Mondiaux d'athlétisme : pourquoi les manchons permettent aux sportifs de jouer les gros bras
Cet accessoire a-t-il un quelconque effet sur les performances ? Rien ne le prouve. Mais les athlètes pourraient se sentir plus forts lorsqu'ils en portent.
L'athlétisme est un sport qui se court sur une piste avec des pointes sous les chaussures. Mais, pour gagner, il faut aussi... porter des manchons sur les bras. Observez attentivement les championnats du monde d'athlétisme à Pékin (Chine), jusqu'au 30 août, et vous verrez toujours plus d'athlètes équipés de cet accessoire. Parmi eux, le Français Pascal Martinot-Lagarde, grand espoir sur 110 mètres haies. Mais, au fait, à quoi servent-ils dans un sport où ce sont les jambes qui font le gros du travail ?
Tout est bon dans le manchon
Pour Pascal Martinot-Lagarde, tout a commencé lors d'un meeting à Istanbul (Turquie), un samedi de janvier, par une température polaire. Il a aussitôt adopté le look, le personnalisant plus tard avec des messages comme "Ici c'est Paris", pour le meeting Areva, au Stade de France. C'est l'unique utilité de ces accessoires. Si les équipementiers, comme Nike, vantent un meilleur drainage du sang et avancent un gain de 2 centièmes pour les sprinters, rien ne prouve que ces manchons ont une quelconque utilité. Une étude publiée dans The International Journal of Sports Physiology and Performance (en anglais) montre que ces vêtements de compression permettent un gain de performance significatif... auprès des athlètes qui croient déjà à leur utilité. Vous avez dit "effet placebo" ?
Ce n'est pas la première fois que les rois du sprint cherchent à améliorer leurs performances grâce à leur tenue. Les photos du marcel à capuche de l'Américain Roger Kingdom – médaille d'or du 110 m haies à Los Angeles en 1984 – ou de sa compatriote, la sprinteuse Florence Griffith-Joyner, et ses combinaisons à une jambe font sourire aujourd'hui.
"L'impression d'être transformée en super-héroïne"
La pionnière des manchons en athlétisme, c'est la sprinteuse américaine Sanya Richards-Ross. Au plus fort de sa carrière, on lui diagnostique une maladie auto-immune. Le traitement entraîne de graves effets secondaires, dont d'importantes lésions sur les bras. Pour les cacher, Sanya Richards se convertit aux manchons. Grâce à cet accessoire, elle crève l'écran. Les réalisateurs télé s'attardent sur ses bras roses, bleus ou rouges, selon son humeur, qui mettent en avant son impressionnante musculature. Nike en fait même une de ses icônes publicitaires. Psychologiquement, les manchons deviennent une arme. "Quand je les mets, j'ai l'impression d'être transformée en super-héroïne", confie-t-elle au magazine de mode Ammo (en anglais).
Les porteurs de manchons n'y voient que des avantages. "Ça ne fait aucune différence physique, mais ça m'aide à me concentrer", explique très sérieusement la fondeuse américaine Kate Grace au site du magazine Running Times (en anglais). Pour d'autres, c'est aussi le moyen de taper dans l'œil du public. Sanya Richards en tête : "Avec nos tenues, on n'a pas beaucoup d'occasions de se différencier. C'est ma façon de me faire remarquer." Le champion d'Europe 2012 du 400 mètres, le Tchèque Pavel Maslak, explique au site Spikes qu'il porte des manchons "pour que les gens se souviennent de moi".
Une mode lancée en NBA
N'allez pas croire que seuls les athlètes se montent la tête avec des manchons. En fait, au début des années 2000, deux sportifs ont contribué à lancer la mode. Le basketteur américain Allen Iverson, alors au sommet de son art, traîne une inflammation récurrente au coude lors de la saison 2000-2001. Pour repousser son opération le plus tard possible, son entraîneur bricole un manchon avec de la bande élastique. Le soir où Iverson entre sur le parquet avec, il marque 51 points, son meilleur total de la saison, et enchaîne une série de performances à 35 points de moyenne, emmenant l'équipe de Philadelphie en finale du championnat NBA. La légende est née, et aujourd'hui un bon tiers des joueurs NBA portent un manchon. "J'aurais dû déposer un brevet", soupire l'entraîneur de Philadelphie de l'époque, Lenny Currier, dans le New Yorker (en anglais).
Encore plus fort, la joueuse de tennis Martina Hingis a longtemps joué avec un polo avec la manche droite longue, et la gauche au ras de l'épaule. "Ça permet de mieux soutenir le muscle", a défendu en 2001 la championne, qui n'a pas fait école. En revanche, l'année dernière, le tennisman canadien Milos Raonic a dû cacher une vilaine réaction allergique sous un manchon – acheté en catastrophe dans un magasin d'articles de pêche, note le site de l'US Open – et a enchaîné une impressionnante série de victoires. Depuis il ne s'en sépare plus et fait des envieux. Comme Serena Williams, n°1 mondiale : "Hey, Milos Raonic, j'adore ton manchon. C'est super cool, c'est différent. Est-ce que ça peut aider mon service ? J'adorerais servir comme toi. #jepeuxenavoirun", écrit-elle sur Twitter.
@milosraonic I love your arm sleeve. It's super cool and different. Will it help my serve? I want to serve like you. #CanIHaveOne
— Serena Williams (@serenawilliams) 31 Août 2014
Réponse du Canadien : "Aucun problème. #believeinthesleeve [Il faut croire en son manchon]". Une quasi-religion qui a de plus en plus d'adeptes, et dans presque tous les sports.
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