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Basket : La ligue australienne n'acceptera plus de joueuses étrangères la saison prochaine

C'est une décision pour la moins brutale qu'a prise la ligue professionnelle féminine de basket en Australie : à compter de novembre et du début de la saison prochaine, plus aucune joueuse étrangère n'évoluera dans le championnat. Un choix justifié par la pandémie de coronavirus et les difficultés financières des clubs. Où quand le protectionnisme fait irruption dans le monde du sport...
Article rédigé par Clément Mariotti Pons
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
 

Couper les arrivées de joueuses étrangères dans le championnat pour protéger son modèle financier. La Women's National Basketball League (WNBL), ligue professionnelle féminine de basket en Australie, a décidé de frapper fort pour tenter d'endiguer les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19.

À compter de la saison prochaine qui débutera le 20 novembre, le "no import ruling" (ou interdiction d'import de joueuses) va faire son apparition. Résultat ? Plus aucune joueuse de nationalité autre qu'australienne ne pourra évoluer au sein du championnat 2020-2021. 

Quand le sport se met au protectionnisme

Dans un communiqué publié le 27 mai dernier, la WNBL informait déjà de son envie de prendre des mesures strictes : "Le sport professionnel féminin en Australie a fait des pas de géant ces dernières années et il est extrêmement important pour Basketball Australia (instance contrôlant la discipline dans le pays, NDLR) que la ligue ne régresse pas en ces temps d'adversité mondiale",  expliquait Lauren Jackson, triple vice-championne olympique (2000, 2004, 2008), désormais en charge du développement du basket féminin dans son pays. Non sans ajouter que d'autres initiatives pourraient être prises afin de "soutenir davantage la ligue et les équipes, tout en veillant à ce que l'intégrité de la compétition ne soit pas compromise".

Préserver l'intégrité du championnat en réduisant les "rosters" (effectifs) aux joueuses du cru... On a difficilement fait mieux en matière de protectionnisme sportif. D'autant que les arguments sur lesquels repose cette décision posent question.

Si la pandémie de Covid-19 a bien eu un impact sur les budgets des clubs et la limitation des vols internationaux, celle-ci se fait de moins en moins virulente à travers le globe. L'Australie n'a enregistré qu'un total de 102 décès liés à ce virus. Une reprise timide des activités commerciales, y compris dans le secteur aérien, pointe déjà le bout de son nez. Pourtant c'est bien une décision univoque, et pour la moins prématurée étant donné la marge confortable avant le début de la saison prochaine (20 novembre), qui a été prise.

"C'est une décision directement discriminatoire qui serait inapplicable au sein de l'Union européenne"

Pour Antoine Semeria, avocat en droit du sport, cette décision de la WNBL est "directement discriminatoire, car fondée sur la nationalité, et serait inapplicable au sein de l'Union européenne". L'arrêt Bosman du 15 décembre 1995 fait office de jurisprudence : il a ouvert cette possibilité de permettre aux joueurs / joueuses étrangers (ères) évoluant au sein de l'UE de rejoindre le club qu'ils ou elles souhaitent. Et cela sans qu'aucun règlement ne puisse porter atteinte à la liberté de circulation. 

"La seule restriction discutable chez nous se trouve dans le rugby, avec le système de JIFF (joueurs issus des filières de formation)", précise Antoine Semeria. "Aujourd'hui il y a 16 joueurs issus de la formation française qui doivent être alignés sur la feuille de match pour la saison prochaine. C'est limite, mais ça a été considéré comme proportionné et justifié par l'intérêt de former localement des joueurs, et donc de favoriser leur émergence en équipe de France. Mais c'est quand même discutable."

Et c'est précisément derrière cette volonté de redorer le blason du basket féminin australien avec un championnat "nationalo-national" que se cache la Ligue. "Peut-être, mais là ce n'est pas proportionné", embraie l'avocat. "Une telle disposition ne passerait jamais en Europe, elle serait retoquée comme cela avait été le cas lorsque la Commission européenne avait ouvert une procédure d'infraction contre l'Espagne, qui avait imposé à ses clubs de basket un quota de 40% de joueurs formés localement."

Faut-il s'attendre à voir resurgir un tel protectionnisme après cette crise sanitaire sans précédent ? "Ce serait triste, un retour en arrière problématique et inquiétant" pour Antoine Semeria. D'autant que derrière, ce sont les entraîneurs qui grincent des dents...

Des coachs déconfits

Car les joueuses étrangères présentes cette saison en WNBL ont participé au spectacle. Et même au-delà de ça, elles ont conduit activement à son amélioration : comment remplacer la MVP (meilleure joueuse, NDLR) de la saison - Kia Nurse, arrière canadienne - ou celle des finales - Olivia Epoupa, la meneuse de l'équipe de France - avec des joueuses uniquement australiennes ? Le challenge semble impossible à relever à court-terme, pour une nation vice-championne du monde en 2018, mais éliminée en quarts de finale des JO 2016 après avoir pris place sur le podium à chaque JO depuis 1996.

"Nous allons perdre nos deux Américaines, Sophie Cunningham et Lindsay Allen", regrettait, il y a encore quelques jours, Guy Molloy, le coach des Melbourne Boomers. "J'adore ces filles, c'est une grande honte de ne pas les avoir une autre saison avec nous." Et de préciser sa pensée quelques jours plus tard dans le quotidien The Age : "L'un des défis pour former une culture réussie en WNBL, c'est le roulement entre joueuses et la recherche d'une plus grande cohérence dans votre effectif. Lindsay Allen a eu une part importante à ce niveau-là ces deux dernières années. Obtenir deux jeunes joueuses en "import" signifiait que nous espérions avoir deux joueuses à long terme pour construire autour des talents australiens comme Ezi Magbegor. Mais cette stratégie va être interrompue et c'est décevant." 

En favorisant le développement de jeunes basketteuses australiennes avec l'exclusion de toute joueuse étrangère, la Ligue féminine nationale se tire peut-être une balle dans le pied. Où quand le favoritisme national nuit à l'esprit de compétition sur son propre sol.

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