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Dragon en plastique, pointure 53 et chèque à sept chiffres : qui est Rudy Gobert, le sportif français le mieux payé ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le basketteur Rudy Gobert, des Utah Jazz, marque un panier contre les Memphis Grizzlies, le 10 avril 2015, à Salt Lake City (Utah). (MELISSA MAJCHRZAK / NBAE / GETTY IMAGES)

Il va toucher la coquette somme de 25,5 millions de dollars par an, mais que savez-vous vraiment de lui ?

Oubliez Tony Parker, Paul Pogba ou Jo-Wilfried Tsonga. Le sportif français le mieux payé, et de très loin, c'est désormais Rudy Gobert. Grâce à son nouveau contrat officialisé mardi 1er novembre, le gigantesque pivot des Utah Jazz touchera 103 millions de dollars (soit 92,7 millions d'euros) sur les quatre prochaines saisons pour fouler les parquets de la NBA. Une étape de plus pour l'un des joueurs les plus prometteurs du ballon orange, dont le parcours n'a pas vraiment été un long fleuve tranquille. 

Basketteur à cause d'un dragon en plastique

Quand il voit le jour, le 26 juin 1992, Rudy Gobert est déjà grand (57 centimètres). Un héritage de son père, Rudy Bourgarel, qui affichait 2 m 13 sous la toise, un passage avorté en NBA et une vingtaine de sélections en bleu. Le petit Rudy, qui grandit dans un quartier HLM de Saint-Quentin, dans l'Aisne, ne se destine pourtant pas naturellement au basket. Pour canaliser son trop-plein d'énergie, sa mère l'inscrit au judo, au karaté, à l'athlétisme et à la boxe. C'est le jour où il tente de décapiter un dragon en plastique avec un cutter que son destin bascule. A cause de sa main entaillée sur cinq centimètres, finie, la boxe ! Place au basket, sur les conseils du médecin qui l'a soigné. 

Rudy Junior affiche des prédispositions naturelles à fouler les parquets. Sa taille d'abord. A 8 ans, il mesure 1 m 50. A 15 ans, 1 m 95 (ce qui n'est pas exceptionnel pour un aspirant basketteur, beaucoup plus pour le commun des mortels). Ses premiers coaches placent ce binoclard dégingandé - dont des photos touchantes sont à retrouver sur le site Picardie basket patrimoine - à l'aile. "Il n'avait pas vraiment de dribble, pas vraiment de shoot, il n'était pas vraiment bon", raille son camarade international Evan Fournier, lui aussi originaire de la région. Il échoue aux tests de l'Insep, la machine à former des champions. "Il paraît que les meilleurs de chaque génération y vont. Mais pas moi", rumine Gobert dans le Salt Lake Tribune

Une envergure surnaturelle

A la place, il est retenu en 2011 par Cholet (Maine-et-Loire), place forte du basket français et grand exportateur de talents vers la NBA, d'Antoine Rigaudeau à Mickaël Gelabale. Dans les Mauges, Gobert joue peu mais grandit vite : 20 centimètres en trois ans. Avec 2 m 16 (à plus ou moins un centimètre, selon que l'on se fie à la toise de la NBA ou à celle de la fédération internationale), il devient un membre du club très fermé des TGG, les "très grands gabarits", choyés par les fédérations de basket. Outre sa pointure (du 53 !), le plus spectaculaire, c'est son envergure : la distance entre ses deux majeurs, bras tendus. 2 m 36 chez lui, soit 1,09 fois sa taille, ce qui défie les lois de la science (chez l'être humain normal, c'est 1,01, rappelle le livre The Sports Gene). Pour vous donner une idée, il n'a pas besoin de sauter pour mettre la balle dans le panier.

