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Nanterre impose sa philosophie

En s'imposant au buzzer dans la salle de Trabzonspor devant un public turc surchauffé, dimanche en finale de l'Eurochallenge, Nanterre a non seulement ajouté un glorieux chapitre à l'histoire de sa fulgurante ascension, mais les circonstances, l'environnement, et le suspense de ce match, ont élevé cette performance de plusieurs degrés émotionnels qui lui donne une saveur particulière. La JSF a imposé une nouvelle philosophie payante et fait souffler un vent rafraîssant dans le basket français.
Article rédigé par Christian Grégoire
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Pascal Donnadieu (JSF Nanterre) (AHMET DUMANLI / ANADOLU AGENCY)

L'histoire de la JSF a déjà fait le tour du continent: celle d'un petit club parti du plus bas échelon départemental en 1987 pour être sacré 26 ans plus tard champion de France, réussir ensuite un beau parcours en Euroligue, et finalement inscrire son nom au palmarès des coupes européennes en allant chercher l'Eurochallenge avec une énorme détermination, mettant fin à treize années de disette française (dernier titre pour Nancy en 2002 en coupe Korac, ancêtre de l'Eurochallenge). Le tout avec à sa tête la même équipe de dirigeants et le même entraîneur, Pascal Donnadieu, qui en quelques années a hissé Nanterre parmi les clubs qui comptent en France.   

Une ascension fulgurante

Après son titre en 2013, Nanterre avait défendu vaillamment ses chances en Euroligue, avec notamment une victoire à Barcelone qui fera date- puis en Eurocoupe. En 2014, elle a remporté la Coupe de France et atteint la finale de la Leader's Cup. Cette saison l'équipe est encore aux avants-postes en ProA et sa qualification pour les play-offs est acquise. Portée par l'euphorie de cette victoire en Eurochallenge, au cours de laquelle elle a montré ses belles vertus d'engagement et d'abnégation, la formation alto séquanaise peut espérer finir  une nouvelle fois la saison en beauté, avec qui sait, peut-être un deuxième sacre tricolore.

Dans toutes les compétitions, lesquelles restent pour le moins ouvertes, la JSF sait qu'elle peut tirer son épingle du jeu, car elle est aussi performante dans tous les cas de figure, qu'imprévisible sur le plan tactique. Et surtout, elle promène une tranquillité parfois déconcertante qui lui empêche de s'infliger une pression excessive. Et surtout, les garçons de Nanterre, dont beaucoup ont été découverts lors de la montée en puissance du club, bien avant son avènement, demeurent sensibles à l'envie de succès, ils ne sont pas blasés du tout. Ils savent que le travail reste la clé de leurs performances et savent faire preuve de modestie.

"On est dans un club très neuf sur la scène française, concède le coach. On a déjà eu la réussite ou la chance de tout gagner, sauf la Leader's Cup, en peu de temps. C'est un truc extraordinaire" s'émerveille Pascal Donnadieu qui a donné de la moelle a son équipe en insistant sur le fait que toute cette réussite dont il parle est aussi le fruit d'un engagement laborieux des uns et des autres, en invitant ses joueurs, quelle que soit l'événement dans lequel ils sont engagés à se "décomplexer", et ce, même si Nanterre n'est pas considérée, a priori, comme une grosse cylindrée du basket français.

Un état d'esprit "capital"

Avec un budget d'un peu plus de 3,9 millions, l'avant-dernier de la Pro A, loin des 7,3 millions de Villeurbanne, Les Nanterriens continuent à progresser et à surprendre. Ils recrutent malin, savent conserver une ossature, et n'ont pas la pression d'actionnaires trop gourmands. Et ils restent surtout très très sobres dans leur mode de fonctionnement, héritage d'une longue période où, en amateurs, il fallait faire avec des bouts de ficelle. "On part du principe que si on a un euro, on ne dépense pas 1,50 euro". Cette ligne de conduite peut paraître très simple, mais c’est bien celle de Jean Donnadieu, père de l'entraîneur, et président de Nanterre. "La ville nous aide beaucoup, avec une subvention d’un million d’euros...".Le département et la Région mettent aussi un peu la main à la poche, mais pour le reste ce sont des partenaires privés qui ont parfaitement perçu l'intérêt qu'ils pouvaient tirer à soutenir une équipe à laquelle est associée une image positive.

Car dans le fond, le Nanterre d'aujourd'hui n'est pas si éloigné que ça de la JSF que les Donnadieu ont récupéré au plus bas niveau départemental et qui a réussi onze montées en 24 ans. L’état d’esprit, "c’est capital", pour Jean Donnadieu. "Déjà, on respecte les individus. Qu’ils soient américains ou français, ils savent qu’on s’intéresse au basketteur mais aussi à l’homme". Quand les clubs français ont parfois beaucoup de mal à faire travailler leurs recrues estampillées US à plein régime, Nanterre semble immunisé. Le club insiste sur les liens qui doivent exister entre les individus, sur l'aspect humain et sur l'empathie ... Ce que certains joueurs qui ont beaucoup baroudé apprécient en se posant dans un club loin de la pipolisation ou du bling-bling, et loin des coups de sang ou des caprices de pseudo-stars;  c'est aussi ce qui peut expliquer leur solidarité sur le terrain. Tout ce qui est fait pour l'homme autant que pour le joueur, "les gars s'en souviennent", explique Donnadieu. 

C'est déjà ça !

Alors que l'éclatant Paris-Levallois peine à émerger en attendant peut-être une manne supplémentaire des gazodollars du Qatar, de l'autre côté du périphérique, une équipe à l'image de l'histoire de sa ville, discrète et travailleuse, marque son empreinte sur le basket français...et désormais européen. Sans doute que, avec l'évolution économique et l'inévitable course à l'armement de ses concurrents, Nanterre n'aura pas toujours la même réussite. Mais en attendant,les banlieusard ont donné une bonne leçon d'humilité et d'efficacité, Et leurs titres gagnés dans la sueur, la tension et la joie ne s'effaceront pas. C'est déjà ça !. Nanterre est déjà allé plus loin qu'il ne le rêvait sans doute il y a vingt-huit ans de cela. 

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