pour profiter du spectacle.

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