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Dakar 2020 en Arabie saoudite : "On est aujourd'hui dans une instrumentalisation du sport"

Un enseignant en géopolitique du sport, interrogé par franceinfo, estime que le royaume se sert du sport "comme d'un facteur de stabilité sociale".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Le rallye était passé par le Pérou pour l'édition 2019. (FRANCK FIFE / AFP)

La prochaine édition du rallye Dakar, en 2020, se déroulera en Arabie saoudite. "On est aujourd'hui dans une instrumentalisation du sport qui dépasse de très loin le sport", a réagi lundi 15 avril sur franceinfo Jean-Baptiste Guégan, enseignant en géopolitique du sport. 

franceinfo : Quel est l'interêt pour l'Arabie saoudite de reprendre le flambeau du Dakar ?

Jean-Baptiste Guégan : Le premier interêt repose sur l'image internationale de l'Arabie saoudite écornée par les affaires récentes (...). Le prince héritier conduit une politique de la vision 2030. L'idée est de changer l'image de l'Arabie saoudite. Le Dakar va servir à cela. L'Arabie saoudite avait déjà organisé l'E-prix, la Formule électrique, en décembre dernier. Ils se sont investis dans le football, ils ont accueilli la Supercoupe d'Italie, ce qui n'a pas été sans problème. Et il y a cette rumeur du rachat de Manchester United par un fonds saoudien. On est aujourd'hui dans une instrumentalisation du sport qui dépasse de très loin le sport.

Il y a eu des polémiques, par rapport à la Supercoupe d'Italie. Il y a des appels au boycott. Est-ce bon pour l'image du royaume ?

Ce n'est pas bon pour l'image. C'est le revers du soft power sportif. Si vous ne gagnez pas, ou si vous générez des polémiques, cela vous retombe dessus comme un boomerang. À changer l'image et à oublier la réalité, parfois elle revient très fort. La position des pilotes va poser question. Celle des sponsors aussi. Il n'est pas dit que les sponsors acceptent de financer des équipes ou des pilotes. C'est un vrai risque pour l'Arabie saoudite. Comme pour le Qatar, on focalise l'attention sur les défauts. Et cela peut se retourner contre vous. Le souci c'est que les pilotes et les équipes sont pris entre deux feux. D'un côté les intérêts d'ASO : ASO a tout intérêt à aller en Arabie saoudite. Elle s'ouvre un marché gigantesque avec un acteur qui s'ouvre au sport. ASO à d'autres courses à proposer, notamment des courses cyclistes. Et les pilotes sont contraints par leur métiers. Donc ils vont être contraints de faire un choix éthique mais qui risque d'être contre-productif du point de vue professionnel. Et je doute qu'ils puissent s'exprimer sur place.

Y-a-t-il un interêt pour le course automobile en Arabie saoudite ?

Oui, comme dans tous les pays du Golfe. On est dans des pays où il y a une culture pétrolière, où la voiture est extrêmement importante. Il y a un attachement local à la course automobile. C'est un des loisirs préférés des gens du Golfe. Et cela permet de donner des choses à faire à la jeunesse et de les intéresser à quelque chose qui est local. C'est important pour la stabilité du régime saoudien : se servir du sport comme d'un facteur de stabilité sociale et comme d'un loisir qui politiquement est très intéressant.

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