Au Sporting Club Toulon, l'arrivée de Mourad Boudjellal rallume la flamme
"Je suis très attaché à ma ville, aux Toulonnais, et tout ce qui touche à Toulon j’ai envie d’en faire partie !", déclarait Mourad Boudjellal à francetvsport vendredi dernier, alors que son arrivée à la présidence du Sporting Club de Toulon se précisait, avant d’ajouter : "Maintenant je le répète, je vais tout faire pour ramener ce club en Ligue 1". Une semaine plus tard, l’homme d’affaires toulonnais doit officiellement prendre ses fonctions ce vendredi d’après Nice-Matin. A peine un mois après avoir clamé qu’il ne viendrait pas, Mourad Boudjellal atteint donc son but : devenir président du SC Toulon, après avoir été celui du Rugby Club toulonnais, qu’il a ramené au sommet. Justement, c’est cette réussite dans le monde de l’ovalie qui enflamme les supporters du Sporting. Ces derniers voient là enfin une éclaircie pour le ballon de rond de la Rade, après plus de vingt ans de galère.
Un historique porté disparu
Les apparences sont parfois trompeuses. Qui penserait à Toulon à l’heure de citer les clubs historiques du football français ? Peu de monde en dehors du Var, sans doute. Et pourtant : avec 12 saisons en Ligue 1 et 36 en Ligue 2, le SC Toulon fait bien partie de l’Histoire du ballon rond tricolore, à sa mesure. Il ne s’agit que du quarantième club en nombre de participations à la L1, mais c'est surtout le douzième en nombre de saisons jouées en L2. Dès lors, qu’est-ce qui justifie l’oubli de Toulon ? La réponse est simple : les vingt-deux dernières années du club, passées dans le monde amateur.
Après la décennie dorée 1983-1993 du SC Toulon de Rolland Courbis - notamment -, le club est relégué administrativement en deuxième division à cause de l’affaire de la caisse noire (mettant en cause certains agents de joueurs et l'utilisation de comptes bancaires à l'étranger), mais glisse même jusqu’en troisième à cause de ses soucis financiers. Une chute dont le club ne se remet pas. Pire, en 1998, une liquidation judiciaire le renvoie en DH, soit le sixième échelon national. Depuis, le club de la Rade galère, vivote. La saison dernière, pour la première fois depuis 13 ans, Toulon avait retrouvé le National et touchait ses rêves de Ligue 2 du doigt. Trop beau pour être vrai. Au terme d’une saison catastrophique (1 victoire en 25 matches), stoppée par le Covid, le club a rechuté en quatrième division. Le moment choisi par Mourad Boudjellal pour pointer son nez.
Une arrivée à point nommé
"On était prêt à tout claquer, on était au bout du rouleau, prêt à entrer en guerre avec le club, prêt à le couler pour repartir en DH pour faire partir tout le monde", lance Gérard, ultra historique du SCT. Mais cette colère des supporters après cette saison terrible a vite été chassée, en témoigne ce même Gérard : "Boudjellal soulève un nouvel espoir, même si on attend de voir. Il aura les pleins pouvoirs, mais la direction actuelle est encore là, et ça on s’en méfie. On n’en veut plus de ce panier de crabes qui s’engraisse sur Toulon sans faire avancer le club. J’espère que Mourad va faire le ménage". Membre des ultras Fedelessimi, Benjamin ajoute : "C’est clair qu’avec lui, il peut y avoir une engouement même beaucoup plus important qu’en National. Je suis confiant, en ville, tout le monde est confiant".
Figure historique du club, Rolland Courbis est aussi un ami de Mourad Boudjellal et préfère temporiser : "Ce n’est pas parce que Mourad arrive à Toulon que ça va marcher, mais par contre sans lui, ça ne peut pas marcher. Le club sort d’une saison ridicule en National. Le fait que Mourad ait trouvé un terrain d’entente, c’est une très bonne chose pour Toulon et je ne serais pas étonné qu’il réussisse". Du côté des supporters, on laisse peu de places au doute : "Il va réussir, c’est un grand monsieur qui sait s’entourer, contrairement au président actuel, il sait écouter les critiques", glisse Gérard, qui ajoute : "C’est le bon moment pour Mourad, après ce feuilleton interminable, d’ailleurs on remercie monsieur le maire de nous avoir écoutés et d’avoir joué un rôle prépondérant pour sa venue".
"On serait heureux de les revoir en Ligue 1 pour revivre ces matches. On préférera toujours jouer contre Toulon que contre Amiens ou Dijon, parce qu’on préfère un football avec des passions, des rivalités, qui permettent à la culture populaire de s’exprimer"
Même chez les grands rivaux marseillais, la nouvelle donne le sourire. Pas parce qu’il s’agit de Boudjellal, mais seulement pour la perspective de revivre les derbys volcaniques. "On serait heureux de les revoir en Ligue 1 pour revivre ces matches. On préférera toujours jouer contre Toulon que contre Amiens ou Dijon, parce qu’on préfère un football avec des passions, des rivalités, qui permettent à la culture populaire de s’exprimer", témoigne un membre de la Vieille Garde du Commando Ultra 84. Mais le chemin de la Ligue 1 sera long pour le SC Toulon, et l’enthousiasme suite à l’arrivée de Mourad Boudjellal aux commandes doit être pondéré.
