JO 2016 : blagueur ou bosseur, qui est vraiment Pierre-Ambroise Bosse ?
Aussi connu pour ses résultats que pour sa langue bien pendue, le coureur français participe à Rio à ses premiers Jeux olympiques.
"Vous croyez que, si je vomis ici, ça fait le buzz ?" Ce 13 août 2013, Pierre-Ambroise Bosse vient de passer à côté de sa course. En finale du 800 mètres aux championnats du monde d'athlétisme à Moscou (Russie), il a franchi la ligne d'arrivée en septième et avant-dernière position. Peu importe. Au micro de Nelson Monfort, le jeune athlète français préfère garder le sourire, et jouer aux plaisantins. Il ne vomit évidemment pas sur les chaussures de l'intervieweur polyglotte, mais sa petite blague fait le tour des réseaux sociaux. Les Français font alors la connaissance d'un luron fort sympathique.
Trois ans plus tard, alors qu'il participe à ses premiers Jeux olympiques – vendredi 12 août, il a terminé premier de sa série, décrochant une place pour les demies qui auront lieu dans la nuit de samedi à dimanche –, Pierre-Ambroise Bosse a toujours son visage juvénile. Il n'a rien perdu de son franc-parler et de son humour, mais il n'a toujours pas décroché de médaille au plus haut niveau (mais il a terminé 5e des derniers Mondiaux).
Un vrai angoissé sous ses airs détendus
Pierre-Ambroise Bosse, c'est d'abord un temps : 1'42"53, record de France réalisé à Monaco en 2014. Un temps supersonique qui lui a valu l'étiquette de favori aux championnats d'Europe de Zurich (Suisse), cette année-là. Une pancarte bien lourde à porter : parti très fort, le Français s'était écroulé dans les 200 derniers mètres. Il n'expliquera qu'après avoir eu une crise de tachycardie 10 secondes avant le départ.
Sous des dehors nonchalants – "il y en aura d'autres, des championnats d'Europe" – "PAB" est un angoissé, un vrai. "J’avais fait n’importe quoi, reconnaît-il dans une interview au site français VO2. Je suis complètement dingue à ce moment-là. Les fils se touchent. Je pense qu’on n'est plus que deux dans ma tête. J’ai trouvé des techniques pour inhiber ce truc-là, mais je ne peux pas dire que je ne le ressentirai plus jamais."
Une bonne descente
Le porte-étendard du demi-fond français est déjà craint de ses pairs, pour ses performances, mais pas seulement. Son rival américain Nick Symmonds l'a adoubé comme… l'une des plus belles descentes du peloton, dans une interview au site spécialisé Spikes (en anglais) : "J'ai eu le plaisir de boire un verre avec Pierre-Ambroise Bosse. C'est un coureur phénoménal... et un buveur phénoménal." Dans le Journal du dimanche, le sprinter Jimmy Vicaut, un autre fleuron de la jeune génération de l'athlétisme français, ne l'avait pas épargné : "Il aime un peu trop l'alcool pour un athlète. Heureusement, j'ai l'impression qu'il se calme."
Effectivement, Bosse se soigne. Avant sa finale des Mondiaux 2013, il a expliqué sur Facebook s'être privé de bière pendant un an, et a invité chacun de ses supporters à siffler une mousse à sa santé devant sa télé. Dans L'Equipe, il expliquait cette année-là que la bibine était derrière lui : "J'ai changé. Je ne vais pas me ramasser tous les soirs comme je le faisais par le passé. Ça ne me fait plus rire de terminer sur le dos et de me réveiller le matin la tête dans le cul."
Mélenchoniste et mélomane
Pierre-Ambroise Bosse vieillit. Fini la chambre d'ado à l'Insep, fini les mangas qui s'empilent au-dessus des cours pour devenir kiné, les céréales avalées comme des biscuits apéritifs à même la boîte… Le succès aidant, le fondeur a acheté un appartement, et s'est promis de surveiller ses dépenses. Pour autant, il ne renie pas tous ses idéaux. Quand le site Athlé.fr lui demande quel livre il emporterait sur une île déserte, il répond aussitôt : "Le dernier bouquin de Mélenchon, et ses précédents livres aussi." Le sportif s'est rendu à plusieurs meetings du candidat du Front de gauche à la dernière présidentielle. Un engagement rare pour un athlète.
En revanche, on ne l'a pas vu reproduire la quenelle qu'il avait effectuée à l'issue d'une course victorieuse. "C'est une façon de fêter la victoire", s'était-il maladroitement justifié dans Les Inrocks. Le coureur, qui fait régulièrement des nuits de douze heures, peine à se prendre au sérieux. Sans doute à cause de son éternel visage d'ado. "Je suis un enfant, je n'ai même pas de barbe… Ça ne pousse pas, c'est chiant", disait-il au micro de France 2.
"A un moment, il faut faire des médailles"
Sportivement, le coureur aussi est plus mature. En témoigne cette interview à Ouest France juste avant le début des championnats du monde. "Il y a peu de chances que je passe en finale", prévenait-il. Mais Pierre-Ambroise Bosse s'est qualifié in extremis, avec le dernier temps des repêchés. La suite de sa prédiction s'est réalisée. "Je sais déjà que la finale sera plus facile que les demi-finales. C'est souvent le même scénario. Je sais aussi que j'aurais plus de 'caisse' qu'aux Mondiaux de Moscou [il avait terminé 7e en 1'44''79]. Physiquement, j'ai la certitude de pouvoir faire deux grosses courses." Bosseur, Pierre-Ambroise Bosse ? Qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente, on le voit transpirer dans les parcs de Gujan-Mestras (Gironde), près de son club, pour s'adapter à toutes les situations climatiques. Avec un objectif, un seul : "Il faut faire des médailles à un moment donné."
Il sera temps, à la fin de sa carrière, de développer ses autres passions, comme la musique. "Je joue de la guitare, confie-t-il en riant à Spikes. Et je chante, mais uniquement pour les femmes. Je n'ai pas encore de style particulier, comme le reggae ou la pop. Je n'ai pas la voix pour chanter du reggae, je ne fume ni ne bois assez pour ça. Vers mes 30 ans, je promets de m'y mettre." A moins que, d'ici là, une autre passion ne prenne le dessus. Les hélicoptères miniatures par exemple ? "En arrivant à Pékin, on est allé chez Auchan acheter des hélicos, raconte à Athlé.fr un Pierre-Ambroise Bosse qui les fait voler à l'extérieur, mais surtout à l'intérieur de l'hôtel de la délégation française. "On en a cinq dont déjà trois cassés. Ça va assez vite !"
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