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Mondiaux d'athlétisme 2022 : l'itinéraire exceptionnel de Devon Allen, entre football américain et 110 mètres haies

L'athlète de 27 ans, drafté en NFL chez les Eagles de Philadelphie, vise un premier sacre mondial sur 110 m haies à Eugene, lundi.

Article rédigé par franceinfo: sport, Louise Le Borgne
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'Américain Devon Allen au départ du 110m haies, le 25 juin 2022, à Eugene (Etats-Unis). (STEPH CHAMBERS / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Touchdowns ou starting-blocks ? Devon Allen n'a pas tranché. Avec 1,83 m sous la toise pour 90 kg, 10"12 au 100 m et 88 cm de détente verticale, le prodige attire les regards, à commencer par ceux de la Ligue nationale de football américain (NFL) et de la Fédération américaine d'athlétisme (USATF). Cette saison, le hurdleur est devenu le troisième homme le plus rapide de tous les temps sur 110 m haies (12"84). Dès lors, il est annoncé comme l'un des favoris des Mondiaux d'Eugene, le 17 juillet 2022. Dans le même temps, l'Américain a été recruté par les Eagles de Philadelphie pour jouer dans la prestigieuse NFL.

Yeux bleu turquoise, profil athlétique, foulée musclée, Devon Allen ne passe pas inaperçu à Eugene. Le champion des Etats-Unis du 110 m haies joue à domicile : en 27 ans d'existence, sa vie a irrémédiablement tourné autour de cette petite ville (à peine 200 000 âmes), nichée entre le Pacifique et les montagnes de l'Oregon.

Bras de fer avec Grant Holloway

Depuis que Phil Knight et Bill Bowerman y ont fondé Nike dans les années 1950, Eugene s'est imposée comme la mecque de l'athlétisme américain. Un lieu devenu incontournable dans l'itinéraire des champions, tant au niveau fédéral qu'universitaire (NCAA). Originaire de Phoenix (Arizona), le hurdleur a ainsi rejoint l'université d'Oregon pour y développer ses capacités hors normes.

C'est également à Eugene que Devon Allen a construit l'une de ses plus grandes rivalités, en championnat fédéral, avec Grant Holloway, vice-champion olympique à Tokyo. Depuis un an, les deux Américains sont engagés dans un bras de fer haletant. Ils ont tour à tour fait trembler le record du monde d'Aries Merritt (12"80 en 2012). En juin 2021, lors des redoutables "trials" américains qualificatifs pour les Jeux, Grant Holloway avait pris le meilleur sur Devon Allen en signant un temps canon de 12"81 (2e chrono de l'histoire). Ce dernier avait ensuite rétorqué cette saison en s'attribuant à Eugene le titre national, à peine deux semaines après avoir couru à New York le 110 m haies en 12"84 (le troisième temps de l'histoire).

Malgré ses chronos canons, Devon Allen court encore après une première breloque mondiale en individuel. Rentré bredouille de ses finales olympiques à Rio en 2016 (5e) et Tokyo en 2021 (4e), il n'a accroché que la 7e place lors des Mondiaux de Doha en 2019. Actuellement 2e au classement mondial de World Athletics, derrière le champion olympique jamaïquain Hansle Parchment, le hurdleur lorgne sur une première couronne mondiale. Hasard de l'attribution des Mondiaux, c'est donc à Eugene que Devon Allen pourrait conquérir son premier titre majeur.

Une carrière en football américain contrariée

Mais la vie de Devon Allen ne se déroule pas uniquement sur le tartan. Receveur pour l'équipe universitaire d'Oregon entre 2013 et 2016, le jeune homme réalise des performances remarquées. Mais sa carrière est freinée par des blessures en série. En 2015, en demi-finale des playoffs universitaires, Devon Allen se déchire le ligament croisé antérieur du genou gauche et doit subir une intervention chirurgicale qui signe la fin de sa saison.

Revenu au plus haut niveau un an plus tard, le sportif tente de nouveau une incursion sur le carré vert, après les Jeux de Rio. Mais à son quatrième match, c'est cette fois le ligament du genou droit qui le trahit. Le champion raccroche, quitte l'Oregon et embarque avec lui son sac de pointes pour se concentrer sur les haies, signant en 2016 un contrat d'athlète professionnel avec Nike. 

Devon Allen avec les Ducks de l'Oregon contre les Michigan Spartans, le 6 septembre 2014, à Eugene (Etats-Unis). (JOE ROBBINS / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

 “Si je n'avais pas eu de blessure au genou à l'université, cela ferait probablement 5 ans que je jouerais en NFL. J'aurais probablement suivi la voie tracée par la draft et gardé la piste pour l'intersaison", assurait l'Américain, en janvier, dans une interview au New York Times (article en anglais et pour les abonnés)

Mais l'athlète a persévéré. Renouant avec ses premiers amours, il s'est présenté en 2022 à une journée de recrutement de la NFL. Le point fort de sa prestation ? Un sprint de 40 yards (36.5 m), réalisé dans le temps non officiel de 4"35, lors du Pro Day de l'Oregon. "Je ne veux pas attendre d'avoir 30 ou 31 ans pour essayer d'intégrer la NFL. Je sais que l'écart de compétences est important entre le niveau universitaire et la NFL, mais me considère assez talentueux pour y jouer", avançait le hurdleur en conférence de presse lors de cet événement cité par World Atheltics (contenu en anglais).

De quoi taper dans l'œil des recruteurs des Eagles de Philadelphia qui l'ont engagé, en avril, pour trois ans, au poste de receveur. Une question demeure néanmoins : pourquoi Devon Allen mettrait-il en péril une carrière mondiale sur piste pour un sport qui l'a si souvent laissé sur le bord de la route ? "Parce que j'aime le football", avoue sans détour l'intéressé au New York Times.

Avant lui, d'autres athlètes avaient embrassé une double carrière, à l'image de Renaldo Nehemiah, le premier athlète sous les 13 secondes au 110 m haies (1981) qui avait lui aussi joué pour les 49ers de San Francisco pendant trois saisons. Pour mener ses deux carrières, Devon Allen dit s'astreindre à une hygiène de vie drastique. De la récupération au sommeil, en passant par la diététique, tout est millimétré pour pouvoir enchainer. 

Avant de s'envoler à 2  945 miles d'Eugene pour son nouveau défi, Devon Allen est attendu dimanche sur la ligne droite d'Hayward Field. Après avoir été formé, drafté, sélectionné et même baptisé à Eugene, deux jours avant de décrocher son ticket pour les Jeux de Rio, Devon Allen veut y triompher. Les planètes semblent alignées pour la fusée américaine. 

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