Aviron - Pierre Houin : "Le report des Jeux, c'est la meilleure chose qui pouvait m'arriver"
Pierre, comment se passe votre confinement ?
Pierre Houin : "Je suis chez moi dans mon appartement, à Nancy. En ce moment, je passe entre 2h30 et 3h le matin à m'entraîner avant le midi. L’après-midi est consacré à mes cours et mes études en management car je n’ai qu’une séance par jour. J’essaye de me détendre, je lis, je vais prendre l’air dans la cour derrière mon appartement. La priorité reste l’entrainement le matin et le travail l’après-midi."
Pourquoi avoir décidé de participer à ce challenge ?
P.H : "C’est quelque chose que j’ai pris en cours de route parce que pendant les premières semaines, on a eu un volume conséquent d’entraînement. On est dans une période de “transition” avec un tout petit peu moins d’entrainement, donc la fédé est venue vers moi. J’ai pris connaissance de ce challenge, j’en ai compris toute l’importance pour la santé physique et mentale. C’est utile car ça peut nous faire bouger et rendre le confinement un peu plus agréable. J’avais envie de prendre part à ça. Il n’y a pas d’objectif de performance physique, c’est ce qui le rend accessible. Il y a une volonté de diversifier les types d’exercice."
Personnellement, quel type d'entraînement faites-vous ?
P.H : "Sur les trois premières semaines de confinement, ça a été 60% d’ergomètre (rameur), 20% de vélo et 20 % de muscu. En ce moment, je suis plus sur 90 % de vélo, et 5 % pour les deux autres. Quand le programme fédéral va reprendre dur, on va faire à nouveau beaucoup d’ergomètre. C’est usant et lassant, les organismes ont du mal à suivre. J’ai commencé à avoir certaines douleurs parce que c’est assez traumatisant dans la durée. Comme la date des championnats d’Europe vient de tomber (du 9 au 11 octobre à Poznan en Pologne), l’idée est de nous apporter quelque chose de nouveau pour nous permettre de ne pas saturer. On a également une application de sortie à vélo virtuelle où je rejoins des amis, je suis devenu complètement accro ! A vélo, je peux également engendrer un volume plus conséquent : je peux y faire des sorties de plus de trois heures que je ne ferais jamais sur l’ergomètre."
Le confinement a-t-il un impact sur la discipline de l’aviron ?
P.H : "C’est mitigé. D’une part oui car on est un sport de sensation, de glisse. C’est compliqué car on ne peut pas travailler notre technique. Mais on est pénalisé uniquement sur la technique, pas sur l’aspect physiologique. On peut avoir un ergomètre, un vélo, du matériel de musculation chez soi. On a une grosse partie du programme qui est tournée vers ça. Si on arrive à assumer un volume de 20-25 heures par semaine de foncier, on aura pas perdu ça. On est pas aussi lésés que les nageurs. Eux ont beau entretenir la caisse, ils passent 90 % de leur temps dans l’eau."
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Comment avez-vous accueilli l’annonce du report des Jeux Olympiques ?
PH : "Le sportif qui est en moi a été déçu mais pour ma part, c’est une excellente nouvelle à plusieurs points de vue. Au niveau sanitaire déjà : ça aurait été difficile d’avoir des JO enthousiastes après l’année qu’on a connu, et surtout ça aurait compliqué de savourer une nouvelle médaille aux JO alors que tout le monde n’a pas pu se préparer de la même façon. Dans ce contexte là, il vaut mieux tourner la page. Et enfin, c’est une excellente raison à titre très personnel car je n’étais pas encore qualifié pour les Jeux. Avant le report des Jeux, la régate de qualification (à Lucerne, en Suisse fin mai) avait déjà été annulée. Sans ça, il y aurait eu des règles de sélection différentes en se référant aux derniers résultats des Mondiaux, qui ne m'auraient pas été favorables. Avec ce report, la FISA nous laisse l’opportunité de nous qualifier sans que ce soit décidé sur un coup de papier. Sportivement, c’est la meilleure chose qui peut m’arriver."
Tant que je ne serais pas qualifié pour les Jeux, je m’entraînerai comme un chien !
Est-ce difficile à un an des JO d’être autant dans l’inconnu ?
P.H : "Je ne fais pas partie des sportifs qui étaient qualifiés aux JO et qui étaient en pleine possession de leurs moyens à quelques mois des Jeux. Je suis dans une autre optique : tant que je ne serais pas qualifié pour les Jeux, je m’entraînerai comme un chien ! Je peux concevoir que c’est beaucoup plus compliqué pour une personne déjà qualifiée et qui était prêt à en découdre dans 2-3 mois. Il y a une pression inconsciente qui monte jusqu’aux Jeux. Si c’était en arrivé en 2016, j’aurais vraiment eu les boules. Que ce soit repoussé d’un an, je ne dis pas que ça ne change rien car c’est un an de sacrifices en plus, mais je ne lâcherai rien car je ne suis toujours pas dans le “game ! (rires)"
A 26 ans, vous arrivez dans vos meilleurs années. Tokyo sera-t-il un pivot pour vous ?
P.H : "J’ai vraiment Toyko en ligne de mire. Il faut que j’aille jusqu’aux Jeux, mais ensuite il faudra voir car il y a une multitude de facteurs qui font que ma carrière va changer : le double poids léger va être supprimé du programme olympique, et j’aurais fini mes études. Il y a un contexte à reconsidérer, qui se travaille mentalement au quotidien. Il y aussi l’envie de voir autre chose. L’idée de tenir aussi longtemps dans un sport aussi contraignant avec une nature d'entraînement particulière, c’est d’autant plus dur à tenir. Ca l’est encore plus quand on est déjà champion olympique, du monde et d’Europe et qu’on a l'opportunité de changer d’horizon sans avoir à se retourner et ne rien regretter.
Mais attention, ce n’est pas parce que je suis champion olympique que j’ai une baisse de motivation, bien au contraire. Je sais que c’est accessible et faisable, j’ai d’autant plus envie de le redevenir. Je me sers juste de ça pour faire pencher la balance pour prendre une décision aussi cruciale au moment de tourner la page. Mais une chose est sûre : s’il n’y a plus d’aviron, il y aura toujours du sport de haut niveau dans une autre discipline."
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