Les enfants de sportifs de haut niveau sont-ils vraiment de la graine de champion ?
Sur les douze joueurs qui composent l'équipe de France de basket pour le Mondial en Espagne, cinq ont des parents qui ont été professionnels.
Basketteur chez les Bleus de père en fils. Ce pourrait être la devise inscrite sur la carte de visite de Boris Diaw, Rudy Gobert, Edwin Jackson et Joffrey Lauvergne, dont les parents ont déjà enfilé le maillot tricolore une génération plus tôt. Si l'on ajoute Nicolas Batum, dont le père a été basketteur professionnel, mais jamais appelé en sélection, c'est presque la moitié de l'équipe de France sélectionnée pour la Coupe du monde en Espagne - du 30 août au 14 septembre - qui a baigné dans le basket dès son plus jeune âge. Le sport pro est-il appelé à devenir un repaire de "fils de" ? Éléments de réponse.
Un tiers des athlètes français aux JO étaient des "fils de"
En Ligue 1, le taux de "fils de" est assez maigrichon : environ 5% des joueurs ont un parent footballeur. Même proportion en NBA, où on compte 19 "fils de" sur les parquets américains, même s'il s'agit d'un record, note le New York Times (en anglais). Statistique effarante : un fils de joueur de NBA a 55 fois plus de chances de décrocher une place en première division universitaire (l'antichambre de la NBA) qu'un Américain moyen.
Dans d'autres sports, le phénomène est beaucoup plus net. Aux Jeux d'Athènes de 2004, un tiers des Tricolores avaient des parents athlètes de haut niveau, a calculé le sociologue Sébastien Fleuriel. En cricket, ce sont des familles entières qui se sont succédées, batte en main. Prenez les Richardson en cricket : papy Vic a été capitaine de l'équipe d'Australie dans les années 1920, avant que ses petits-fils Greg, Trevor et Ian l'imitent cinquante ans plus tard. Mais parfois les générations se succèdent plus rapidement : lors d'un match de football entre l'Estonie et l'Islande en 1997, Arnor Gudjohnsen sort du terrain à la 70e minute... pour laisser sa place à son fils Eidur, 17 ans. Sans oublier ce cas incroyable en athlétisme, où Irina Lenskiy, 40 ans, et sa fille Olga, 18 ans, composaient la moitié du relais 4x100 m israélien qui devait participer aux championnats d'Europe de Barcelone de 2010.
La voie royale pour le haut niveau
Rien d'étonnant. Avoir des parents sportifs de haut niveau permet de remplir plus facilement les conditions indispensables pour réussir sa carrière. Comme pour les violonistes, les professeurs ou les médecins, où la reproduction sociale est très forte. Et cela s'explique par trois facteurs essentiels.
1) Avoir un capital génétique approprié. S'il n'existe pas, à proprement parler, de "gène du sport", "beaucoup de choses se jouent dans le fœtus, résume le professeur Kevin Norton, spécialiste de la science du sport à l'université d'Australie du Sud dans le Brisbane Times (en anglais). 50 % de la performance est d'origine génétique." Son collègue canadien, Claude Bouchard, explique que certaines capacités, comme celle mieux encaisser un entraînement poussé, proviennent pour moitié des gènes transmis par les parents. Si vous n'êtes pas "bien né", vous pourrez vous entraîner des milliers d'heures sans atteindre les mêmes résultats qu'un fils de champion.
2) S'initier très tôt au sport. C'est plus facile avec des parents mordus de sport, n'est-ce pas Jacques Villeneuve ? "Au lieu de regarder les dessins animés, on allait faire de la motoneige", explique le champion du monde de F1 1997, fils de Gilles, grand pilote des années 1970-1980. Et parfois, Gilles passait le guidon à Jacques, qui n'avait pas 6 ans.
Le skieur américain David Currier, qui a participé aux Jeux de Sapporo au Japon en 1972, a lancé son fils Lyman sur les pistes... à l'âge de 18 mois. "Il adorait piétiner avec ses bottes et ses skis", raconte-t-il au site US Free Skiing (en anglais). Vingt ans plus tard, Lyman a participé aux Jeux de 2014 à Sotchi (Russie) en halfpipe.
3) Bénéficier de mentors pour modeler son développement. "Les données recueillies confirment le rôle central de la famille dans la construction des carrières sportives de haut niveau", écrivent les sociologues Lucie Forté et Christine Mennesson dans leur thèse Réussite athlétique et héritage sportif. Dans la famille Noah, le grand-père footballeur Zacharie n'a pas fait de cadeau à Yannick, tennisman : "J’ai toujours dit à Yannick : 'Tu as des qualités, mais ça ne suffit pas. Il faut travailler et travailler', se souvient, dans Le Point, Zacharie Noah. Yannick m’a vu bosser pour réussir, et il a fait pareil !"
Vous ne trouvez pas qu'il y a un air de famille dans les propos de Joakim Noah, le petit-fils basketteur, au Figaro ? "Papa, on disait de lui : 'Tu as de formidables qualités athlétiques, un service puissant.' Mais on oubliait les séances à 6 heures du mat', avant d'aller à l'école, rappelle le basketteur des Chicago Bulls. Il mettait des chaussettes sur ses mains pour s'entraîner ou faire des footings et lutter contre le froid. J'aime cette histoire, ces histoires. Travailler, j'ai appris ça d'eux."
Yao Ming, champion made in China
Une fois les conditions génétiques réunies, le nom de famille aide grandement à ouvrir les portes ou décrocher des sponsors. La Formule 1 est l'exemple type de la reproduction sociale poussée à l'extrême. Prenez le peloton des années 2000 : Bruno Senna, cousin d'Ayrton, Nelson Piquet Jr, fils de, Nico Rosberg, rejeton du champion du monde 1982 Kéké Rosberg et le pilote français Jules Bianchi, petit-fils de Mauro Bianchi, célèbre pilote d'endurance dans les années 1960. Même après une période de rejet de l'héritage familial, le naturel revient au galop : Axel, le fils d'Eddy Merckx, a d'abord tenté de devenir footballeur... avant d'embrasser une carrière de coureur cycliste, comme son père.
En Chine, la fabrication de sportifs de haut niveau a atteint un autre niveau. Tout commence quand Mao Zedong décide de faire de la Chine une puissance internationale sur le plan sportif. De larges programmes de détection sont lancés, non pas pour dénicher la perle rare, mais plutôt la créer. Le grand-père du basketteur superstar Yao Ming (2,29 m) est repéré à Shanghai. Son fils, Yao Zhiyuan, est incorporé dans diverses équipes de basket sans qu'on lui demande son avis. On le marie à Fang Fengdi, basketteuse elle aussi (1,82 m), et accessoirement capitaine des gardes rouges pendant la révolution culturelle.
"Cela faisait trois générations qu'on attendait Yao Ming", reconnaît Wang Chongguang, un entraîneur de basket de Shanghai dans le New Yorker. L'ancien pivot des Houston Rockets n'est que la partie émergée de l'iceberg d'une politique eugéniste qui ne se cache pas. Heureusement pour l'éthique du sport, ce n'est pas encore au point : la Chine ne produit que des pivots de niveau mondial, des joueurs de grande taille, pas toujours très habiles avec le ballon... ce qui fait qu'elle se rate régulièrement dans les grandes compétitions. Pour l'instant.
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