Dakar 2021 : le rallye raid à l'heure anglaise
« Ari m’en parlait tout le temps. Il me chambre depuis des années en me demandant quand est ce que je fais le Dakar. Nous y voilà ! » On peut donc dire merci à Ari Vatanen ! L’arrivée d’un nouveau constructeur, c’est –en partie- grâce au grand blond, champion du monde des rallyes en 1981 avec David Richards dans le baquet de droite de la Ford ! « Cela fait deux ans qu’on y réfléchit. Ce n’est pas notre plus grand challenge, mais c’est un nouveau challenge ! Après les rallyes, Le Mans, le rallycross, et même la F1, c’est autre chose, un nouvel état d’esprit pour nous. Excitant !», précise le PDG de Prodrive. « Nous connaissons très bien la région. Prodrive y a des attaches historiques. C’est au Moyen-Orient que nous avons remporté notre premier titre majeur dans les années 80. C’est une bonne chose que le Dakar se déroule là-bas. C’est bon pour le sport en général». Mini propriété de BMW depuis 1994, jamais une voiture anglaise ne s’est imposée sur le Dakar. Sacré challenge, pour le moins…
Pilotes : un duo hispano-britannique ?
Le pilote espagnol n’est pas forcément celui auquel on pense naturellement. Ancien de la maison anglaise (coéquipier de Colin Mc Rae du temps de la glorieuse époque Subaru), le nom de Carlos Sainz a rapidement circulé dès l’annonce du projet. On prête même à l’espagnol la présence de Bahreïn dans cette nouvelle aventure. « C’est un projet intéressant. Prodrive construit une grande équipe, ils travaillent fort sur le dossier. Ils sont capables de faire une bonne voiture. C’est assurément une bonne nouvelle pour le rallye raid», reconnaît le vainqueur 2020. « On se connaît bien avec David, c’est certain ! On a discuté, c’est vrai, mais je n’ai rien décidé encore ! » Le madrilène s’interroge : le projet peut paraître séduisant, mais avec un retour sur investissement à moyen terme. Or, à 58 printemps, le « Matador » a passé l’âge des fastidieuses séances de mise au point aux résultats incertains. Selon toute vraisemblance, il défendra son titre chez Mini, aux côtés de Stéphane Peterhansel. Une séance d’essais du buggy allemand est d’ailleurs programmée en août sur un terrain militaire en Espagne.
Alors, qui ? Tout sourire, Nasser Al-Attiyah, star numéro 1 de la discipline, nie tout contact. Et pour cause: le qatari a prolongé avec Toyota voilà tout juste deux semaines. De fait, un autre espagnol apparaît aujourd’hui en pole position pour être le pilote n°1 : Nani Roma. Le programme Dakar de Borgward, son équipe actuelle, propriété de capitaux chinois, est aujourd’hui dans l’impasse. Ce qui fait de lui un pilote disponible. Par son passé chez Mitsubishi, Toyota et Mini, le double vainqueur auto-moto (2004+2014) possède le profil idéal pour développer une auto. « Les choses sont sur la table », selon un très proche du dossier. Dit autrement, le catalan est dans la –très- short list.
Mais qui dit projet anglais dit naturellement pilote british ! Ça tombe bien, Kris Meeke travaille à sa reconversion ! Non conservé par Toyota en championnat du monde des rallyes cette saison, le britannique fait du rallye raid sa nouvelle priorité. Il aurait dû effectuer ses grands débuts dans la discipline à Abu Dhabi en mars dernier, au sein du team PH Sport, avant d’enchaîner sur la Baja Dubaï. Partie remise. Ex-pilote Prodrive du temps de l’éphémère programme Mini WRC (2011/2012), le Nord-irlandais reconnaît « des contacts » avec son ancien employeur.
« Let’s see (on verra !) !» confie l’ex-pilote Citroën Racing, encore confiné en Andorre. « Vous savez, nous avons contacté beaucoup de monde ! » s’amuse David Richards. « Des anciens de la maison comme d’autres ! » Il n’en dira pas plus avant la présentation officielle du team, planifiée début août (Prodrive devrait cependant « teaser » sur les caractéristiques de sa voiture très prochainement).
Buggy ou 4x4 ?
Poids en hausse, puissance en baisse, le buggy 2 roues motrices, vainqueur du dernier Dakar avec Mini, est dans le viseur de la FIA. La future règlementation 2022 de la Fédération Internationale fait à nouveau du 4x4 classique la catégorie reine du rallye raid. « Vous savez, quand vous arrivez dans une discipline, vous faites en sorte de tomber au moment d’un changement de règlement ! » s’amuse David Richards. Traduction : le prototype britannique devrait bien être une 4 roues motrices. Les anglais travaillent sur cette base. Du 100% fait maison. « Actuellement, quelle que soit la discipline, le sport auto est très restrictif question règlement. Le Dakar offre davantage de liberté. Un vrai challenge technique pour nos ingénieurs.» A ce jour, le montage des deux voitures a débuté. « Avec la situation actuelle en Angleterre, nous avons pris un peu de retard », concède David Richards. « La première voiture est en phase d’assemblage, et nous espérons effectuer un premier roulage début août. » Une voiture dûe au coup de crayon de…Ian Callum, l’une des plus grandes signatures du design automobile, père des Aston et Jaguar des deux dernières décennies…Le proto ne devrait pas manquer de style…Une élégance so british, assez éloignée, espérons-le, des premières images de synthèse diffusées en février dernier ! Sous le capot, V6 ou V8 turbo ? Mystère…
Ça roule quand ?
Récemment, l’officine britannique a déposé une demande auprès de David Castera pour établir un « camp de base » en Arabie Saoudite dès septembre prochain. Bien essayé! Mais toute séance d’essai est formellement interdite sur le territoire du rallye, assimilée à des reconnaissances illicites. Requête –logiquement- retoquée par le directeur du Dakar. « Nous allons établir notre quartier général à Bahreïn. L’idéal serait de courir à Abu Dhabi, fin novembre. Nous aimerions aussi participer au Rallye du Maroc (9/14 octobre), mais j’ai peur que ce soit un peu juste…Ce n’est pas encore décidé.»
«Prodrive » : késako ?
David Richards, c’est le Jean Todt britannique. Copilote, ça mène à tout ! D’un titre mondial des rallyes aux côtes d’Ari Vatanen, devant Guy Fréquelin associé à…Jean Todt(!) à la tête d’Aston Martin (co-actionnaire en 2007). Dans l’intervalle, ce Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique développe ses talents d’homme d’affaires avec la création de Prodrive en 1984. Rallyes, circuits, Formule 1 (Benetton, BAR), Endurance (Aston Martin), la structure anglaise collectionne les succès depuis bientôt quarante ans. Porsche, Subaru, BMW, les plus grandes marques ont collaboré avec la structure britannique. Aujourd’hui, Prodrive, c’est 500 salariés pour plus de 300 victoires. Le projet Dakar repose sur un effectif de 200 personnes. C’est dire le sérieux de l’affaire.
Actuellement à la tête de la prestigieuse Fédération anglaise du sport auto, on prête à David Richards des ambitions mondiales, parmi les futurs candidats à la succession de Jean Todt (décidément !) à la présidence de la FIA : « Tout le monde me pose la question ! Aujourd’hui, j’ai deux choses à l’esprit : sauver le GP de Silverstone pour permettre à la Formule 1 de venir en Angleterre cet été, et le Dakar. C’est mon boulot. Rien de plus. » L’élection est fixée fin 2021. Ça laisse le temps de la réflexion.
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