F1 : partie en trombe mais rattrapée par les casses de son moteur, Ferrari "paie sa prise de risques" selon Cyril Abiteboul
L'ancien patron de l'écurie Renault estime que les problèmes de fiabilité récemment rencontrés par la Scuderia sont un mal nécessaire pour un retour au plus haut niveau. Dès dimanche lors du Grand Prix du Canada ?
Le miracle n'était-il donc qu'un mirage ? En l'espace de quelques Grands prix, la Scuderia est passée des Alléluia à la Bérézina. Oubliés les deux succès lors des trois premières courses de la saison pour Charles Leclerc, et cet envol rapide en tête du championnat du monde. Le pilote monégasque reste sur un abandon en Espagne, une 4e place décevante à Monaco après une erreur stratégique de son équipe et une nouvelle casse en Azerbaïdjan, dimanche 12 juin.
Fâcheux pour l'écurie italienne surtout que, dans le même temps, Red Bull a engrangé voracement... Avant le départ du Grand Prix du Canada, dimanche 19 juin, Cyril Abiteboul, ancien directeur de Renault F1, fait le point avec Franceinfo: sport sur la subite défaillance des Rouges.
Il semble antédiluvien le temps où Leclerc possédait 46 longueurs d'avance sur Max Verstappen après le Grand Prix d'Australie. Après le coup bas de Bakou, il pointe désormais à 13 points de Sergio Perez et à 34 du leader néerlandais. Si la roue tourne très vite en F1, l'espoir d'un nouveau titre mondial, qui fuit Maranello depuis 2007 et le sacre de Kimi Räikkönen, en a néanmoins pris un coup dans l'aileron. "Ca fait mal, les mots manquent", soufflait un Charles Leclerc dépité juste après son abandon en Azerbaïdjan.
It hurts again. But I’ll never give up. pic.twitter.com/JvTjR09Lm9
— Charles Leclerc (@Charles_Leclerc) June 12, 2022
La déception, bien réelle, est à la hauteur des espoirs suscités par ce début de saison en fanfare. "Il y a désillusion car il y eu très grosse performance avant", nuance ainsi Cyril Abiteboul. "Il ne faut pas oublier que Ferrari revient de très loin. Et c'est un exploit d'avoir réussi une saison décente l'an passé tout en préparant au mieux 2022 où ils sont complètement revenus dans le match". L'ancien patron de Renault ne cache d'ailleurs pas son admiration pour la firme au cheval cabré : "Sachant qu'en plus ils équipent deux autres écuries, Haas et Alfa Romeo, cela témoigne de leur immense force de frappe".
Mattia Binotto, le patron de Ferrari, a lui aussi tenté de relativiser ces récentes défaillances. "On ne s'est pas enflammé en début de saison, on ne va pas dramatiser aujourd'hui", tempère-t-il dans les colonnes de Nextgen Auto. Même s'il est bien obligé de concéder que ses monoplaces rouges ont des défauts dans la cuirasse : "Nous avons beaucoup poussé pour développer la voiture pendant l’hiver, mais nous avons prouvé que nous ne sommes pas encore complètement fiables. Il y a encore du travail à faire".
Le carrosse changé en citrouille
Comment est-on alors passé de l'autoroute vers le titre au chemin de croix ? Le problème semble identifié et se situe sous le capot. Le moteur de la Ferrari est ultra performant mais il casse trop souvent. Impossible, dans ces conditions, de batailler avec la métronomique Red Bull. Pour Cyril Abiteboul, c'est le fruit d'un "processus de validation accélérée". Il s'en explique : "Ferrari a tellement bataillé pour revenir au plus haut niveau qu'ils n'ont pas eu le temps matériel pour s'assurer de l'absolue fiabilité de toutes les pièces. Ce qui a parfaitement fonctionné en début de saison commence maintenant à se fissurer sous le poids des kilomètres parcourus..."
Comme toutes les mécaniques de haute précision, le moteur Ferrari est un joyau, mais un joyau fragile. "C'est le meilleur du plateau, renchérit Cyril Abiteboul, mais là l'écurie est en train de taper dans le dur". D'autant que la nouvelle réglementation, qui n'alloue que trois bloc-moteurs aux écuries durant la saison, va forcément frapper à un moment ou un autre Leclerc, qui a déjà atteint ce quota...
Le Monégasque peut d'ores et déjà anticiper une pénalité de dix places sur l'une des prochaines grilles de départ. "Avec le resserrement du niveau général et donc la difficulté accrue à remonter une mauvaise position à l'extinction des feux, cela risque de peser lourd dans le décompte des points à la fin de la saison", prédit l'ex-directeur français.
C'est très difficile d'améliorer une voiture endurante mais qui n'avance pas
Cyril Abiteboulfranceinfo: sport
Ce qui est le plus rageant, peut-être, pour l'écurie transalpine, c'est de continuer à dominer les qualifications sans pouvoir traduire cette supériorité en course. Charles Leclerc reste ainsi sur quatre pole positions de rang sans victoire à l'arrivée. Ferrari aurait-elle construit une voiture pour les essais lorsque Red Bull en a fabriqué une pour la course ?
Cyril Abiteboul se veut pourtant optimiste pour la firme de Maranello : "Avec la règle des moteurs homologués [c'est à dire figés dans leur évolution jusqu'en 2025], il vaut mieux travailler sur une base de performance que l'on peut tenter de rendre plus fiable plutôt que l'inverse. C'est très difficile d'améliorer une voiture endurante mais qui n'avance pas". Au pays où le sport mécanique est une religion, la messe n'est donc pas encore dite.
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