Grand Prix de l'Eifel : Nürburgring, le retour du show ?
Un circuit mythique…
Contraint par la situation actuelle, la F1 fait un clin d'œil à son lointain passé. La Covid-19 a forcé les organisateurs du championnat du monde à concentrer les courses en Europe pour lutter contre la propagation du virus. Il a fallu pour cela revenir aux fondamentaux et emprunter des circuits absents ces dernières années des calendriers. Le Nürburgring en est un parfait exemple. Ce circuit, construit au milieu des bois, respire la Formule 1 d'antan. Celle pendant laquelle le rendez-vous de l'Eifel était un de ces immanquables de la saison.
A l'époque, les pilotes empruntaient la Nordschleife, une route comme on en fait plus pour être un temple de la vitesse : 20,832 kilomètres, 73 virages et des bosses qui arrachaient du sol les quatre roues des monoplaces. Là où les quidams pouvaient circuler toute l'année, les plus grands pilotes des années 50, 60 et 70 rêvaient d'inscrire leur nom au palmarès. Cela signifiait alors que l'on avait maîtrisé le circuit le plus exigeant du monde, dans un temps où les communications et les stratégies d'équipe n'existaient quasiment pas. C'était "l'enfer vert", comme le nommait la légende Jackie Stewart. "Si un pilote vous dit qu'il n'a pas peur sur le Ring, il existe deux possibilités : soit il ment, soit il ne va pas assez vite pour comprendre ce qu'est le Ring", résume le triple champion du monde, trois fois vainqueur au Nürburgring.
… sacrifié pour la sécurité
Mais la Nordschleife n'inspirait pas seulement la crainte par sa complexité technique. Dans les années 70, la sécurité n'est pas alors la priorité, alors que les voitures ne cessent de gagner en vitesse et en aérodynamisme. Le tracé n'est entouré que de maigres rails, de talus et de bottes de foin pour ralentir les sorties de route. 52 personnes ont déjà perdu la vie lors d'événements automobiles quand en août 1976, Niki Lauda échappe à la mort en plein Grand Prix. Extirpé de sa Ferrari en flammes, l'Autrichien en sortira avec des brûlures graves et sérieusement intoxiqué par la fumée. On lui pratique même l'extrême-onction. Lauda finira par en réchapper, mais pas le circuit. Avant même cet accident resté parmi les plus impressionnants de l'histoire de la F1, le Nürburgring avait perdu son homologation pour 1977, car trop dangereux.
Autour du vieux circuit, on reconstruit en 1984 une nouvelle piste, dans les standards de sécurité des monoplaces de l'époque. On y dispute 16 courses entre 1984 et 2013, tantôt sous le nom de Grand Prix d'Allemagne, tantôt sous celui de Grand Prix d'Europe, et même de Grand Prix du Luxembourg, alors que la piste n'est pas sur le territoire du Duché. Les habitués des lieux finissent par le bouder, lui reprochant de n'être qu'un très lointain ersatz de son ancêtre. La F1 elle-même finira par le délaisser, pour des raisons financières (licence trop chère et circuit revendu à plusieurs reprises).
Pour le plus grand plaisir des pilotes
Pourtant, les pilotes, eux, ne sont jamais vraiment plaint de ce Nürburgring actuel et le retrouvent pour la première fois depuis 2013. "Je pense que le mythe du Nürburgring ne vit que via la Nordschleife. Malheureusement, nous n’allons pas piloter là-bas, uniquement sur le circuit de Grand Prix mais c’est néanmoins génial d’y revenir" explique Sebastian Vettel, dernier vainqueur il y a sept ans. "C’est une des pistes dont nous rêvons tous. Le circuit de Grand Prix est une piste excitante et exigeante qui devrait tout le temps faire partie du calendrier de la Formule 1. C’est dommage que ça ne soit pas le cas."
Avec son dénivelé et ses courbes rapides, le circuit a tout de même su conserver un léger parfum d'antan qui n'est pas pour déplaire aux protagonistes. "C'est un circuit fantastique, un classique, abondait Lewis Hamilton en 2013. Il n'y a pas une partie de la piste qui est plus dure que l'autre. C'est un circuit très rapide, très fluide." Et les monoplaces actuelles, encore plus rapides et collées au bitume, devraient atteindre des vitesses bien supérieures à celles des éditions précédentes.
La météo s'annonce chaotique
Les écuries devront tout de même composer avec les éléments pour briller dimanche. Les prévisions météorologiques pour ce week-end n'offrent pour perspective que de la pluie et du froid, autour de sept degrés pour les qualifications et la course. "Il sera intéressant de voir comment se comportera la voiture dans ces conditions, s'impatiente le pilote Renault Daniel Ricciardo. Globalement, à cette période de l'année, ce pourrait être un week-end assez imprévisible, nous pourrions avoir droit à une course folle." "Même la neige n’est pas impossible" a déclaré l'ancien pilote, aujourd'hui patron d'écurie, Ralf Schumacher, alors que le massif de l’Eifel se dessine autour du circuit.
Le mauvais temps a déjà donné lieu à des Grands Prix complètement fous par le passé. En 1999, la modeste écurie Stewart avait triomphé grâce à Johnny Herbert lors d'une course marquée par les nombreux changements de condition et l'hécatombe qui avait frappé les leaders.
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Huit ans plus tard, l'improbable Markus Winkelhock, qui disputait là son premier (et dernier) Grand Prix en carrière, s'était retrouvé en tête à la fin du 2e tour grâce au nez fin de son écurie de fond de grille, Spyker, qui l'avait appelé aux stands dès la fin du tour de formation, anticipant une averse diluvienne. La course avait ensuite été marquée par un drapeau rouge à cause des torrents d'eau sur la piste, envoyant plusieurs voitures dans le décor en quelques secondes.
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L'occasion idéale pour Hamilton de rentrer dans l'histoire
Prometteur pour la course dimanche, peut-être un peu moins pour Lewis Hamilton. Le leader du championnat du monde s'était noyé l'année dernière en Allemagne, piégé par la pluie sur le circuit d'Hockenheim. Le Britannique a pourtant la scène rêvée pour égaler le record du nombre de victoires en Grand Prix de Michael Schumacher. Hamilton sera sur les terres du "Baron Rouge", recordman des victoires sur le Nürburgring avec cinq succès. Les virages 8 et 9 ont même été rebaptisés "Michael Schumacher S" en l'honneur du champion allemand en 2007.
Une 91e victoire dans de telles conditions rendrait certainement ce moment un peu plus fort encore pour LH44, qui courra qui plus est dans le pays de son écurie Mercedes. Le mauvais temps, sous lequel il est habituellement brillant, encrerait davantage ces instants dans les annales de la Formule 1. Et romprait certainement avec la monotonie des processions qu'offrent parfois les Grand Prix.
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