Ligue 1, formation et voisin encombrant
En fin connaisseur du football français et du contexte toulonnais, Rolland Courbis en est bien conscient. Pour l’ancien entraîneur du Sporting, réussir à Toulon ne rime d’ailleurs pas nécessairement avec un retour en Ligue 1 : "Remonter en 3-4 ans une équipe capable de jouer le milieu du tableau en Ligue 2, ce serait déjà bien. Après, on verra si Toulon peut envisager autre chose". Passé par l’OM, Bordeaux et Montpellier, Courbis fixe un autre cap pour le club de la Rade : "Ce qu’il faut, c’est avoir un bon centre de formation, pour que le Var s’identifie à Toulon, et pour que le jeune footballeur varois puisse percer à Toulon avant d’aller plus loin. Cela éviterait de les voir filer trop tôt à Nice ou Marseille. Et ça, seul Toulon peut le faire dans le département".
En revanche, il ne faudra pas compter sur celui qui a entraîné le Sporting de 1986 à 1990 : "Mourad le sait, il peut m’appeler dix fois par jour, ce sera toujours un plaisir de lui parler, de donner mon point de vue. Après c’est lui le boss, c’est lui qui décide. Mais revenir sur Toulon 24h/24, je pense que c’est tout simplement impossible : je n’ai plus le temps, ni la patience pour ce genre de travail", prévient celui qui se définit plutôt comme un "un ami et surtout un supporter de Toulon et de Mourad". Sur la Rade, le message est passé : Boudjellal ne rime pas avec Courbis comme coach. "Un retour de Courbis, ça faisait rêver... Juste nous conseiller, ça pourrait nous aider, il respire le foot", estime Gérard.
“Ca fait 22 ans qu’on est dans le monde amateur, alors qu’on est un club professionnel. Les fidèles n’ont jamais lâché, même si on est beaucoup moins que dans les années 2000. On ne lâche rien ici, moi je ne me vois pas lâcher. Quand t’es piqué par le virus Toulon, tu l’es à vie"
A Toulon, sa ville, Mourad Boudjellal peut compter sur un soutien sans faille, après avoir fait ses preuves avec le rugby. Un soutien d’autant plus fort que le Sporting passionne, en dépit de ses deux dernières décennies loin du monde professionnel. "Ca fait 22 ans qu’on est dans le monde amateur, alors qu’on est un club professionnel. Les fidèles n’ont jamais lâché, même si on est beaucoup moins que dans les années 2000. On ne lâche rien ici, moi je ne me vois pas lâcher. Quand t’es piqué par le virus Toulon, tu l’es à vie. On est mis à l’épreuve mais on est toujours là", savoure Benjamin. En effet, rares sont les clubs amateurs à pouvoir jouer devant une tribune animée et bruyante. "On est reconnus dans la France pour cela. On a réussi à survivre à ces années d’enfer, ce n’est pas évident". Benjamin enchaîne : "On a perdu pas mal de personnes avec les résultats de ces dernières années, mais ça peut revenir avec l’engouement que va créer Mourad Boudjellal". Et qu’il crée déjà, par sa simple présence.
"Il y a de très bons rapports entre les groupes de supporters du RCT et ceux du foot. Ils sont déjà venus nombreux à nos matches et inversement. Bien sûr qu’il y a de la place pour les deux clubs, le public suit pour les deux"
Le dernier frein au SC Toulon de Boudjellal, cela pourrait finalement être son ancien club : le puissant voisin de l’ovalie, le Rugby Club toulonnais. Mais là encore, aucune inquiétude a priori. "A Toulon il y a le passionné de rugby, le passionné de football, mais aussi le passionné des deux : le Toulonnais aime voir sa ville performer. A mon époque, on partageait le stade et le public", assure Rolland Courbis. Benjamin confirme : "Pour moi le Sporting c’est le club numéro un mais j’ai été supporter le RCT à plusieurs finales. Il y a de très bons rapports entre les groupes de supporters du RCT et ceux du foot. Ils sont déjà venus nombreux à nos matches et inversement. Bien sûr qu’il y a de la place pour les deux clubs, le public suit pour les deux". Du haut de ses quarante ans, Gérard conclut : "On a toujours été voir le rugby et inversement, on a même fait des déplacements entre ultras du foot pour suivre le RCT. Toulon c’est une grande famille". Une famille dont le chef vient de se remettre aux fourneaux, ce qui fait saliver tout le monde.
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