F1 : "Max Verstappen est une matière première qu'il reste à polir", explique Cyril Abiteboul, ancien manager de Renault F1 Team
Le calme a repris ses droits sur les paddocks de Formule 1. Dimanche 20 novembre, les pilotes ont fait vrombir une dernière fois leurs machines sur la piste d'Abu Dhabi, où Max Verstappen (Red Bull) a signé une nouvelle victoire, sa quinzième de la saison, devant Charles Leclerc (Ferrari) et Sergio Pérez (Red Bull), soit l'exact classement final du championnat du monde. Le suspense s'était déjà fait la malle il y a quelques semaines, lorsque le Néerlandais avait levé les bras pour la douzième fois de la saison, au Japon, synonyme de nouveau sacre mondial. Derrière, il a encore engrangé trois victoires, pour établir un record sur une saison. Dans son sillage, Redbull s'est aussi emparé du titre constructeurs, laissant des miettes à ses adversaires.
Observateur attentif malgré son éloignement des paddocks depuis qu'il a quitté ses fonctions de manager chez Renault F1 Team, Cyril Abiteboul est revenu pour franceinfo: sport sur cette saison qui a confirmé l'actuelle domination de Max Verstappen, puis la chute de Mercedes et Lewis Hamilton.
Franceinfo: sport : Max Verstappen a remporté un second titre consécutif, est-ce le début d'une domination ?
Cyril Abiteboul : Il n'a pas dominé de bout en bout, il y a eu des phases. Il a pris l'avantage en seconde partie de saison. Il y a eu quelques erreurs, on a suffisamment entendu Max à ce sujet. Il faudrait d'ailleurs qu'il maîtrise mieux sa communication [rires]. Mais je pense que c'est intéressant, car c'est une matière première qu'il reste à polir. On peut aller chercher plus loin pour qu'il soit encore plus performant. C'est ça qui est fascinant. La puissance de cette équipe, je l'admire.
L'accrochage entre Sergio Pérez et Max Verstappen à Sao Paulo peut-il mettre en difficulté l'équipe la saison prochaine ?
Quand on a la visière baissée, il n'y a plus trop d'amitié. C'est bien que ça arrive en fin de saison cependant. Je n'ai pas compris l'embrouille et le fait que Max Verstappen n'ait pas laissé passer Sergio Pérez. Après, il peut y avoir un gros bruit médiatique et quand ils se retrouveront en février l'année prochaine, ce sera oublié.
La grande déception cette année, c'est Lewis Hamilton. Comment expliquer ses difficultés [6e au classement général, aucune victoire] ?
IIs sont tous redevenus humains. Mercedes s'est reconstruit tout au long de la saison. Bien mieux que Ferrari. Je pense qu'on va avoir une saison plus ouverte en 2023 avec trois types capables de se battre pour le championnat. Avec un milieu de tableau encore plus proche. Et quand c'est le cas, toutes les teams sont plus exposées. Donc les écarts vont êtres plus faibles. Je vois Mercedes aux avant-postes la saison prochaine.
Les voitures étaient ridicules en début de saison et ça a évolué par la suite. Les retours de la piste ont été essentiels. On pourra vraiment tirer un bilan sur la deuxième année car il va permettre à tout le monde de revoir sa copie.
Cyril Abiteboul, ancien Team manager de Renault F1 Teamà franceinfo: sport
Outre Mercedes, Ferrari sera-t-il de la partie malgré ses errements cette année ?
J'ai été dans la même position que Mattia Binotto. J'ai de la bienveillance évidemment. C'est un poste très compliqué avec beaucoup de responsabilités. J'ai envie de retenir la performance extraordinaire de la Ferrari en début de saison. Ils partaient de loin et le faire en l'espace de deux saisons, c'est impressionnant. Ils ont bien géré le nouveau règlement technique. Ferrari a aussi un statut particulier parce que c'est l'équipe d'Italie. Ce qui n'est pas le cas ailleurs. Il y a une ferveur et une pression qui vont avec. La gestion de l'usine et tous les paramètres économiques, ainsi que celle de la course, c'est peut-être trop à gérer pour un seul homme. Arriver à être partout, à la fois à l'usine, face aux sponsors, aux actionnaires et sur le paddock, c'est compliqué. Il faut qu'ils changent. Un renforcement de l'équipe doit être opéré.
Les Français n'ont pas non plus été à la fête...
L'Alpha Tauri n'était pas là cette année. Il n'y a pas eu tant de déchets cependant, ni de problèmes de fiabilité. Des coups extraordinaires comme Pierre Gasly a pu avoir à Sao Paulo il y a deux ans, ça n'est pas arrivé. Je n'explique pas pourquoi cette voiture n'est pas là. Est-ce que le modèle doit être remis en question ? C'est difficile d'être l'écurie junior d'une écurie majeure. Cela permet d'optimiser la production mais dans une évolution d'écurie, c'est plus compliqué car l'équipe junior est dépendante des choix de sa grande sœur. C'est un modèle qui peut être pénalisant.
Pour Alpine, c'est plus compliqué de commenter car je m'y sens encore pour quelque chose. Pour le meilleur et le pire. L'équipe a beaucoup évolué. Les pilotes ont fait un bon boulot. Ce qui a handicapé Alpine, c'est sa fiabilité. Fernando Alonso parle d'une soixantaine de points perdus. Si ce n'est pas autant, il en a perdu au moins 40 à 50 je pense. Ça aurait changé beaucoup de choses.
En coulisses, ça a aussi chauffé entre Alonso et Alpine...
Fernando, c'est un pilote ultra exigeant sur et en dehors de la piste. Il faut une organisation autour qui soit exigeante. Son retour est un pari réussi pour moi. Il est revenu pour les bonnes raisons et pas financières. C'est ce que je vais retenir. Après, il s'est sacrément bien tenu. Il a laissé éclater sa colère avant le dernier GP de la saison le samedi, mais il s'est rattrapé le dimanche. C'est un champion.
Que penser aussi de l'éviction de Mick Schumacher en fin de saison. Est-ce mérité ?
C'est la brutalité de la Formule 1 ce qu'a subi Mick Schumacher. Il y a des exceptions mais il y a des pilotes qui arrivent à devenir de bons pilotes. On peut penser à Lance Stroll, il commet des erreurs, du déchet, mais il arrive à devenir un pilote régulier. Alors qu'il a été beaucoup critiqué à ses débuts. Pour des jeunes comme Mick Schumacher, où c'est un peu juste, il n'a pas eu assez de temps pour s'exprimer. Une telle pression repose sur les équipes et les managers que ça rend difficile les choses. Le petit risque est d'aller vers une grille de pilotes installés. Et de ne pas laisser la place à des jeunes. Il faut remettre sur la table la question des essais privés en saison pour permettre aux jeunes de les faire rouler mieux. Installer des pilotes, c'est aussi installer des incarnations, donc ça aide les médias extérieurs comme Netflix qui peuvent encore mieux raconter leur série.
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