"On sera perdants économiquement, mais le bonheur compensera" : les clubs pros de basket ou de hand se réjouissent du retour annoncé du public dans les salles
Les spectateurs vont pouvoir reprendre le chemin des tribunes des enceintes sportives à partir du 19 mai, y compris pour les sports qui se pratiquent en intérieur, avec une jauge limitée à 800 spectateurs.
C'est une bouffée d'air frais qu'ils n'avaient même pas imaginée. Dans un entretien accordé à la presse quotidienne régionale concernant la levée du confinement, jeudi 29 avril, Emmanuel Macron a annoncé le retour partiel du public dans les enceintes sportives à partir du 19 mai, avec une jauge maximale de 800 spectateurs en intérieur, 1 000 en extérieur. Inattendue, cette nouvelle ravit les clubs professionnels, sans pour autant changer la donne économiquement.
"Très sincèrement, je ne m'y attendais même plus", réagit Hervé Beddeleem, directeur exécutif du club de basket de Gravelines-Dunkerque (Jeep Elite). "J'étais persuadé que nous allions finir la saison à huis clos." Les clubs professionnels de sports en salle "[s'étaient] fait une raison sur le huis clos jusqu'au bout", avoue Stéphane Clémenceau, président du Cesson-Rennes handball (Lidl Starligue). Depuis la fin octobre et la mise en place d'un deuxième confinement, l'absence de public s'était généralisée partout en France.
Une bonne surprise... qui ne changera rien financièrement
Dans les championnats de basket, de handball ou de volley, les droits télévisuels étant faibles (4 millions d'euros pour la Lidl starligue, la 1re division de handball) voire inexistants, l'économie des clubs tenait en grande partie sur la billetterie. C'est pour cette raison que la Ligue nationale de basket (LNB) avait mis la saison sur pause, avant de la reprendre en mars pour finir coûte que coûte.
Un retour des spectateurs dans les tribunes n'a jamais été envisagé. "C'est clair que j'étais parti du principe qu'on n'aurait pas de public dans les salles avant la fin de saison", confirme Paul Seignolle, président du club de basket de l'ADA Blois (Pro B). "On ne peut être que satisfait si l'annonce se confirme." Prudent, le dirigeant loir-et-chérien attend davantage d'explications, et surtout une validation auprès du préfet.
Tandis que les saisons de volley et de hockey sur glace sont déjà terminées, le basket et le handball vont pouvoir recevoir du public pour leurs toutes dernières rencontres. De quoi soulager les clubs financièrement ? "Economiquement, ça ne sera pas très intéressant, estime Stéphane Clémenceau. Car ceux qui vont entrer dans la salle seront ceux qui ont payé leur place à l'année et que l'on aurait dû éventuellement rembourser."
"Je pense qu'on sera perdants économiquement, mais le bonheur compensera. On va peut-être perdre les aides de l'Etat par rapport à la perte de la billetterie."
Hervé Beddeleem, directeur exécutif du club de basket de Gravelines-Dunkerqueà franceinfo sport
En réponse aux inquiétudes, l'Etat avait déployé un fonds de compensation des pertes de billetterie à hauteur de quatre millions d'euros au total pour les clubs de basket, handball, volley et hockey sur glace. Ce dispositif avait été prolongé le 13 avril pour le premier semestre 2021.
Pour la plupart des clubs impliqués, l'ouverture au public ne représentera aucune recette de billetterie supplémentaire puisque la jauge de 800 spectateurs limite les possibilités. En comptant les abonnés et les partenaires, ce chiffre est très souvent dépassé. "Concernant Blois, on a entre 800 et 900 partenaires et 300 abonnés, précise le président, Paul Seignolle. On devra faire un arbitrage, peut-être en réduisant les places allouées aux partenaires, de dix à cinq chacun par exemple."
