EuroBasket : France-Turquie, décryptage d’un duel capital
Bilan comptable : avantage France
"On ne pouvait pas faire mieux jusque là". En une phrase, Nando De Colo a résumé l’état d’esprit des Bleus : certes il y a eu des victoires étriquées contre des adversaires de calibre moyen, certes leur attaque est encore perfectible et leur défense trop inégale, mais le résultat est bien là, la première place du groupe en poche et cinq victoires en cinq matches. Les Turcs, qui ont vécu un parcours bien plus chaotique, ne peuvent pas en dire autant. S’ils ont lancé leur tournoi par une victoire de prestige contre l’Italie (89-87), ils ont complètement craqué face à l’Espagne (77-104), contre la Serbie (72-91), et ont même eu besoin d’une prolongation pour se débarrasser de la modeste sélection islandaise qui leur a passé plus de cent unités (111-102). Ils marquent beaucoup de points (85,8), mais en encaissent encore plus (91,8). C’est loin des standards tricolores (meilleure défense du tournoi avec 67,0 points de moyenne encaissés au premier tour). "Mais notre groupe était moins relevé et on ne pourra juger nos capacités défensives qu’après notre huitième", relève Vincent Collet.
Expérience : avantage France
Autour de Tony Parker qui joue là son huitième Euro, le sélectionneur a construit un groupe expérimenté (quatre joueurs de 32 ans ou plus) qui sait comment aborder ce type de rencontre cruciale. En face, la Turquie (25,5 ans de moyenne, contre 27,2 pour les Bleus) possède dans son effectif trois joueurs tous justes majeurs qui découvrent la sélection. De l’équipe médaillée d’argent au Mondial 2010, son dernier grand résultat international, elle n’a gardé que quatre joueurs (Erden, Ilyasova, Güler et Savas). "Mais la plupart des joueurs évoluent dans le championnat turc (dont quatre à Fenerbahce, ndlr), prévient Nando De Colo. Ils se connaissent bien. Beaucoup jouent en Euroligue". Semih Erden est passé par la NBA, deux y évoluent toujours : Ersan Ilyasova, cadre des Bucks, et Furkan Aldemir, remplaçant à Philadelphie. La Turquie demeure toutefois une sélection renouvelée qui ne possède pas le quart du vécu de son adversaire du jour. "Rien ne remplace l’expérience, philosophe Collet. On a vécu ces rencontres, on sait comment les aborder". Comme "une armée de douze guerriers", pour reprendre les propos de Florent Piétrus.
Taille : avantage Turquie
Jusqu’ici, la seule présence de Rudy Gobert dans la raquette française suffisait à donner un net avantage aux locaux. Mais cette fois-ci, l’intérieur du Jazz va trouver de beaux bébés sur sa route. Trois ailiers forts à 2,07m ou plus, dont le fuyant Ersan Ilyasova qui va étirer la défense tricolore, et deux pivots qui culminent à 2,11m, dont Semih Erden, impressionnant au premier tour (14,4 pts). "Lui contre moi, ça sera un duel-clé pour gagner ce match", reconnaît le pivot titulaire des Bleus. "Ils peuvent nous bouger à l’intérieur", renchérit Nicolas Batum. Les soutiens défensifs en sortie de banc, Joffrey Lauvergne et Florent Piétrus, seront d’autant plus primordiaux que les intérieurs trucs chercheront d’entrée à provoquer Gobert, à le pousser à la faute et donc sur le banc.
Profondeur de banc : avantage France
Dans ce secteur, la domination française est nette. Quand le sélectionneur turc Ergin Ataman a resserré autant que possible sa rotation (tous ses titulaires ont joué plus de 25 minutes par match), Vincent Collet a profité de la moindre occasion pour mettre ses cadres au repos. L’adversité était certes moins relevée, mais les Bleus possèdent surtout un banc, un vrai, qui a permis à l’entraîneur strasbourgeois de composer des "deuxièmes cinq" décisifs à plusieurs reprises. Le troisième meilleur marqueur des Bleus (Joffrey Lauvergne) est remplaçant ; Evan Fournier et Mickael Gelabale peuvent dynamiter l’attaque française sur de courtes séquences ; le meilleur défenseur extérieur tricolore, Charles Kahudi, débute les rencontres sur le banc. "On a la chance d’avoir douze mecs prêts à jouer, note Florent Piétrus, autre ‘bencher’ de luxe. C’est ce qui fera la différence."
Pression : avantage Turquie
C’est le critère qui peut tout changer. Celui qui peut rendre toutes les statistiques insignifiantes, toutes les tactiques obsolètes. Devant 27.000 fans acquis à leur cause, les Bleus peuvent tomber dans deux travers : être inhibés par l’enjeu ou, au contraire, plonger dans une euphorie susceptible de leur faire perdre les pédales. "Ca fait des mois qu’on attend ce match donc forcément, il y a un peu de peur", admet Mickael Gelabale. "C’est un match à la vie à la mort, renchérit Nicolas Batum. Ça excite, et c’est ce qui fait la beauté de ce sport. On a rêvé de jouer ces rencontres-là". Face à eux, les Turcs sont dans la peau plus confortable du chasseur qui a tout à gagner, celle-là même dans laquelle les Français s’étaient transcendés à l’Euro 2013 et au Mondial 2014. "On a été dans cette situation où on jouait sans pression contre l’équipe organisatrice, rappelle Piétrus. On sait quelle sera leur mentalité". C’est là que l’expérience des Bleus prend toute son importance. Après tout, sourit Batum, "ça reste un match de basket : quatre fois dix minutes, cinq contre cinq". Balle au centre.
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