Le Grand Prix du malaise
Sur le podium du Grand Prix de Malaisie, aucun sourire. Pas un signe de joie. Ce n'est pourtant que la seconde course de la saison et la première victoire de Sebastian Vettel. Mais l'Allemand sait qu'il n'y a pas de quoi pavoiser. A sa droite, Mark Webber ronge son frein et se refait les derniers tours dans la tête, ne comprenant sans doute toujours pas ce qui a pris son coéquipier de lui disputer la victoire comme s'il n'était qu'un vulgaire rival. Le Grand Prix du danger pour Red Bull qui, à défaut de voir ses deux hommes sur les plus hautes marches du podium, aurait très bien pu repartir fanny de Malaisie.
"Sebastian a préféré tenir compte de ses propres intérêts plutôt que de ceux de l'équipe et j'en prends acte, lâche Christian Horner à l'issue de la course. C'est un compétiteur, il a pris ses responsabilités, mais nous allons devoir le recadrer." Et le patron de l'écurie autrichienne peut être agacé par la situation dans laquelle l'a mise son champion du monde. Webber en tête au prix d'une stratégie différente et payante, le pilote allemand avait alors décidé de tenter le tout pour le tout sur un dépassement dangereux dans la ligne droite le long des stands. "On a choisi la bonne stratégie, on contrôlait la course, je pensais qu'on allait garder ce résultat, explique Webber. J'ai coupé le moteur (levé le pied) et géré mes pneus, car c'est ce qu'on avait prévu avec l'équipe, puis Seb a pris sa propre décision..."
"Si on n'avait qu'une seule voiture par équipe…"
L'Australien va mettre du temps à décolérer. Les deux hommes auraient même eu une explication musclée dans le couloir menant à la salle de presse. "Les consignes de course, ce n'est pas évident, mais ça fait partie de la F1, admet Webber. C'était très serré entre nous, et finalement, l'écurie est contente, mais quand il fait très chaud, le sang bout dans les veines, et ce n'est jamais facile. Si on n'avait qu'une seule voiture par équipe, ce serait plus facile." Du bouillonnant, il va y en avoir chez Red Bull dans les prochains jours pour recoller les morceaux. Webber et Vettel n'ont pas échangé un regard sur le podium et encore moins une accolade. "C'est un peu tôt pour dire ce qu'on va faire pour réparer tout ça, moi en tout cas je serai en Australie cette semaine sur mon surf", annonce l'Aussie qui avoue avoir "beaucoup réfléchi pendant les 15 derniers tours" et "pensé à beaucoup de choses."
Le rabibochage est-il possible? "Je me suis raté. J'ai fait une erreur. Je veux m'excuser auprès de Mark. Si j'ai l'occasion de me rattraper dans l'avenir, je le ferai", a confié le triple champion du monde à l'arrivée. Reste à savoir si l'occasion se représentera.
Le sacrifice de Rosberg
Troisième sur le podium, Lewis Hamilton n'avait également pas de quoi afficher son large sourire habituel. L'Anglais sait qu'il doit ses points à Nico Rosberg. "L'équipe a fait un travail fantastique, donc je suis très heureux et fier d'être ici pour les représenter, mais je dois surtout féliciter Nico", reconnaît Hamilton. Mais le pilote n°1 chez Mercedes, c'est bien lui. "Il était plus rapide que moi aujourd'hui et c'est lui qui aurait mérité de monter sur le podium, à ma place, car il a fait une très bonne course, très intelligente."
Et le ton est également monté dans les radios de l'écurie britannique. "A la fin, Nico a dit à la radio qu'il s'en souviendrait, mais il n'a pas à s'inquiéter là-dessus, je m'en souviendrai aussi, car j'ai une bonne mémoire", explique l'Anglais prompt à éteindre l'incendie naissant quand Vettel paraît peu investi dans sa volonté d'expier son péché. "Je ne sais pas si je dois m'excuser auprès de Nico, mais peut-être que je le laisserai passer la prochaine fois que cette situation se présente", lâche-t-il.
Si chez Red Bull, cela ressemblait davantage à une bataille d'ego, Hamilton évoque lui une petite erreur stratégique : "On doit attaquer très fort pour suivre le rythme de ces gars (Red Bull) et ça m'a obligé à consommer beaucoup de carburant. Du coup, j'ai dû lever le pied en fin de course. Je peux faire un meilleur travail sur ce point, et Nico l'a fait dans cette course, par exemple en attaquant moins en début de relais, quand les pneus sont froids."
La journée sera sans doute toute aussi difficile à digérer pour Rosberg que pour Webber. "C'est toujours un peu frustrant de passer à côté d'un podium, mais c'était important pour Mercedes de finir troisième et quatrième, explique l'intéressé. Nous n'avions rien à gagner en nous battant ou en nous gênant, j'ai donc obtempéré sans état d'âme". Avec un peu d'amertume tout de même. Mais l'Allemand a peut-être fait un meilleur choix pour l'avenir. "Bel exemple d'esprit d'équipe que celui démontré par Nico aujourd'hui. L'écurie lui en est reconnaissante et nous saurons nous en souvenir à l'avenir," a lâche le patron de Mercedes F1 Niki Lauda. Pari gagnant ? Réponse peut-être dès le prochain arrêt en Chine, l'endroit même où Rosberg a signé sa seule victoire.
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