Après trois saisons seulement à Cholet, il est sélectionné à la "draft", le grand raout des novices de la NBA, en 2013. Les sites spécialisés annoncent qu'il sera retenu parmi les premiers, peut-être avant la 9e place, le record pour un Français détenu par Joakim Noah. Il n'en est rien : Gobert est choisi en 27e position, par les Denver Nuggets, qui le refourguent illico aux Utah Jazz contre une aumône de 3 millions de dollars. "Des joueurs, que je ne citerai pas, m'ont dit que c'était une des pires destinations possibles en NBA, raconte Gobert au Salt Lake Tribune. "Chiante. Toujours froide. Moche." L'adversité motive celui qui a toujours cru en lui, au point de paraître arrogant. Une mentalité à l'américaine qui sied parfaitement à son pays d'adoption. N'a-t-il pas hésité à clamer qu'il souhaitait être champion de NBA dans les cinq ans, ou qu'il "n'envisageait pas l'échec" ? N'est-il pas devenu un cadre des Bleus dès ses 23 ans ? "Certains gars n’ont pas de fierté, moi j’en ai peut-être trop", renchérit dans Sports Illustrated celui qui a emprunté sa devise au rappeur Booba : "Réussir, c’est faire un costume d’une serpillière" ?

De "Calimero" à "Gobzilla"

Sa première année outre-Atlantique est laborieuse. Confiné au banc ou à l'équipe réserve, bizuté le jour où il découvre sa voiture remplie de popcorn sur le parking du club, Gobert prend du muscle (5 à 6 kg, de son propre aveu, avant, "je faisais un peu peur") à défaut d'expérience. "En arrivant en NBA, certains deviennent lourds, bougent moins. Rudy s'est remplumé, mais a gardé sa mobilité", souligne Ruddy Nelhomme, assistant du sélectionneur des Bleus, dans France-Antilles. A la faveur d'une blessure du titulaire du poste, il s'impose dans la raquette des Jazz et épate le public avec ses contres. Comme il le dit avec humour sur son compte Instagram, "chaque centimètre compte".

Every inch matters.. / Chaque centimètre compte.. Anyway big game in Dallas tonight! Let's get this one

Une photo publiée par Rudy Gobert (@rudygobert27) le


Oublié son surnom de "Calimero" lors de ses jeunes années à cause de ses retards, il devient "Gobzilla", "the Stifle Tower" (un jeu de mots sur la sonorité de tour Eiffel et qui signifie "la tour qui étouffe") ou "the French Rejection". Les supporters du Jazz, très inventifs, crient aussi "Gobert or go home" aux adversaires d'un soir. 

"Pourquoi tu lis toutes ces conneries ?"

Erigé au rang de crack, le joueur est très sourcilleux concernant ses stats. Il lui est déjà arrivé d'envoyer un message privé au compte Twitter de la NBA pour faire rectifier un chiffre. Et il s'est enguirlandé avec la chaîne ESPN, coupable de l'avoir oublié dans une liste des meilleurs défenseurs de l'élite. La mauvaise presse ne lui fait pas peur, bien au contraire. En interview, il cite souvent un sondage réalisé peu après son arrivée, où seuls 10% des sondés pensaient qu'il constituait une bonne recrue pour les Jazz. "Un jour, je discutais avec Boris Diaw [son coéquipier en équipe de France, lui aussi évoluant en NBA], qui joue sans se soucier de l’avis des gens, raconte-t-il au Red Bulletin. Il m’a dit : 'Pourquoi tu lis toutes ces conneries ? Elles vont impacter ton jeu !' Je lui ai répondu : ' Bien sûr que ça va impacter mon jeu, mais du bon côté !'" 

Rudy Gobert face au Serbe Nemanja Bjelica lors de l'Eurobasket 2015, à Lille, le 20 septembre 2015. (BENOIT TESSIER / REUTERS)

Qu'est-ce qui manque encore à Rudy Gobert pour entrer dans le Hall of fame du basket français ? Son souhait le plus cher est de faire de l'arrière-garde des Jazz la plus imperméable de la NBA. S'il y parvient, il réussira sans doute à combler un grand vide : son palmarès est encore vierge de tout titre, si l'on excepte un titre de champion de Picardie en juniors, un sacre chez les Espoirs avec Cholet et deux médailles de bronze en bleu. 

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