F1 : vers une hégémonie Max Verstappen ? "Je ne vois pas pourquoi Red Bull serait inattaquable", estime Cyril Abiteboul
Max Verstappen aborde le Grand Prix des Etats-Unis, dimanche, dans la peau du champion déjà sacré, à quatre courses de la fin, sans pour autant que cela inquiète Cyril Abiteboul, ancien patron de l'écurie Renault, pour l'avenir et le suspense en Formule 1.
Six victoires lors des sept derniers Grands Prix. Douze sur les dix-huit courses qui ont déjà eu lieu cette saison. La suprématie de Max Verstappen sur la Formule 1 en 2022 pouvait difficilement être plus totale. A l'aube du Grand Prix des Etats-Unis à Austin, dimanche 23 octobre, le pilote Red Bull est déjà champion du monde, à quatre rendez-vous de la fin.
Ce second titre mondial consécutif, et la mainmise de son écurie Red Bull sur le championnat du monde force le respect autant qu'elle suscite l'inquiétude. Se dirige-t-on vers un nouveau cavalier seul, le "SuperMax Show" pour plusieurs années ? Rien n'est moins sûr tempère Cyril Abiteboul. L'ancien directeur de RenaultF1 nous explique pourquoi il est bien trop tôt pour croire que les prochaines saisons sont déjà jouées d'avance.
Red Bull can win their first constructors' title in nine seasons at Austin
— Formula 1 (@F1) October 14, 2022
Here's how they can to do it #F1 @cotahttps://t.co/u7CXjmO9Cd
Est-ce que vous pensez que ce second sacre de Max Verstappen marque le début d'une hégémonie, comparable à celle de Sebastian Vettel chez Red Bull ou de Lewis Hamilton sur Mercedes?
Cyril Abiteboul: Ce titre est admirable et mérité. Mais je ne suis pas certain que ce soit le marqueur d'une domination. En F1, une domination sportive est une période qui s'appuie souvent sur une domination soit liée au règlement, soit aux capitaux, soit au talent et qui permet d'aligner au mieux l'ensemble.
Ferrari avait une domination de capitaux avec des moyens extraordinaires et qui n'étaient pas régulés, comme son partenariat avec un grand cigarettier. Mercedes a connu une domination réglementaire : ils avaient parfaitement anticipé l'arrivée des moteurs V6 turbo hybride, et ont pris une avance extraordinaire. Puis une évolution des règlements commerciaux leur a donné un avantage financier qui les a mis à l'abri, notamment en protégeant leurs talents par des gros contrats. Et je parle en connaissance de cause pour avoir essayé d'en piquer quelques-uns (sourire). Red Bull, c'était différent, c'était un très bon alignement des planètes, quand les autres écuries avaient une certaine faiblesse.
Aujourd'hui, les équipes de F1 sont à peu près toutes très fortes, et ont accès à des financements importants et limités par les contraintes budgétaires du règlement qui mettent tout le monde sur un pied d'égalité. On va vers une période de stabilité de plusieurs années. Le règlement moteur ne devrait pas bouger d'ici à 2025-2026, donc je vois mal Red Bull creuser un écart déterminant.
Vous imaginez l'écurie Red Bull être rapidement concurrencée ?
Je ne vois pas pourquoi Red Bull serait dans une position inattaquable dans les années qui viennent. Je pense qu'on aura des courses très disputées l'année prochaine, parce que de nombreuses écuries ont pu continuer leur développement cette saison. Et ceux qui avaient les plus gros moyens ne se sont pas tant échappés. L'avance de Red Bull cette saison est relativement courte pour une première année de règlement, qui devait être complètement révolutionnaire. Concernant le châssis, on a vu beaucoup d'équipes en difficulté avec le marsouinage, ce que tout le monde aura géré d'ici à la saison prochaine normalement.
La grille va rester assez compacte, et c'est aussi pour cela que l'on a parlé autant de stratégie cette saison. Les gens ne sont pas devenus plus idiots en un an, mais l'importance de la stratégie est plus prépondérante que par le passé. Red Bull a tiré son épingle du jeu stratégiquement cette saison, mais cela ne les met pas à l'abri d'être chahutés plus tard.
Quelle est la marge de manœuvre pour les écuries pour rattraper leur retard, surtout avec le cap financier qui sera de plus en plus strict ?
Le choix simple, surtout pour les écuries qui étaient plus limitées en ressources, c'était de savoir si on développe la voiture de cette année, ou déjà celle de l'année prochaine. Plus le "budget cap" sera pressant, plus la question sera cruciale. Je pense que les équipes vont aussi se concentrer sur des constructions de véhicules plus modulaires, prendre en compte la possibilité de faire évoluer la monoplace dans la façon dont on la conçoit, et pas simplement voir la voiture comme un élément unique que l'on met à la poubelle à la fin de l'année. Chez Renault, on avait de telles contraintes qu'on a utilisé le même châssis pendant plusieurs années. Mercedes en aurait fait des cauchemars ! On l'avait identifié dès 2020 parce qu'on avait un budget plus limité que les écuries de pointe, donc je vois Alpine bien préparée à toutes ces nouvelles données.
Cela va dans la logique d'augmenter la durée de vie de ce que l'on conçoit. Si vous économisez les quelques centaines de milliers d'euros de développement d'un nouveau châssis, et mettez ça par exemple dans le développement aérodynamique, cela peut faire une vraie différence. L'impact de ces derniers millions dans le budget est considérable. C'est pour cela aussi que la situation de Red Bull et son infraction au règlement financier en 2021 fait réagir. Cinq millions d'euros par exemple, c'est juste pharamineux. Sur 145 millions d'euros de budget, cela peut ne pas paraître grand-chose, mais en F1, cela peut correspondre à l'ensemble du budget de développement sur une saison.
Max Verstappen commence à être un pilote parfait
Cyril Abiteboulà franceinfo: sport
Max Verstappen semble avoir encore franchi un cap de maîtrise et de maturité en 2022. Vous lui voyez encore une marge de progression ?
J'en voyais déjà peu l'année dernière… En fin de saison 2021, il m'avait déjà impressionné alors que tout le monde disait que c'était un championnat pour Lewis Hamilton. Cette saison, il a eu moins de concurrence, mais il a déjà montré par le passé qu'il arrive à être impeccable sous pression. Il lui reste à vraiment passer de challenger à défenseur de son bien, parce qu'il avait, quoi qu'on en dise, toujours dans son esprit un doute sur les conditions de son titre de l'année dernière.
Il est dans une zone de confort et d'excellence évidente. Il commence à être ce pilote parfait, qui se concentre sur l'essentiel, capable d'être agressif quand il faut, prendre son temps, être roublard au bon moment. Il commence à me rappeler un Fernando Alonso en puissance, qui a une maîtrise complète de son environnement à tout moment du week-end. Il fait déjà partie des grands.
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