Cet article date de plus d'un an.

F1 : "Il y a peut-être eu un peu d'arrogance ou d'excès de confiance" chez Alpine, estime Cyril Abiteboul

Notre consultant, ancien directeur général de Renault F1, revient sur le week-end mouvementé en coulisses de son ancienne écurie.
Article rédigé par franceinfo: sport, Loris Belin
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Les deux pilotes Alpine Esteban Ocon et Pierre Gasly lors du Grand Prix de Belgique de Formule 1, le 30 juillet 2023 (PAUL VAICLE / AFP)

C'est l'autre remaniement de la fin juillet. En plein week-end du Grand Prix de Belgique à Spa, Alpine a annoncé vendredi 28 juillet les départs de plusieurs de ses hommes forts : le directeur de l'équipe Otmar Szafnauer, son directeur sportif Alan Permane et le directeur technique Pat Fry. Une semaine plus tôt, le directeur général de l'écurie, Laurent Rossi, avait lui aussi été mis à la porte. Cette large revue d'effectif intervient au cœur d'une première moitié de saison décevante en termes de résultats. Notre consultant Cyril Abiteboul, fin connaisseur de la situation en tant qu'ancien directeur de l'écurie quand elle portait encore le nom de Renault, fait le point.

Qu'est-ce que ce week-end agité dit selon vous de l'atmosphère au sein de l'écurie ?

Cyril Abiteboul : Cela traduit une insatisfaction sur les résultats et très probablement d'une perte de patience de la part du comité de direction du groupe Renault. Au-delà de l'impatience, il y a peut-être eu aussi un peu d'arrogance en début de saison ou d'excès de confiance. Quand on ne se confronte pas à la réalité, au bout d'un moment on peut soi-même se raconter des histoires. Il n'est pas exclu que l'histoire que l'on se racontait en interne fût trop flatteuse. Mais Alpine n'est pas si loin non plus.

Que la voiture ne soit pas suffisamment bien née, c'est la seule explication à ces résultats ?

Les chronos peuvent être parfois bons, ou même très bons, d'autres fois bien moins bons. Mais Alpine n'est pas la seule dans ce cas-là. Les variations de compétitivité sont pour tout le monde cette saison, à part Red Bull, qui a un avantage tel qu'ils arrivent à se sortir de toutes les situations, même foireuses. Alpine c'est l'inverse, ils sont toujours un cran en dessous. C'est parfois un peu de leur faute, parfois non. Ils perdent un grand nombre de points, ce qui les place 6e au championnat constructeurs, bien loin des objectifs annoncés. La compétitivité de la voiture en début de saison était en dessous, et ils n'ont pas eu cette espèce d'évolution miraculeuse qu'ont eue d'autres équipes : McLaren dernièrement, Mercedes, Ferrari, Aston Martin en début de saison. Alpine n'a pas sorti cette carte qui les ferait sortir du marigot.

On a beaucoup parlé en 2021 du fameux plan d'Alpine et de son désormais ex-patron Laurent Rossi, de jouer le titre au bout de 100 courses. Faut-il totalement oublier ces ambitions-là ?

Les plans à quantifier à 100 Grands Prix, pourquoi pas 120, pourquoi pas 80… Je ne les comprends pas. Quand on commence à afficher un plan comme ça, on est sûr d'avoir faux car on ne maîtrise pas ce que font les autres en Formule 1. Les investissements colossaux d'Aston Martin, la dynamique hallucinante de Red Bull, tout ça ne va pas s'arrêter parce qu'on arrivait au Grand Prix 99 de Laurent Rossi.

La direction précédente a tenu à faire un reset complet après mon départ, qui avait écarté une quinzaine de personnes. On le sous-estime tout le temps en F1 comme dans d'autres secteurs ultra concurrentiels : aller chercher quelqu'un à la concurrence, ça prend du temps. Quand on perd 15 personnes et qu'on recrute… Il se passe deux à trois ans avant que ça fasse effet. Le remaniement que Laurent Rossi a souhaité faire, on n'a même pas vraiment vu ce qu'il donnait.

Ce dont Alpine a besoin maintenant, c'est d'un élément fédérateur. Esteban Ocon et Pierre Gasly, deux noms, c'est un de trop.

Cyril Abiteboul

à Franceinfo

Quelle pièce manque-t-il alors à Alpine ?

Chaque élément qui est modifié met potentiellement à risque l'esprit et la culture d'équipe. C'est surtout ces deux aspects qui manquent à Alpine. Les investissements ont été faits, les moyens, les ambitions du groupe, la stratégie d'entreprise avec la marque Alpine... Tout est là. Quand une équipe a tout, il lui faut quelque chose qui la dépasse, quelqu'un qui l'entraîne. La force de l'individu capable de tirer 1000 personnes, c'est très fédérateur.

Il y a bien eu dans cette optique le recrutement de Pierre Gasly cette saison pour former une paire très solide avec Esteban Ocon…

Oui, mais vous citez Esteban et Pierre. Deux noms, c'est un de trop. Quand on ferme les yeux, qu'on pense à Mercedes, on pense à Lewis Hamilton, même si Nico Rosberg a fait des choses extraordinaires. Quand on pense à Red Bull, on pense au premier cycle autour de Sebastian Vettel, puis au deuxième cycle autour de Max Verstappen. Il y a besoin d'avoir un pilote qui soit aussi un peu le patron d'équipe, cette force de l'incarnation elle est fondamentale. Aujourd'hui, la grille est très compétitive, toutes les voitures finissent dans le même tour. Il va y avoir dans quelque temps une quasi égalité des armes, et ce qui fera la différence c'est l'ambition, la détermination.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.