EuroBasket : Docteur Andrea et Mister Bargnani
Depuis qu’il est devenu le premier Européen numéro un de la Draft NBA, en 2006, Andrea Bargnani a dû sans cesse tenir un statut dont il se serait bien passé. En Italie, il était "Il Mago", le magicien, jeune prodige à Trévise, sans cesse comparé à Dirk Nowitzki, comme beaucoup d’autres grands intérieurs fuyants du Vieux Continent avant lui. Mais Bargnani, c’était différent. Certains scouts américains voyaient en lui le digne successeur du Wunderkind, la dureté et les qualités défensives en plus. Cette comparaison n’a jamais été vérifiée et ne le sera probablement jamais, encore moins depuis que Nowitzki a remporté une bague de champion en portant à lui seul ou presque les Dallas Mavericks en 2011.
Alors qu’il a passé près de dix ans en NBA et qu’il fêtera ses 30 ans dans un mois, personne ne sait vraiment comment définir Andrea Bargnani. Si ce n’est quelques oxymores : un leader silencieux, un intérieur "soft", une star introvertie, un shooteur hors-pair irrégulier. Il faut voir le comportement du géant italien (2,12m) en match pour comprendre pourquoi il peine tant à plaire aux Américains. Qu’il réussisse un grand match ou une contre-performance, son visage est le même : éteint, inexpressif, la bouche constamment semi-ouverte, le regard atone. Rien ne semble l’atteindre, rien ne semble pouvoir le bousculer. Lorsqu’il avait fait ses premiers pas en NBA, pourtant, Sam Mitchell, le coach de Toronto, l’avait poussé à se dépasser lors de séances physiques intenses où le seul objectif était de défendre sa position dans la raquette. L’un de ces entraînements, en début de saison, l’avait particulièrement marqué. "A la suite de cette séance, il s’était mis à jouer comme un homme", se souvient son équipier de l’époque, Chris Bosh.
"Il est et restera une énigme"
Neuf ans plus tard, pourtant, Bargnani est toujours moins loué pour ses immenses qualités de basketteur que moqué pour ses cagades, ses mauvaises prises de décisions, son incapacité à rendre ses équipiers meilleurs et sa personnalité, aussi lisse que ses déclarations, qui le démarque significativement des charismatiques stars NBA. Dans une interview accordée à la FIBA en 2007, il explique qu’il profite exclusivement de son temps libre pour se reposer et surfer sur Internet ; qu’il ne "peut même pas se rappeler du dernier film (qu’il a) vu" ; qu’il ne fait "rien qui sort de l’ordinaire : je dors, je mange, je vais au match". Les critiques se sont logiquement démultipliées depuis qu’il a été transféré de Toronto à New York, à l’été 2012, rien n’étant épargné dans la Mecque du basket. Et surtout pas à ceux qui ne font rien pour changer leur image sur et en dehors des terrains, comme Bargnani qui a toujours conservé une certaine distance avec les médias américains.
Mais si Bargnani peine à s’attirer les sympathies du public US, c’est aussi et surtout pour son attitude sur le parquet, en match comme à l’entraînement. Cet été, Phil Jackson, l’entraîneur le plus titré de la grande ligue devenu président des Knicks, s’en est pris directement à son intérieur. "Il était et reste de la poudre aux yeux, a-t-il lâché sur le site d’ESPN. Blessé, il avait refusé de prendre part à nos entraînements sans contact, ne serait-ce que pour reproduire nos systèmes en attaque. Il donnait l’impression de simuler sa blessure, ça a eu un impact négatif sur l’équipe et la manière dont le public l’a perçoit. Quand il jouait, il avait beaucoup de mal à mettre de l’intensité dans son jeu, ne se battait pas pour revenir en défense, n’était pas actif sur les situations de pick & roll (…) Bargnani est et restera une énigme". Trois mois plus tard, il s’engageait avec l’ennemi d’à côté, Brooklyn, s’attirant les foudres des fans new-yorkais. Dans une lettre ouverte, il reconnaissait que "sa personnalité introvertie" a contribué à ce que son passage, puis son départ des Knicks, soit "mal perçu".
Il a perdu le leadership en sélection
Sportivement, Bargnani est entre deux eaux. Le costume de franchise player autour duquel une équipe peut se développer est trop large, mais celui du joueur de complément semble bien étroit pour celui qui a mis plus de 15 points de moyenne à chacune de ses neuf saisons NBA. En sélection, l’Italien est plus libéré. Il avait affolé les compteurs à l’Euro 2011 (24,1 points lors des qualifications, 22,8 pendant le tournoi), mais l’Italie n’avait même pas passé le premier tour. Cette année, "Il Mago" est moins fringant. Il joue moins et a chuté dans la hiérarchie des scoreurs (12,7 points), derrière Marco Belinelli (16,8), Danilo Gallinari (18,5) et le jeune Alessandro Gentile (17,8). Contre la Lituanie ce mercredi, son opposition face à Jonas Valanciunas, qui lui a succédé au poste de pivot à Toronto, s’annonce comme le duel-clé du quart de finale. De son application défensive, secteur dans lequel il a été tant décrié depuis le début de sa carrière, dépendra le sort de l’Italie dans cet EuroBasket.
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