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Bière, auberge de jeunesse, préparation mentale : le monde d'écart entre marathon professionnel et amateur

Ce dimanche, le Marathon de Paris a consacré deux coureurs professionnels. Mais le plateau Elite ne constitue qu’une minorité des participants. La plupart sont amateurs. A quel point leur Marathon est-il différent ? Nous avons comparé la préparation et la course de Loïc, amateur, et de Matthias, semi-professionnel.
Article rédigé par Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
  (THOMAS SAMSON / AFP)

J-60 : Du Kenya à l'Aisne, on se prépare

On est le 22 février. C’est le début des vacances pour Matthias. Il a posé un mois de congés à la Garde Républicaine. De quoi bien se prélasser sur des longues plages de sable fin ? Pas du tout. Matthias s’envole pour le Kénya, avec un camarade et son père. Tous les trois se lancent dans un programme d’entraînement intensif en vue du marathon de Paris. Lui qui est un habitué des semi-marathons, se lance pour la première fois, à 35 ans, dans une course de 42 kilomètres.

Le menu du séjour kényan est copieux. Matthias fait à peu près 200 kilomètres de course par semaine. Chaque journée est réglée à la minute près. Une grande sortie matinale, et une autre grande sortie après la sieste du début d’après-midi : du « bi-quotidien ». Les courses sont suivies de séances de récupération, d’étirement et de massage. "Les à-côtés de la course sont encore plus importants que la course elle-même, affirme Matthias. Par exemple, on ne peut pas manger n'importe quoi !" Son régime est scrupuleusement pensé. Des fruits et des légumes en priorité, des féculents parfois ; mais surtout pas de sucreries ou de fast-food. "Je me suis fait plaisir une fois sur tout le mois : je me suis permis de goûter un dessert kényan, juste pour découvrir"  A de rares exceptions près, la discipline est donc de rigueur. L'objectif est d'arriver à son pic de forme au jour-J. "Je suis rentré en France trois semaines avant le marathon, explique Matthias,  parce qu'on a calculé qu'il fallait à peu près 15 jours pour récupérer d'une telle préparation. Ensuite, sur les sept derniers jours, le corps tire vraiment tous les bénéfices de la prépa. Et j'arrive au marathon à mon pic"

Que faisait Loïc, amateur averti dont c'est le deuxième marathon de Paris, pendant que Matthias s'entraînait en Afrique? Il ne s’amusait pas non plus. En tout cas pas tout le temps. « Depuis un an, je me suis mis sérieusement à la course » Ainsi, deux ou trois fois par semaine, il arpente les routes de Thiérache, dans l’Aisne. A chaque fois, dix ou douze kilomètres parcourus. Loïc s'entraîne régulièrement avec sa compagne. « On s’organise avec elle pour aller s’entraîner quand les enfants ne sont pas là ! » Alexandrine, 36 ans, a également pris le départ. Elle n’avait jamais couru de marathon : « Je suis très sportive mais j’avoue que je n’aurais jamais tenté cette aventure si Loïc ne s’était pas lancé ». A deux donc, ils vont braver les pentes plus ou moins douces de la région pour préparer au mieux le rendez-vous d’avril. Pas d’entraîneur attitré, pas de programme de récupération et encore moins de massage. Quant au régime, s'il affirme "manger sain assez naturellement toute l'année" Loïc ne se prive surtout pas de ses plaisirs. "Ça m'arriver de boire un verre, deux, voire plus. Je ne me prive pas du tout ! "

J-1 : "Ils vont peut-être faire la fête dans l'auberge de jeunesse... au pire on les rejoindra !" 

Quatre jours avant le marathon, Loïc s'enfile même "deux ou trois bières" à l'occasion d'une soirée. "Depuis, je suis en mode abstinence. Je me contiens pour l'épreuve. Mais c'est difficile... Au restaurant ce samedi on m'a demandé ce que je buvais, j'ai du répondre de l'eau gazeuse quoi... J'espère que ça va payer au moins !" s'exclame-t-il dans un grand éclat de rire. Samedi, veille du grand jour, Loïc quitte Origny-en-Thiérache, son village, pour rejoindre la capitale. Deux heures de voitures plus tard, il pose ses bagages... dans une auberge de jeunesse. "Là, le problème c'est qu'il y aura peut-être une fête en bas dans l'auberge ce soir. On risque de ne pas pouvoir s'endormir... au pire on les rejoindra !" lance Loïc, à moitié sérieux. Il finira par s'endormir vers 23h30, jusqu'à 6h30. Le lendemain matin, Loïc et sa femme sont un peu pris de court. A l'auberge, le petit-déjeuner n'est servi qu'à 7h30. Or ils doivent partir à 7h pour rejoindre les Champs-Elysées à temps pour le départ. Par chance, Alexandrine avait prévu le coup. Dans ses affaires, elle avait pris des tranches de pain d'épices et des Snickers ! "Pas sûr que ce soit l'idéal mais bon, au moins on n'y va pas le ventre vide" lâche Loïc.  

Le ventre vide, Matthias, lui, a tout anticipé pour que ça n'arrive pas. Le matin du départ, il s'était prévu un "gâteau sport". C'est une pâtisserie énergétique, pensée pour les sportifs souhaitant éviter les lourdeurs de la digestion. Quant à son repos, tout avait été une nouvelle fois scrupuleusement pensé. "Ce n'est pas la veille qu'il faut particulièrement bien dormir, analyse Mathis. C'est l'avant-veille !" Vendredi soir, c'était donc coucher à 21h30 et lever 12h plus tard. Tout était alors prêt pour le lendemain : condition physique,  provisions, arrivée sur les Champs prévue à 7h15 pour aller s'échauffer avant le départ, condition mentale. 

L'aspect mental du sport n'est d'ailleurs pas à laisser de côté selon Matthias. "Je n'ai pas de prépa mentale à proprement parler. Mais je fais des exercices de concentration. Pendant toute la semaine qui a précédé le marathon, je me suis concentré sur ma respiration" 

Jour-J : objectif chrono et Tour Eiffel 

Matthias part une dizaine de minutes avant Loïc. Il se trouve dans le sas des élites, avec les autres semi-professionnels et professionnels du peloton. "Toute la course, je n'ai qu'une chose en tête, affirme-t-il. Ma ligne de course. Je regarde la route devant moi, je me concentre sur ma respiration, je suis dans ma bulle. Je ne vois pas ce qui se passe autour" 

Loïc, lui, court beaucoup moins tête baissée. "Les monuments, la ville, évidemment qu'on regarde. Le public, l'ambiance, tout ça rythme la course" Mais derrière, il garde le cap. Le même que Matthias. Celui de tout marathonien, qu'il soit professionnel ou amateur : le chrono. "On fait le marathon avant tout pour le surpassement de soi. Alors oui, j'avais un objectif, et je faisais avant tout attention à rester dans les temps de mon objectif." Au bout de 2h19, Matthias franchit la ligne d'arrivée. Quasiment une heure plus tard, Loïc arrive. 3h17. Tous les deux ont rempli leur objectif. 

Une image, un moment qui leur restera dans cinq ou dix ans? "D'un point de vue individuel, c'est clair que ce serait ma perf, tranche Matthias. C'est mon premier marathon et j'arrive à être juste en-dessous de mon objectif. Mais sinon, c'est de voir le sourire de ma famille à l'arrivée." Loïc, lui, n'hésite pas une seconde. "Voir Alex franchir la ligne d'arrivée". 

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