Alain Prost: "Le métier (de pilote de F1) a changé"
Que vous inspire la victoire de Verstappen en Espagne, avec le recul ?
Alain Prost: "Ce n'est plus tout à fait pareil. Ces voitures sont beaucoup plus faciles à piloter, on est moins fatigués, l'ergonomie est parfaite. Quand je pilote ma F1 de 1983, je ne me souviens même plus comment j'ai pu le faire à Monaco. Quand on arrêtait un mois, l'hiver, et qu'on reprenait par des essais à Estoril, on n'était vraiment opérationnels qu'au bout de trois jours. Parfois on faisait trois tours et on devait s'arrêter. Si on faisait 30 tours par jour, c'était le maximum. Aucun jeune pilote n'a jamais pu arriver comme ça, à cause de ces contraintes physiques".
Qu'est-ce qui a le plus changé depuis les années 80 ?
A. P.: "On est entrés dans une ère différente, comme avec les téléphones portables, et ce n'est pas la faute des pilotes. C'est celle de la technologie, des règlements, et la performance reste diabolique, mais le métier a changé. Verstappen a conduit dès l'âge de quatre ans, en karting, et ce n'était pas anodin. En championnat d'Europe ou du monde, le niveau était élevé, donc ça lui a donné une grande expérience. Aujourd'hui, on demande des choses différentes aux pilotes, à cause de toutes les acquisitions de données. On nous demandait de gérer la consommation, les freins, la boîte de vitesses, je disait tout à mon ingénieur mais il n'a jamais réglé la voiture à ma place. Alors qu'aujourd'hui tout est fait par les +mecs de derrière+ (les ingénieurs, à l'arrière du stand, ndlr). Donc un pilote plus porté sur l'analyse, la technique, n'a pas forcément une valeur ajoutée aussi importante qu'à notre époque, par rapport à un gars très rapide, qui a le sens de l'attaque".
Que pensez-vous de l'arrivée de l'écurie américaine Haas, qui débute en F1 (avec des châssis Dallara et des moteurs Ferrari) ?
A. P.: "Je suis un peu partagé. Haas c'est génial, 100% positif pour la F1, ils bénéficient du règlement pour les nouveaux entrants, mais ils arriveront très vite à un plafond, sans les ressources pour développer eux-même. C'est leur choix et je peux comprendre certaines équipes, comme Williams, car on a un peu dénaturé le rôle de constructeur depuis des années, en permettant à un assembleur comme Haas d'acheter des éléments à droite et à gauche. Si on poussait le bouchon plus loin, on pourrait imaginer une équipe n'utilisant que des pièces venues du même pays. Après, quand il faut tout construire, c'est autre chose. Ce n'est pas le même métier".
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