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F1 : peu de dépassements, courses souvent ennuyeuses... Le Grand Prix de Monaco reste pourtant mythique

Le Grand Prix de Monaco, dont ce sera la 79e édition dimanche, peut être aussi soporifique que magique.

Article rédigé par Julien Lamotte, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Carlos Sainz Jr dans l'un des nombreux virages iconiques du GP de Monaco, le 23 mai 2021.  (ANDREJ ISAKOVIC / AFP)

À en croire certains, regarder un grand prix de F1 à Monaco reviendrait à observer un hamster pédaler en rond dans sa cage. En pointant ainsi l'ennui provoqué par des courses lénifiantes, ces contempteurs commettent-ils un crime de lèse-majesté ? Sérénissime qui plus est ? Le fait est qu'ils sont de plus en plus nombreux à vouloir changer la donne au pays des casinos, où se déroule dimanche 29 mai, la 79e édition du Grand Prix. Le grand Lewis Hamilton lui-même a bousculé la vénérable institution, la saison dernière, en déclarant que "le format de Monaco devait absolument être modifié pour avoir plus de spectacle lors des courses". 

Pour l'observateur neutre, suivre la course équivaut souvent, c'est vrai, à voir défiler un train avec une vingtaine de wagons derrière lui. Les spectateurs réduits au rang de vaches ? Pas loin. À Monaco, les dépassements sont rares, très rares. Circuit de ville, ses rues étroites induisent fatalement des opportunités limitées pour doubler. Ici, pas de ligne droite des Hunaudières, il faut souvent attendre l'erreur de l'adversaire pour se glisser dans un trou de souris. Et si le pilote devant ne fait pas de faute ? Et bien ça bouchonne. 

La prime de non risque

Cela a toujours été le cas dans les ruelles de la Principauté mais le phénomène s'est accru ces dernières années avec l'empâtement toujours plus large des monoplaces. Encore moins de place pour passer, encore moins de risques inconsidérés à prendre pour les pilotes donc. D'autant que le prix d'une F1 broyée, lui aussi en constante expansion, et désormais lié à un plafond de dépenses à l'année à ne pas dépasser, incite plutôt à lever le pied au moment de porter une possible attaque... 

Enfin, ici plus que sur tout autre circuit, l'auteur de la pole position est nettement avantagé. Sur les 68 grand prix disputés, l'auteur du meilleur temps en qualifications s'est imposé 30 fois, et il est fréquent de voir le poleman s'élancer pour un cavalier seul. Mais plus qu'une chevauchée sauvage, cela s'apparente souvent à une balade au petit trot sur le tracé le plus lent de la saison. Lenteur, manque de spectacle, absence de suspense, autant de pierres à l'édifice de ceux qui veulent renverser le Rocher. Et pourtant, celui-ci reste inamovible. 

"Rien ne peut rivaliser avec les paillettes de Monaco". En une phrase, Toto Wolff a tout dit. Le patron de Mercedes, comme tout le monde, reste fasciné par Monaco, par son glam et son atmosphère uniques. Par le poids de son histoire aussi. Apparu en 1929 sous l'égide du Prince Louis II, il répondait au défi de créer une compétition automobile de renommée mondiale dans le deuxième plus petit état du monde (derrière le Vatican). 

Stars et strass

Le cadre, somptueux de fastes, était planté et la proximité de lieu et de temporalité avec le festival de Cannes voisin a servi de coup de projecteur. Les venues incessantes des stars du cinéma qui passaient d'un coup de jet du tapis rouge au tarmac ont achevé d'ancrer Monaco dans la légende. Désormais, la course est diffusée dans plus de 170 pays, elle est suivie par près d'un milliard de téléspectateurs, et les célébrités de tout poil s'y pressent pour se montrer. Cela ferait beaucoup s'il ne s'agissait que d'une simple course de hamsters non ?

Car le Grand Prix de Monaco peut, aussi, être magique. Pour s'en rendre compte, il ne faut pas s'attarder sur la procession de voitures qui font parfois ressembler le passage de Sainte-Dévote au péage de Saint-Arnoult. Le spectacle est ailleurs. Il est dans la finesse stratégique des équipes qui exploitent au maximum le moindre mètre carré de bitume pour gagner quelques dixièmes, il est dans ce tracé si atypique qui propose à la fois le virage le plus lent (45 km/h) et le plus rapide (280 Km/h) de tous les les circuits de F1. Mais il est surtout dans l'art du pilotage. 

Viril, fusionnel et divin

"Monaco est le circuit qui permet de distinguer les hommes des enfants", a dit un jour Damon Hill. Le Britannique fait ici référence aux qualités requises pour être sacré roi en Principauté. Car il en faut des tripes pour s'élancer ainsi sans aucune visibilité, éviter les éventuels obstacles et tutoyer à pleine vitesse les rambardes de sécurité qui se lovent avec la piste. Sur ce dernier point, l'Ecossais David Coulthard glisse une comparaison osée : "Le secret est de caresser les rails sans jamais les embrasser passionnément".

Quand le pilote y parvient, la magie est alors irréelle. Il faut avoir vu, une fois dans sa vie, le tour de qualification d'Ayrton Senna en 1988. Ce jour-là, le Brésilien, six fois vainqueur ici, défie la mort et réalise la pole position en collant une seconde et demi d'avance au deuxième, Alain Prost ! Un écart absolument inouï en F1 où les places sur la grille se disputent généralement à coups de centièmes de seconde. "Ce n'est pas moi qui pilotais, c'était Dieu", se borna à commenter un Senna en transe après son exploit. C'est pour cela que le Grand Prix de Monaco reste mythique. Et parfois même mystique. 

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