"N'importe quel runner débutant veut ressembler aux champions olympiques !" : comment les vêtements techniques de sport ont fait leur révolution auprès du grand public
"Sans maîtrise, la puissance n'est rien", disait une publicité culte dans les années 1990. Et de l'aveu même de nombreux sportifs, amateurs ou plus aguerris aussi puissants soient-ils, s'il y a bien un élément impossible à maîtriser, c'est la météo. Amateurs de marathon, cyclistes du dimanche ou spécialistes des Iron Man, tous ont passé des moments d'enfer sous la canicule ou d'autres instants de solitude dans des plaines gelées.
Et ces questions sont plus que jamais d'actualité. Selon un sondage de l'association Nuances d'avenir, trois quarts des sportifs disent ressentir l'impact du changement climatique sur leur pratique et 53% d'entre eux déclarent avoir adapté leurs activités. Selon l'association, "les événements climatiques extrêmes, comme les vagues de chaleur (57%) et les pluies torrentielles (55%), perturbent les activités sportives, obligeant certains à interrompre leurs séances (31%) ou à ressentir des inconforts physiques (40%)."
À la quête du "vêtement parfait"
Depuis de nombreuses années désormais, et notamment cette dernière décennie avec l'engouement autour du trail - cette discipline qui combine randonnée et course à pied en dehors des sentiers battus -, les marques spécialisées se sont tournées vers des vêtements toujours plus techniques. Ici, des chaussures déperlantes pour marcher dans l'eau et garder les pieds au sec ; là, des sous-vêtements chauffants thermiques pour évacuer la transpiration ; ou encore des combinaisons de natation pour défier les eaux glacées. Des articles initialement réservés aux professionnels. Aujourd'hui, la technologie aidant, il n'est plus rare de voir un "runner du dimanche" se pavaner avec un gilet réfrigérant ou une veste thermorégulée. Derrière ces innovations se cachent souvent des passionnés qui, faute de réponse adéquate, se sont lancés dans cette quête du "vêtement parfait", comme le glisse Romain Trébuil, fondateur de Circle Sportswear.
Après un passage chez L'Oréal et dans l'univers des start-up, ce "runner" a lancé la marque "100% française" en 2020. Il s'est donné une mission : être 100% responsable. "On allie systématiquement performance, écologie et Europe. Depuis quatre ans, on s'efforce de créer des bons produits techniques performants et écologiques pour homme et pour femme… Tout pour le running", souligne-t-il.
"Que va en faire l'utilisateur ?"
Pour mettre au point de tels produits, Romain Trébuil et son équipe - tous amateurs de sport et pratiquants - se posent avant tout une question simple : celle de l'usage. "Que va en faire l'utilisateur ? Comment va-t-il le porter ? Ces questions vont permettre de définir les besoins. Si on parle d'un t-shirt, d'un short, d'une paire de chaussures, c'est graduel. Moins je suis performant, plus je recherche du confort. Pas de gêne, des poches, des accessoires… À l’inverse, lorsqu'on monte en performance, on va vouloir éliminer le superflu et ne garder que l'extrême essentiel qui va permettre d'être couvert et le plus léger possible". Et le patron de sourire : "Ce qu'on nous demande systématiquement, ce sont des poches ! Le coureur urbain veut mettre quelque part son téléphone ou ses clés. Le plus aguerri cherche à y mettre des gels d'alimentation, etc..."
Une philosophie commune à celle d'Édouard Castaignet, président de la société G-Heat. Dans un premier temps spécialiste des vêtements techniques du secteur du BTP et de l'industrie avec des produits pour supporter aussi bien les fortes chaleurs que le froid mordant "des entrepôts frigorifiques", ou des vêtements chauffants pour des personnes atteintes de la maladie de Raynaud, la marque s'est peu à peu concentrée sur la pratique sportive avec une dose de technologie pour le moins bienfaitrice.
Édouard Castaignet et ses équipes ont, en effet, lancé des vêtements de sport capables de rafraîchir l'athlète durant l'épreuve. Casquette à 15 degrés, gilet "glacé" ou encore t-shirt rafraîchissant. Autant d'idées aussi déroutantes qu'innovantes pour les sportifs. "Nos textiles, que ce soit des t-shirts, des accessoires type serviette ou casquette, sont équipés d'un textile très particulier, l'une de nos trois technologies. La première est faite de cristaux de jade qu'on va mêler intimement à une fibre polyester. Cela va dissiper plus rapidement la chaleur qu'elle ne l'absorbe et va ainsi permettre un rafraîchissement rapide. On l'active en trempant le textile, en l'essorant et en le frappant. Cela va provoquer automatiquement un rafraîchissement d'une bonne dizaine de degrés par rapport à la température ambiante", détaille le dirigeant.
Et de poursuivre : "On a également une technologie qui est un polymère ultra-absorbant, ce qui va prolonger le phénomène de l'évapotranspiration du corps dans le cadre d'une chaleur plutôt sèche. Enfin, il y a ces matériaux à changement de phase. Ce sont ici des pains de glycérine, semblables à des gros glaçons, qui, une fois chargés au frigo ou au congélateur, vont restituer une température fixe pendant un temps donné", présente Édouard Castaignet.
