Edito - NBA : Mamba out, Kobe Bryant s'en est allé
"Si vous me voyez me battre avec un ours, priez pour l’ours". Il y a ceux qui l’ont toujours détesté, sûrement à juste titre, pour son côté arrogant, prétentieux et centré sur lui-même. Mais il y a surtout ceux qui, comme moi, n’ont toujours juré que par le Black Mamba. Ce demi-dieu en pourpre et or, celui qui rend les cernes du matin superficielles en comparaison à la bête sauvage admirée sur les parquets pendant la nuit. Celle qui n’a qu’un seul instinct : tuer ou être tué.
Ce dimanche 26 janvier 2020, Kobe Bryant n’a pas remporté son match contre la tragédie. La superstar des Lakers est décédée dans un crash d’hélicoptère, en Californie, à côté de la ville de Los Angeles. Il était accompagné de sa deuxième fille, Gianna, 13 ans. Il laisse derrière lui son épouse, Vanessa Laine Bryant, et trois autres enfants, Natalia, Bianca et Capri, âgées de 7 mois à 16 ans. Mais aussi, un nombre incalculable d’orphelins de ma génération amoureux de la NBA des années 1990.
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Kobe Bryant était un joueur comme il n’en existe qu’une poignée. Une espèce du genre humain au-dessus des règles universelles, qui permettait de faire croire au commun des mortels que tout était possible. Un homme avec une grâce de félin, pour qui la gravité et les meilleures défenses de la Ligue n’étaient rien d’autre qu’un obstacle à franchir devant une quête bien plus noble encore : marquer l’histoire de son sport. Un homme pour qui rien d’autre ne comptait que la victoire. Et, cette victoire, elle lui allait si bien. Quintuple champion NBA, meilleur joueur de la Ligue en 2008, dix-huit fois all-star, double champion olympique… L’empreinte de Kobe sur le basket restera gravée pour l’éternité. Et ça, personne ne pourra jamais nous l’enlever.
Mais il n’aurait pas écrit sa légende sans ce qu’il est tout au fond de lui : un guerrier. Et c’est aussi cela qui faisait que Kobe Bryant était quelqu’un de si spécial à mes yeux. Choisi en 13e position de la Draft 1996 alors qu’il n’était que lycéen, Kobe a dû travailler, énormément travailler, pour se faire une place dans le panthéon du basket américain. Et c’est en suivant son exemple que des gamins comme celui que j'ai été ont amélioré leurs gammes sur les playgrounds du monde entier. Certains se sont même forgés un caractère rien qu’en l’observant. Lui, son immense talent a fait le reste. Ce fils de basketteur, qui a passé la majorité de son enfance en Italie, et un autre petit bout chez nous, en France, à Mulhouse, n’a pas fait rêver que les enfants de l’Amérique. Car quand on apprend que le Black Mamba a vécu dans son pays à l’âge de 14 ans, tout paraît possible. Pour lui, il n’existait pas de limite.
Comme ce soir de la saison 2003, quand il a attendu de croiser Michael Jordan, son idole de toujours, une toute dernière fois, pour lui planter 55 points dans le museau, et que je n'en croyais pas mes yeux.
Comme ce soir du 22 janvier 2006, quand il inscrivait 81 points face aux Raptors pour définitivement se muer en légende vivante en devenant la deuxième meilleur performeur de l’histoire, derrière les inatteignables 100 unités de Wilt Chamberlain.
Comme ce soir du 13 avril 2013, quand il s’est rompu le tendon d’Achille et qu’il était debout sur la ligne des lancers francs, alors que le temps paraissait suspendu. Le jeune homme que j’étais se tenait l’arrière du pied gauche, rendu douloureux face aux larmes qui commençaient à remplir les yeux de mon idole. Kobe Bryant le savait, à 34 ans, sa carrière était peut-être terminée. Mais pas avant d'enfiler ses deux lancers, comme si c’était les derniers.
Et surtout, comme ce soir du 14 avril 2016, ce tout dernier soir, celui qu’il était impossible de manquer. Soixante points, et mes yeux écarquillés à chaque panier, comme pour m’aider à me souvenir à tout jamais, malgré le brouhaha des 18.000 chanceux présents dans les travées du Staples Center, faisant grésiller le son de ma télé.
Kobe Bryant, c’était tout ça. Un joueur exceptionnel, un homme passionné, un pan de notre jeunesse. Et en ce dimanche soir endeuillé, Kobe Bryant nous a arraché toutes les larmes de notre corps, en nous rappelant qu’il n’était finalement qu’un homme. Et cela, on aura tous beaucoup de mal à l’accepter.
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