Le retour primordial des partenaires
Si aucune ligne ne s'ajoutera du côté des recettes, les coûts existent en revanche lorsque l'on doit accueillir du public. "On a des coûts fixes d'hôtesses, de sécurité, des charges hospitalités, alors qu'en face on ne pourra pas vendre de billets à l'unité", détaille Stéphane Clémenceau, président du Cesson-Rennes handball.
Mais, outre le seul retour des supporters, l'essentiel est ailleurs, à entendre les dirigeants. "L'importance économique, c'est le retour de nos partenaires, explique Hervé Beddeleem. Ce serait un manque considérable de ne pas pouvoir leur offrir les hospitalités. Ils sont en droit de demander un remboursement s'ils le souhaitent, et on ne pourra pas y échapper."
L'accueil de ces partenaires à partir du 19 mai doit justement soulager les clubs financièrement, ou en tout cas les protéger d'un remboursement trop important. En Pro B, l'ADA Blois devrait ouvrir sa salle pour les quatre derniers matchs à domicile de sa saison, portant ainsi le nombre total de rencontres disputées au Jeu de Paume (le nom de la salle blésoise) avec du public de cinq à neuf. "Vis-à-vis des partenaires, on aura livré 45% des matchs prévus dans le contrat contre seulement 25% actuellement, calcule Paul Seignolle. Cela représente entre 125 000 et 150 000 euros à rembourser en moins."
Surtout, la période tombe à pic, en cette fin de saison, pour "recréer du lien avec le public et les sponsors", ajoute le président de l'ADA Blois. Des propos confirmés par Stéphane Clémenceau : "Le point fondamental de l'annonce, c'est qu'on va pouvoir recréer une passerelle avec nos partenaires dans une période charnière pour le renouvellement des contrats."
À sept journées de la fin du championnat, Cesson-Rennes, 12e, devrait jouer deux rencontres devant son public et notamment face aux stars du PSG. "C'est un bon signal pour redonner l'envie de venir dans les salles et c'est super important psychologiquement", sourit le président breton. "Même si je n'ai pas du tout d'inquiétude sur la fidélité des partenaires et des abonnés, cela nous permet de déjà préparer la saison prochaine", embraye Paul Seignolle.
"Ça va redonner un supplément d'âme aux joueurs"
Les finances sont une chose, le terrain en est une autre et, là aussi, le public aura son mot à dire dans une fin de saison à enjeux. "Ça va redonner un supplément d'âme aux joueurs, assure Stéphane Clémenceau, parce que c'est d'une tristesse infinie." Les résultats de Cesson-Rennes peuvent s'en ressentir alors que sa toute nouvelle salle, la Glaz Arena, accueille 4 500 spectateurs en temps normal.
En Jeep Elite, Nanterre, habituellement soutenu par un public fidèle, vit une saison très difficile pour la première fois depuis longtemps (14e). "C'est peut-être une coïncidence mais c'est l'année où l'on a perdu le plus de matchs à domicile, constate Pascal Donnadieu, entraîneur historique du club des Hauts-de-Seine et assistant coach de l'équipe de France. Personnellement, je ressens un grand vide, c'est d'un triste..."
L'importance du public n'est plus à démontrer, d'autant plus dans les moments clés où une rencontre peut basculer. "Quand on est en retard à la marque ou pour se sublimer en défense, on sent que le public manque énormément", regrette Jean-Denys Choulet, coach de la Chorale de Roanne (11e de Jeep Elite) et de son public passionné.
"Il y a des joueurs qui ont besoin de partager des émotions avec le public et qui se retrouvent handicapés dans ces salles à huis clos."
Pascal Donnadieu, entraîneur du club de basket de Nanterreà franceinfo sport
Après avoir attendu le retour du public depuis le mois d'octobre, les clubs de handball et de basket ne vont pas bouder leur plaisir à l'idée de retrouver leurs premiers soutiens, même en quantité réduite et pour un nombre limité de rencontres. Le 19 mai est attendu avec impatience et excitation.
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