Les Bleus au bout du suspense
Sans doute rendus fébriles par l'enjeu, et marqués par la vérité historique qui leur était défavorable depuis 28 ans, où ils n'avaient plus battu les Grecs en compétition, les Français plutôt timorés connaissaient un début de match difficile. Avec une défense un peu lâche qui laissait les Grecs installer leur académie de jeu, ils regardaient le match comme s'ils n'en étaient pas acteurs, laissant les hommes de Zouros prendre les choses en main et mener rapidement 70- puis 15-4. Complétement à côté de leur sujet sur les shoots extérieurs, les Bleus (qui jouaient en blanc pour l'occasion) en étaient réduits à chercher le salut sous le cercle, mais là encore, Noah ou Diaw se montraient peu convaincants aux rebonds, manquant d'autorité et de timing. Alors que le salut face à ce genre de grands gabarits passaient par une pression de tous les instants pour les fatiguer, les Français ne parvenaient pas à mettre le bon tempo. Malgré tout, profitant de quelques erreurs d'une formation grecque certes plus adroite mais loin d'être totalement dominatrices, ils restaient à portée au terme du premier quart-temps 17-14.
Retard à l'allumage
Vincent Collet avait rapidement tenté de recadrer ses troupes en début de match. Pour l'entame de ce deuxième quart, il choisissait l'optique du turn over. Alors que Gelabale était étrangement absent, Diaw très discret et Noah peu en verve, les entrées conjuguées de Kahudi et De Colo redonnaient un peu de couleurs. Le joueur de Valence notamment gardait son équipe dans le match en signant deux shoots majorés. Les Français revenaient à hauteur (21-21) après avoir rectifier le tir aux rebonds et en mettant un peu plus d'intensité défensive sur Zisis et Bourousis, les deux principaux organisateurs du jeu grec. Mais ils avaient toujours autant de mal à couper les lignes de passe adverses. Et comme ils perdaient aussi des ballons, les Français continuaient de courir derrière une formation hellène qui ne relâchait pas la pression et gardait son avantage à la pause 31-27.
Sans être très bons ni très saignants, les Français restaient pourtant au contact et l'on sentait même qu'ils avaient tout à fait la possibilité de prendre le dessus. Mais ils semblaient ne pas quitter leur costume d'outsiders, toujours crispés, manquant parfois de lucidité et de sérénité, laissant des positions ouvertes à des Grecs qui n'en demandaient pas tant. C'était une sorte de frustration qui s'insinuait dans les rangs tricolores. Avec une telle déficience aux tirs, ils ne pouvaient pourtant guère espérer mieux sans un retour de confiance. Dans un match aussi fermé, il ne fallait pas gâcher les possessions et rester dans le rythme du match. Les Français manquaient d'agressivité pour contrarier les velléités d'une équipe grecque insistant sur les pick and roll. Face à une équipe très pénible mais pas non plus supersonique, dans une rencontre laborieuse, les Français accéléraient malgré tout à défaut de pouvoir passer la surmultipliée et revenaient même à 40 partout. Mais ils vendangeaient ensuite trois occasions franches de passer enfin devant. Ce dont les Grecs, eux, ne se privaient pas.
Et à la sirène de ce troisième quart-temps, ils avaient repris trois longueurs d'avance 43-40.
Un final de feu
Les hommes de Collet n'avaient plus que dix minutes pour inverser la tendance, dans une tension palpable. C'est le moment que choisissaient De Colo, Pietrus, Parker et consorts pour enfin sortir la tête de l'eau. Les Bleus n'avaient soudain plus envie de se laisser dicter le match. Ils se décidaient à bloquer l'intérieur grec, et retrouvaient le chemin des filets pour passer devant pour la première fois du match (49-45). Enfin agressifs, tant aux rebonds défensifs qu'à l'attaque de la zone, ils donnaient davantage de vitesse à leur jeu. Malgré quelques échecs sur des combinaisons pourtant faciles, ils s'appuyaient sur les mains chaudes de Batum et De Colo. Et sur Tony Parker enfin dans le tempo qui retrouvait ses marques dans la raquette, et permettait à son équipe de garder l'avantage (56-50).
Les Grecs poussaient malgré tout les Français, rapidement dans la pénalité, à la faute pour revenir à -2. Les deux dernières minutes étaient irrespirables. Deux gros tirs de Batum permettaient aux Français de reprendre un peu d'air. Accrocheurs et surtout enfin conscients de leur capacité à pouvoir le faire, les tricolores retrouvaient un collectif digne de celui qu'ils avaient démontré depuis le début du tournoi. Un sursaut d'orgueil qui leur permettait d'obtenir un succès ô combien difficile (64-56) mais ô combien précieux pour l'avenir de ce groupe dans la perspective des JO.
Mais pour l'heure l'Euro n'est pas terminée. Des demi-finales les attendent vendredi contre la Russie. Pour espérer s'en sortir, ils devront remettre le bleu de chauffe et surtout ne pas attendre aussi longtemps pour entrer dans la partie. C'est le troisième Euro de suite où les deux équipes se rencontrent et si les Bleus restent sur une victoire en match de poule en 2009, ils gardent encore en mémoire leur défaite en quarts de finale à Madrid en 2007. Après avoir raté 7 lancers francs sur 10 dans le dernier quart-temps, les Bleus s'étaient ensuite effondrés lors des matches de classement pour rater les JO de Pékin pendant que la Russie s'envolait vers le titre européen. Depuis 2007, la sélection russe, toujours conduite par le truculent David Blatt, s'est considérablement rajeunie mais peut toujours compter sur ses deux meilleurs joueurs, Victor Khryapa et Andrei Kirilenko.Ce dernier, MVP de l'Euro-2007, tient toujours un rôle essentiel (14 points, 11 rebonds, 6 passes et 4 interceptions lors du succès 77-67 sur la Serbie!) dans l'équipe qui s'est trouvé d'autres coqueluches avec le pivot de Denver, Timofey Mozgov, et le meneur Aleksey Shved, une des révélations de cet Euro.
