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Dopage technologique ou simple innovation, les "baskets à records" de Nike divisent les amateurs de running

Les Vaporfly ont envahi les pelotons des marathons, bien au-delà des coureurs d'élite, et font tomber les records. La fédération international d'athlétisme doit se prononcer sur une éventuelle interdiction.

Article rédigé par franceinfo - Clément Conte
Radio France
Publié Mis à jour
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World Athletics pourrait prochainement interdire les modèles de chaussures Vaporfly de Nike. (RICHARD MOUILLAUD / MAXPPP)

Au stade Léo-Lagrange à Paris, un soir de semaine, une cinquantaine de coureurs amateurs enchaînent les tours de piste, dans les frimas de janvier. Parmi eux, Laurent, 35 ans, fait partie des rares à s'être laissé tenter par les Vaporfly de Nike, ces baskets qui défrayent la chronique chez les marathoniens et les coureurs de fond. Mais lui ne voit pas quel est le problème : "Si ça peut me permettre de mieux finir les courses, c’est plus de plaisir, explique-t-il. La plaque de carbone, sous la semelle, permet de mieux équilibrer le pied, ce qui fait que la foulée est un peu meilleure. Mais je pense que c'est surtout la mousse qui est révolutionnaire... Il faut être curieux !"  

Avec une lame de carbone dans la semelle et des coussins d'air, les Vaporfly de Nike font tomber les records, depuis leur sortie en 2016. Dopage technologique ? Elles pourraient bientôt être interdites en compétition par World Athletics, la fédération internationale d'athlétisme. Ces chaussures optimiseraient trop les performances des athlètes. En ligne de mire, notamment, la performance incroyable du Kenyan Eliud Kipchoge, le 12 octobre dernier à Vienne (Autriche). Le recordman du monde du marathon avait bouclé les 42,195 km en 1 h 59 min 40 sec avec, aux pieds, un prototype de ces fameuses chaussures. Le lendemain, Brigid Kosgei avait battu le record féminin (2 h 14 min 04 sec) avec un modèle des mêmes baskets. Un joli coup de projecteur qui a permis de séduire les "runners" amateurs.  

Comme Laurent, Marielle a fait le choix elle aussi de courir avec ces baskets aux pieds. "En tant que coureur, on a tous des chaussures pour lesquelles on sait qu'on a de meilleures performances qu'avec d'autres, parce qu'elles sont plus adaptées à tel ou tel exercice. Ça fait partie de l'évolution technologique et de notre vie de coureur, on n'a vraiment pas les mêmes équipements qu'il y a cinquante ans."     

"De la technologie, pas du dopage"

L'innovation des Vaporfly réduirait de 4% la consommation d'énergie, selon des chercheurs. Un avantage en course qui semble indiscutable même si pour Alain Temin, entraîneur du club SAM Paris 12, il ne faut pas parler de dopage technologique. "Le mot dopage, non, il faut l'enlever complètement. C'est de la technologie, défend-il. Je suis très surpris de cette réaction [de World Athletics]. Quand Nike a sorti les Nike Air [à la fin des années 1980] avec leurs semelles épaisses, cela n’a pas amélioré la vitesse pour autant, c’est simplement du confort." Alors, effet placebo ? "Ah, ça ! oui, à 100%. Carrément même !", s’exclame-t-il dans un éclat de rire.    

Reste que les performances des professionnels s'améliorent. Mais ces chaussures sont loin de convaincre tout le monde. Parmi les sceptiques : Patrice Gergès, le directeur technique national de la Fédération française d'athlétisme (FFA).  "A partir du moment où on introduit une technologie qui rend artificielle des aptitudes motrices, cela sème un flou qui est désagréable. L'athlé se doit d'être transparente. C'est l'un des rares sports où on peut simplement courir dans la rue. On peut faire un 100 mètres, on se chronomètre et on se compare. S'il faut avoir du matériel pour se comparer, alors l’athlétisme devient un sport mécanique." Son raisonnement est aussi celui de World Athletics qui pourrait interdire ces chaussures en compétition. Un panel composé d'officiels, athlètes, médecins, scientifiques et experts juridiques doit rendre ses conclusions d'ici la fin du mois, et le conseil de la fédération devra ensuite approuver un éventuel changement de règlement.

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