Jeux vidéo : WRC 8 ou le défi d'immiscer le rallye dans votre salon
Caillasse, poussière et grosse chaleur : voilà le programme qui attend Sébastien Ogier et l'ensemble du paddock WRC pour le rallye de Turquie, le 11e de la saison, jusqu'à dimanche. Un planning qui peut aussi vous attendre tout en étant tranquillement installé au fond de votre canapé. La simulation officielle du championnat du monde des rallyes WRC 8, sortie il y a tout juste une semaine sur consoles et PC, offre aux passionnés comme aux néophytes une belle immersion dans cette discipline aux codes bien particuliers. Pour les équipes du studio lyonnais de Kylotonn, retranscrire fidèlement cet univers était un défi de taille. Les deux ans de développement passés à revoir entièrement leur mouture ont porté leurs fruits.
Déroulement des épreuves, gestion de la mécanique et science de la trajectoire : une épreuve de rallye ne ressemble à rien d'autre. Comment faire alors pour parvenir à en tirer l'essence ? Car si avoir un jour entre ses mains une voiture de course sur circuit n'est déjà pas à la portée du commun des mortels, avoir l'opportunité de piloter un bolide de 380 chevaux sur des chemins de gravier ou dans la neige est aussi peu probable que gagner le jackpot du Loto. "Une spéciale de rallye n'est pas un match de basket ou un Grand Prix de F1. On a alors travaillé sur l'imaginaire collectif", explique Benoit Gomes, lead game designer, autrement dit le patron de la conception du jeu.
"Si on crée une forêt, on veut que le joueur s'en souvienne et que cela lui manque"
Pour plonger le joueur à la place des pilotes de la saison 2019, les équipes de Kylotonn ont dû mêler la précision technique à la recherche des sensations que peut ressentir un pilote dans son baquet. "On essaie d'être au plus près de la réalité mais on doit adapter pour correspondre à l'image qu'ont les fans à travers d'autres médias, précise Benoit Gomes. Durant la création des spéciales, le but pour nous était d'aller d'un point A à un point B avec crédibilité. Retrouver l'idée que va avoir le joueur en tête, quel est "le cliché" du rallye."
Visuellement, si ce WRC 8 n'atteint pas encore la superbe tutoyée par d'autres titres de sport comme F1 2019 ou NBA 2K20, il n'y a rien à redire sur la fidélité des voitures et l'impression laissée par les décors. Débouler à 150 km/h en plein sous-bois corses est assez grisant. Pour cela, les grands moyens ont été employés. Les voitures sont modélisées à partir des images 3D envoyées directement par les écuries en début de saison, puis affinées à l'aide de photos réalisées lors des premiers rallyes du calendrier. La route et ses bas-côtés ont fait preuve de tout autant de soin à l'aide de données topographiques ou encore de vidéos prises depuis l'habitacle des voitures ces derniers mois.
"Une des difficultés a été de retranscrire ce qu'est ou n'est pas un environnement", raconte Amaury Beyris, directeur artistique de WRC 8. "Vous ne verrez pas la même chose entre la Suède et ses arbres enneigés et la Turquie et ses routes escarpées." Chaque pays a par conséquent eu le droit à son équipe propre de level designers, dont le rôle a été de condenser les épreuves. A défaut d'avoir les moyens de récréer intégralement chaque kilomètre de la saison, Kylotonn a fait le choix de réduire des rallyes normalement longs de plus de 300 bornes en à peine une vingtaine. "Nous avons travaillé par "points d'intérêt", des bâtiments, des zones clairement identifiés à un rallye ou à un lieu, que l'on a relié entre eux par de la route. Si on crée une forêt, on veut que cela dure 30 secondes à une minute, que le joueur s'en souvienne et que cela lui manque."
Approuvé par les pilotes
Outre le spectacle visuel, les sensations de conduite manette ou volant à la main ont aussi été revues. Il vous faudra donc doser à bon escient vos dérapages, si caractéristiques de la conduite en rallye. L'adhérence sur asphalte ou sur une piste plus poussiéreuse ont aussi leurs spécificités et votre habilité sera parfois rudement mise à l'épreuve. Votre finesse technique peut également tout changer, n'en déplaise aux joueurs plus "occasionnels". Kylotonn a travaillé avec les équipes de l'écurie Citroën et celles de PH Sport, écurie française présente en WRC et en rallye-raid, pour soigner les possibilités de réglages dans leur simulation. Le champion du monde WRC-3 2013 Sébastien Chardonnet a également amené son expertise de pilote pour une dose supplémentaire d'authenticité. "Quand on échange avec les techniciens ou les ingénieurs des écuries, on parle le même langage maintenant, assure Alexandre Assier, producteur de WRC 8. On ne pourrait pas régler la voiture à leur place mais on ne serait pas perdus."
"Le réalisme, c'est la clé" clame de concert l'équipe lyonnaise. A tel point que les pilotes eux-mêmes se laissent facilement prendre au jeu. "En 2017, Dani Sordo avait essayé l'édition précédente du jeu, WRC 7, lors du rallye d'Allemagne, narre Assier. Il venait de remporter la power stage, alors on a voulu lui faire jouer cette même spéciale. Après avoir fait ses réglages, il a réussi le même chrono que ce qu'il avait fait dans la réalité à la seconde près. Et seulement à sa deuxième tentative !" On ne pourra pas vous garantir la même réussite, ce nouvel opus se montrant exigeant et demandera aux néophytes une certaine dose de patience et pas mal de temps dans le complet mode entraînement.
Le mode en ligne ne peut malheureusement pas en dire autant, une réelle frustration tant la place de l'eSport se fait grandissante. Dans un monde du jeu vidéo aussi connecté, ne pas avoir autant de soin et de détails online qu'en solo est de plus en plus rédhibitoire pour espérer se placer parmi la crème des simulations vidéoludiques.
Avec 34° attendus ce week-end en Turquie, Sordo, Ogier et les autres auront de quoi suer à grosses gouttes. Un peu comme vous devant votre écran, deux roues dans le ravin pour prendre la meilleure trajectoire dans WRC 8.
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