La Russie revient au premier plan
La Russie s'est donc également qualifiée pour les demi-finale en venant à bout de la Serbie (77-67). Quatre ans après avoir créé la sensation à Madrid en dominant l'Espagne en finale de l'Euro-2007, l'équipe de David Blatt retrouve le devant de la scène. Depuis l'exploit espagnol, elle n'avait plus beaucoup fait parler d'elle, achevant le tournoi olympique de Pékin à la 9e place, avant de terminer septième à l'Euro-2009 et au Mondial-2010. Sa sortie de l'ombre coïncide avec le retour de ses deux meilleurs joueurs en 2007, Victor Khryapa (11 points) et Andrei Kirilenko, ce dernier se montrant encore essentiel jeudi soir avec 14 points, 11 rebonds, 6 passes et 4 interceptions. Avec ses deux joueurs majeurs et de nouvelles pépites comme Timofey Mozgov et Aleksey Shved, la Russie réussit un excellent tournoi dans lequel elle est la seule équipe invaincue, même s'il a fallu des paniers au buzzer de Sergey Monya contre la Slovénie et la Macédoine pour préserver cette invincibilité. Parfois un peu désinvolte dans son jeu, elle s'appuie sur une défense de fer qui a de nouveau fait mouche jeudi face aux Serbes, forcés à 19 pertes de balle dont 9 (!) rien que pour le meneur Milos Teodosic, écoeuré malgré ses 20 points. La Russie a fait la course en tête de bout en bout, grâce à un jeu plus discipliné et une belle domination au rebond.
Réactions:
Vincent Collet (sélectionneur de l'équipe de France): "Pour moi c'est d'abord une victoire d'état d'esprit avant d'être une victoire de basket. Parce qu'on n'a jamais lâché. Parce qu'on a été courageux alors qu'on n'arrivait jamais à mener. Finalement ça a payé, ça montre à l'équipe qu'on peut vraiment espérer beaucoup. On manquait un peu de hargne au départ mais on a vite corrigé le tir. Leur contrôle du rythme a été impressionnant. On manquait un peu de rythme. Il y avait une grosse pression. On voulait tellement arriver à la fin. Mais on a su faire front et à la fin on a gagné +à la grecque+. On les a eus à l'étouffée et c'est encore meilleur! Gelabale n'est plus loin. Le fait d'avoir joué les cinq premiers minutes est important. Il sera mieux demain."
Tony Parker (meneur de jeu de l'équipe de France): "On est au TQO, l'objectif est rempli, maintenant c'est clair qu'on a envie de faire plus. C'est toujours difficile de battre les Grecs. Ils ont cassé le rythme. Ils sont forts à ce jeu-là, ils nous sont rentrés dedans. Ils ont réussi à nous endormir alors qu'on était prévenus. Nous on était un peu crispés, on n'arrivait pas à installer notre jeu. Nando (De Colo) a fait une bonne entrée, Ali (Traoré) aussi et Florent Pietrus a été énorme. Ce qui est bien avec cette équipe c'est qu'on ne fait pas notre meilleur match mais on arrive quand même à gagner. Demain il faudra un gros match encore, ça sera moins haché qu'aujourd'hui. Ce n'était pas beau à voir mais on a la victoire. Avant on ne l'aurait pas gagné ce match-là. Moi tous mes tirs je les voyais dedans, j'ai pas compris. A la fin du troisième quart-temps, Steed (Tchicamboud) m'a mis une petite rouste: +t'as pas travaillé dix ans pour faire un match comme ça.+ Après j'avais confiance en moi pour mettre les tirs qu'il fallait. J'ai travaillé trop dur pour ne pas être performant dans les moments chauds."
France:
25 paniers (dont 5 sur 10 à trois points) sur 56 tirs - 9 LF sur 11 - 34 rebonds (Noah 8) - 9 passes décisives (Parker et Diaw 3) - 6 interceptions - 11 balles perdues - 21 fautes personnelles
Cinq de départ: Parker, Gelabale, Batum, Diaw, Noah
Marqueurs: Noah (5), Batum (15), Séraphin (0), Albicy (0), Kahudi (2), Parker (18), Traoré (6), F. Pietrus (2), De Colo (16), Diaw (cap, 0), Gelabale (0) Entraîneur: Vincent Collet
Grèce:
17 paniers (dont 3 sur 21 à trois points) sur 50 tirs - 19 LF sur 23 - 30 rebonds (Bourousis 11) - 10 passes décisives (Zisis 5) - 6 interceptions - 10 balles perdues - 19 fautes personnelles
Cinq de départ: Calathes, Zisis, Kaimakoglou, Fotsis, Bourousis
Marqueurs: Xanthopoulos (0), Bourousis (17), Zisis (6), Vasileiadis (0), Calathes (7), Fotsis (9), Papanikolaou (4), Bramos (2), Koufos (5), Kaimakoglou (6) Entraîneur: Elias Zouros
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