GP du Castellet : "Dans l'économie de la F1, la France a un rôle important", assure Cyril Abiteboul, ancien patron de Renault
Alors que le Grand Prix de France, dont l'avenir est incertain, se déroule ce week-end au Castellet, l'ancien patron de Renault rappelle à quel point l'Hexagone est un acteur majeur de la Formule 1.
Les spectateurs français vont-ils vivre leur dernier Grand Prix de France dimanche 24 juillet ? Le contrat qui lie le circuit Paul-Ricard du Castellet aux organisateurs de la F1 s'arrête à l'issue de ce week-end. Alors que le regain d'intérêt en France s'affermit, une possible disparition de la France du calendrier pourrait avoir des conséquences dans l'Hexagone. Cyril Abiteboul, ancien patron de Renault et consultant pour franceinfo: sport,
Franceinfo: sport : Comment s'explique le regain d'attrait de la Formule 1 en France ?
Cyril Abiteboul : Le regain d'intérêt ne se limite pas à la France, il est mondial et confirmé par les chiffres des audiences télé dans tous les pays et par les ventes de billets. Une combinaison de facteurs l'explique. La série Drive to Survive de Netflix a été un élément important. La plateforme a su construire une narration qui a permis au public de comprendre toute la complexité de la F1, et de rendre compte d'une certaine forme de beauté et d'élégance qu'il y a dans un sport qui, sinon, peut paraître assez ennuyeux, futile et superficiel.
Il y a aussi de nouveaux combats sportifs, intenses, avec une domination de Mercedes qui est mise à mal cette année. Je pense que la F1 a réussi à créer tout un récit autour de la technologie des véhicules, mais avec des combats très humanisés. Par ailleurs, l'automobile est redevenue digne d'intérêt, notamment grâce aux enjeux de transition climatique et énergétique, l'émergence de nouveaux acteurs qui représentent une modernité. Je pense notamment à Tesla. Ainsi, l'automobile est redevenue cool et par ricochet, le sport automobile est devenu cool à nouveau.
Looking good in Le Castellet!
— Formula 1 (@F1) July 22, 2022
Who's ready for some track action? #FrenchGP #F1 pic.twitter.com/JAssorGCXS
De plus, à notre échelle, on a une belle présence française, avec Esteban Ocon, Pierre Gasly, et même Charles Leclerc, qui est francophone. Enfin, en France, la F1 a aussi dû reconstruire sa notoriété quand elle est passée de TF1, un média à libre d'accès, à Canal+, média payant.
Pourtant, le GP de France pourrait s'arrêter en 2023. Pourquoi ?
C'est en effet ce que l'on entend, et je ne peux que le regretter. Encore une fois, il y a plusieurs paramètres. Le site du Castellet [circuit Paul-Ricard], qui est exceptionnel, est difficile d'accès, bien qu'on n'ait pas attendu la F1 pour s'en rendre compte. Cela nécessite des efforts de la part des instances, des sportifs, des équipes, et des spectateurs. Je pense que beaucoup de progrès ont été réalisés. A une époque où l'on parle de changements d'usage, d'efforts et de concessions, je trouve que privilégier des offres de transports publics et de covoiturage, sont des concessions qui devraient être acceptables.
"Ce circuit a eu un peu de malchance. La première année a été organisée dans la précipitation, puis la deuxième année a été perturbée par des orages insensés, qui ont rendu les accès et les sorties encore plus compliqués."
Cyril Abiteboul, ancien patron de Renaultà franceinfo: sport
Après deux ans de Covid-19, les organisateurs doivent, cette année, prendre en compte les risques d'incendies. Par ailleurs, organiser un GP s'avère une équation économique compliquée, qui tient difficilement de manière totalement autonome. Dans le cas contraire, cela voudrait dire proposer des prix de billets juste inacceptables. L'alternative se trouve dans les financements publics qui, dans les circonstances actuelles, sont difficilement justifiables.
De manière plus générale, on peut observer que la F1 a une volonté de croissance, d'aller vers de nouveaux marchés et territoires. Elle commence à se poser des questions sur l'évolution de son modèle économique. Auparavant, elle exigeait un revenu garanti de la part des organisateurs des Grands Prix, mais elle est en train de pivoter, en acceptant une part de risques et de gains partagés avec eux, sur le modèle inédit du GP de Miami.
Que représente la France pour les patrons de la F1 ?
Dans l'économie de la F1, la France a un rôle important. Renault est un acteur majeur, l'ensemble des championnats de F2 et F3 est motorisé par une société française. Les pilotes et les sponsors français sont nombreux. Donc c'est dommage.
Mais l'histoire est faite d'éternels recommencements. La F1 a quitté la France pendant des années, avant d'y revenir. Donc je ne peux pas imaginer qu'elle ne trouverait pas une solution pour revenir, si finalement la France devait quitter le calendrier en 2023. Sa participation est largement plus prononcée que d'autres pays. Je pense qu'à ce titre-là, un certain nombre d'acteurs économiques rappelleront à un moment l'existence de la France aux décideurs de la F1. Mais il faut peut-être se quitter pour être capable, et avoir le plaisir, de se retrouver, peut-être dans des conditions différentes.
Quelles seraient les conséquences en France d'une disparition du GP de F1 ?
Oublier comment on organise un événement de cette envergure. Il y a tout un tissu économique derrière. L'ensemble des acteurs impliqués ont appris et progressé. Quand on arrête, on perd ce qu'on a appris. Le jour où on recommence, on repasse par ce même apprentissage.
Je ne pense pas que la F1 perdra des fans parce qu'on perd le GP. Il y a suffisamment de médias pour la faire vivre. Mais il faudra reconstruire tout le tissu économique autour de l'organisation. Cela n'interviendra pas forcément au bout d'un an sans GP en France. Mais dès deux ans, on commence déjà à perdre énormément la dynamique des talents et des compétences accumulés.
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