Cet article date de plus de deux ans.

ENTRETIEN. Ninon Chapelle : "Depuis ma maternité, je suis encore plus forte"

Un an après son accouchement, la recordwoman de France de saut à la perche Ninon Chapelle (ex Guillon-Romarin) dispute ce week-end le championnat de France d'athlétisme en salle à Miramas.

Article rédigé par Louise Le Borgne
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Ninon Chapelle s'élance au All Star Perche de Clermont-Ferrand, le 19 février 2022. (KEMPINAIRE STEPHANE / KMSP)

Dans la famille Chapelle je voudrais... le fils. Un an, la bouille ronde et le pas encore hésitant sur le tartan. Sa mère, Ninon Chapelle (ex Guillon-Romarin) enchaine les sauts sur le stade de Cergy-Pontoise. La perche est une affaire de famille : le papa, Axel Chapelle, est lui aussi perchiste de haut-niveau.

Pour Ninon Chapelle, son désir de maternité était une évidence, un projet de vie assumé et intégré à son parcours de haute performance. Le défi était audacieux pour l'athlète de 26 ans, attendue à peine cinq mois après son accouchement aux Jeux olympiques. Si Tokyo ne fut finalement pas au programme après un imbroglio avec la fédération, la perchiste a d'ores et déjà pris rendez-vous à Paris 2024. Première étape sur sa fiche de route : le championnat de France Elite en salle de Miramas (Bouches-du-Rhônes), samedi 26 février (à partir de 16h, 19h55 pour le concours fémnin de la perche).

France: info sport : comment vous sentez-vous sur cette saison hivernale qui marque votre retour depuis votre grossesse ? 

Ninon Chapelle : Je suis très, très en forme depuis que j'ai repris la saison. J'ai pris mon temps pour reconstruire des choses solides. Je suis restée active tout le temps de ma maternité. J'ai repris très rapidement les sauts, trois mois seulement après mon accouchement, en février. Sur le coup, je ne me suis pas rendue compte que c'était dingue ce que j'étais en train de faire. Je n'ai pas vécu de dépression post-partum, pas eu de gros stress avant mon accouchement et je suis convaincue que, d'avoir un projet olympique, ça m'a beaucoup aidé. 

Quand ma non-sélection est sortie, je n'avais plus d'échéance proche donc on a réorienté ma préparation vers une vraie préparation physique pour être forte dès l'été prochain. Là j'ai battu mes records en sprint sur des distances où j'avais des indicateurs. 

"Je cours plus vite qu'à la meilleure période de ma carrière et j'ai encore plus d'abdos ! Tous les indicateurs sont au vert."

Ninon Chapelle

franceinfo: sport

Votre maternité et l'imbroglio qui s'en est suivi ont été très médiatisés, vous vous considérez comme une athlète engagée, presque malgré vous ?

Je ne l'ai pas vu comme un engagement. C'était un projet de vie personnel. J'avais donc toutes les cartes en main. Pendant le confinement, on s'est demandé avec mon mari : est-ce qu'on attend ? Est-ce que j'aurai des regrets ? J'ai pesé le pour et le contre et je me suis rendue compte que ça comptait autant pour moi la maternité que le reste, donc qu'il n'y avait pas de raison que ça attende la fin de ma carrière. 

Bien sur, j'ai conscience qu'en faisant ça, ça peut peut-être servir d'exemple et casser des barrières. C'est en ça que c'est intéressant, que ça évolue. Moi, je n'ai jamais été blessée, c'était la première fois que j'étais arrêtée plus d'un mois et demi ! J'ai été super bien accompagnée, j'ai même resigné un contrat avec mon équipementier en étant enceinte alors que j'étais en fin de partenariat. J'ai encore plus envie de montrer que je suis à la hauteur. Je ne suis pas revancharde mais j'ai la fierté de mener ce projet, qui est peut être un peu différent, et qui, j'ose espérer, participe à normaliser la maternité dans le haut-niveau.

Ninon Chapelle lors du meeting de Liévin, le 17 février 2022. (KEMPINAIRE STEPHANE / KMSP)

Vous avez dû adapter votre quotidien d'athlète depuis que vous êtes mère ?

On a la chance d'avoir un petit garçon qui est super cool. Est-ce qu'il a rapidement compris que ça bougeait bien à la maison ? Je ne sais pas, mais en tout cas il a fait ses nuits super vite. C'est relativement facile de s'organiser. On va à la crèche, c'est une vie de maman comme les autres, avec un métier un peu différent. Ca ne m'enlève pas le fait que, quand je suis en compétition, je suis Ninon la perchiste. 