"Pour vous donner un exemple, notre gilet va restituer 19 ou 21 degrés pendant un certain laps de temps."
Edouard Castaignetà franceinfo
L'idée d'un "ruissellement" technologique de la pratique professionnelle vers le grand public sportif anime les deux entrepreneurs. Pour des grandes marques, comme Arena, le spécialiste des maillots et des combinaisons de bain, on défend cette "innovation pour tous".
Dans ce domaine plus aquatique, Arena est confronté à des demandes toujours plus poussées de sportifs à la recherche de performance. "Nous investissons beaucoup de temps avec nos athlètes, la connaissance de leur sport est cruciale et leurs tests et validations de nos produits sont essentiels au succès des produits. C'est notre philosophie", assure Greg Steyger, directeur de la gamme de produits "Racing & Equipement" de la marque italienne.
Et de préciser : "Le secret, c'est l'innovation. C’est pour nous le principal moteur du développement de produits dans la catégorie course. Cette innovation doit être fonctionnelle, c’est-à-dire qu’elle doit apporter des bénéfices perceptibles au sportif. Si nos athlètes ne sont pas convaincus de rivaliser avec ces produits, nous ne les lançons pas", assure-t-il.
"Pour certains produits, le parcours de développement a duré plus de quatre ans, avec 89 prototypes et des tests sur 600 athlètes"
Greg Steyger, de Arenaà franceinfo
Greg Steyger se dit optimiste… et un brin rêveur : "Je pense qu'il est bon que tous les consommateurs aient accès aux meilleures technologies et innovations. On pourrait dire que certains athlètes amateurs ne bénéficieront peut-être pas de tous les avantages liés à l’utilisation de ces produits haut de gamme, mais cela ne signifie pas qu’ils ne devraient pas avoir la possibilité de les acheter, de rêver et d’aspirer à devenir un athlète d’élite".
Le "bon" look pour faire partie de la communauté
Au-delà du sport et de la performance pure, Romain Trébuil le sait très bien, il y a une grande place dédiée au look. "Il y a un côté sociétal et communautaire. Il y a 15-20 ans en arrière, je courais plutôt seul en ville ou dans les sentiers. Je ne rencontrais pas grand monde. Je prenais le premier short et le premier t-shirt de mon armoire. Or, désormais, courir en club ou entre amis devient aussi un endroit de sociabilité. Et comme tout endroit de sociabilité, on prend soin de son apparence : je veux faire attention à mon look et je veux être parfait, je veux que les couleurs soient accordées, de bonnes matières et de beaux produits, les dernières nouveautés…", analyse-t-il.
Et peu importent donc le prix et les performances. Quitte à, parfois, provoquer des dérives. "N'importe quel runner débutant veut ressembler aux champions olympiques ! Parfois, on va donc rechercher des vêtements très techniques, même si, en soi, il n'y en a pas besoin. Et il y a parfois des dérives. Par exemple, quelqu'un qui met plus de 3 heures 30 pour courir un marathon, il ne faut surtout pas qu'il mette des chaussures à plaques carbone, ça risque d'abîmer ses genoux. Comme si vous chaussiez les skis d'Alexis Pinturault, vous auriez beaucoup de mal, ou que vous preniez la raquette de tennis de Gaël Monfils… Il y a donc parfois des choses qui sont mal interprétées", prévient-il.
"La chaleur n’est pas l'amie de la performance"
Enfin, une question : est-il plus dur de faire du sport dans la chaleur estivale ou dans la fraîcheur hivernale ? Interrogée par franceinfo, Alexia Cornu, coach sportive, l'assure : "La fraîcheur ou le froid sont plus propices aux activités d’endurance, car ainsi, le corps n’est pas en surchauffe. Mais cela demande des échauffements plus longs, car les muscles et les articulations sont raides, cela implique de se lever plus tôt et cela peut accroître la fatigue."
À l’inverse, "la chaleur n’est pas l'amie de la performance, en particulier pour les activités endurantes, car le corps doit travailler deux fois plus pour maintenir une température normale, la fréquence cardiaque augmente de 10 à 15 battements par minute, la transpiration augmente également, et cela fait peser des risques de crampes, d’épuisement voire des problèmes cognitifs comme de la désorientation", détaille Alexia Cornu. Au contraire, "pour les activités explosives et très courtes, la chaleur est une alliée".
Et la spécialiste de l'avouer : la vraie ennemie des sportifs reste l'humidité. "Courir un marathon sous un orage, c’est terrible ! La transpiration ne peut pas s’évaporer correctement, elle perd son rôle de refroidissement et le corps se transforme en cocotte-minute", explique la coach sportive. Elle avait posé problème lors des derniers Jeux olympiques à Tokyo en 2021, considérés comme les plus chauds jamais enregistrés, durant lesquels les températures dépassaient régulièrement 30°C avec une humidité de 80%.
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