"Ma vie a un peu changé, j'ai une double casquette, mais ca m'a apporté une force en plus, du recul aussi. On se dit que, comme sportif de haut niveau, ca ne sera jamais le bon moment, on a des échéances tous les six mois. Cette question, je ne me la pose plus."

Ninon Chapelle

franceinfo: sport

Le 18 février dernier, le ministère des Sports a présenté un guide pratique de la maternité dans le sport de haut-niveau. Il était temps de parler de maternité pour les sportives professionnelles ?

Aujourd'hui, la longévité dans le sport est de plus en plus présente. J'aimerais sauter à la perche jusqu'à 35 ans - j'en ai 26 - donc pourquoi décaler ma maternité à dans 10 ans ? On doit apprendre à gérer notre carrière de façon un peu différente. Ce guide c'est une bonne chose, car ça veut dire qu'on prend en considération nos projets. Qu'on intègre l'idée que les athlètes ne vont pas s'arrêter à leur premier bébé et voudront au contraire poursuivre leur carrière. Ca permet de créer un cadre autour de ça, au même titre qu'il existe un cadre pour les athlètes blessés. En tout cas la génération qui arrive se posera peut être moins de questions parce que d'autres nanas ont fait une partie du chemin. 

Comment abordez-vous ce championnat de France à Miramas samedi ?

Je vais aux France avec l'ambition de gagner, forcément. C'est un titre que j'ai eu plusieurs fois et ça me tient vraiment à cœur de gagner ce concours. Ca va être relevé, plusieurs filles ont bien progressé sur la période où je me suis arrêtée : Margot Chevrier, Elina Giallurachis, Albane Dordain... Il y a tout un tas de filles qui montent en puissance. Et n'ayant pas retrouvé encore mon niveau de perf' le plus haut, je vais être à la bagarre. Et c'est d'autant plus sympa ! Cette densité, c'est très bien pour la perche. À chaque compétition, je sais que je peux me faire battre, ça me relance bien, il faut que je me donne à fond.

Voir cette publication sur Instagram

Une publication partagée par Ninon Chapelle (@ninongr.pv)

Vous avez déjà effacé des barres à plus de 4m45 et figurez dans le top 3 au bilan français, désormais, quels sont vos objectifs ?

Le but désormais, ce sont clairement les Jeux de Paris 2024. Avant ça, on a une grosse saison cet été avec les championnats du monde et d'Europe. Pour cela, les minimas à 4m70 sont clairement mon objectif à court terme. C'est une barre que j'ai effacé plus de huit fois dans ma carrière donc je sais qu'en courant vite, en sautant bien, je suis capable de retrouver ces hauteurs là. Pour le moment, je n'ai pas passé de cap en terme de performance, en étant régulière autour de 4m40. C'est encore loin de mes meilleures performances, mais les indicateurs sont bons. Je crois que je suis désormais capable de passer le cap d'après, j'ai envie d'aller plus haut.

Pour engranger de la confiance sur les sauts, c'était important pour vous de prendre part aux Perche Élite Tour, des meetings indoor de saut à la perche ?

Oui, on a la chance d'avoir un super circuit en France en hiver, c'est un vrai avantage. La perche, c'est du mini réglage de poteaux et ca nécessite en peu de temps. J'ai aussi changé de matériel, j'ai des nouvelles perches. C'est intéressant pour moi qui n'en avait jamais changé. Je me suis dit que ça pouvait m'apporter un petit élément en plus pour gagner de la régularité sur des barres hautes. Plus on a de concours, plus on a de chances de bien se caler. Et au vue de la saison qui nous attend cet été, ça permet de mettre déjà en place des éléments. 

Vous avez donc digéré l'épisode des JO de Tokyo pour vous relancer vers Paris 2024 ?

C'est passé, on a eu les échanges qu'il fallait. La fédération française d'athlétisme me soutient toujours dans mon projet et moi j'ai toujours les crocs pour participer aux Jeux ! Je sais que j'ai déjà réalisé les performances pour y aller et j'aurai la force de les refaire. J'habite dans le Val d'Oise donc en ligne direct vers le Stade de France, ca sera vraiment cool de partager les Jeux olympiques avec toute la famille. J'ai vécu des très beaux moments en équipe de France et ce sera d'autant plus fort après toutes ces aventures.  

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.