Enes Kanter, le joueur de NBA qui se dresse contre la Turquie d'Erdogan
Enes Kanter n’a pas langue dans sa poche. Que ce soit dans les vestiaires, sur ses réseaux sociaux où il est l’un des plus suivis de la NBA, et… quand ça concerne, de près ou de loin, Recep Tayip Erdogan. Le joueur turc a en effet multiplié les sorties critiques à l’égard du président, la dernière en date contre l’opération des Turcs contre les Kurdes de Syrie ce mardi : "C'est une tragédie humaine. Il y a beaucoup d'hommes, de femmes, d'enfants et de bébés innocents qui meurent, a-t-il déploré dans des propos rapportés par l'AFP. J'ai beaucoup d'amis kurdes et ce sont des gens formidables. (Erdogan) est un homme très mauvais. Ce n’est pas pour rien que je l’ai appelé le Hitler de notre siècle". C’est dit sans fard, sans pincettes.
Car Kanter n’est pas épargné par le régime turc, qui sait l’influence que peut avoir une telle icône sportive sur l’opinion publique, notamment chez les jeunes. Son soutien assumé au prédicateur Fethullah Gülen, désigné par Ankara comme l'instigateur d'une tentative de coup d'Etat contre Erdogan en 2016, lui coûte plus que des frayeurs. Aux quatre coins du monde, il affirme être traqué comme un ennemi d’état.
Passeport annulé, peur d’assassinat
Au printemps 2017, Enes Kanter se trouve à Singapour pour un camp d’été. Le basketteur est à l’hôtel quand il est prévenu de l’arrivée imminente de deux policiers. Il prend alors la fuite, Singapour étant l’un des pays « amis » de la Turquie d’Erdogan. Quelle n’est pas sa surprise quand on lui annonce, à l’aéroport de Bucarest, que son passeport turc n’est plus valable. Grâce aux avocats de la NBA et à la pression diplomatique d’un sénateur de l’Oklahoma, Kanter finit par rentrer aux Etats-Unis ; mais l’épisode ne le rassure pas. Il craint de plus en plus pour sa sécurité.
L’apogée de ce scénario de film de guerre froide est atteint début 2019. Enes Kanter annonce qu’il renonce à accompagner son équipe (les New York Knicks) à Londres pour un match délocalisé. La raison fait frémir : "J’en ai parlé avec les dirigeants, c’est malheureux, mais je ne vais pas pouvoir me rendre à Londres à cause de ce maudit président totalement dingue. Si j’y vais, il est possible que je me fasse tuer là-bas. Je préfère rester ici et m’entraîner."
Tombe-t-il dans la paranoïa ? On pourrait le croire. Mais une chose est claire : les autorités turques ne plaisantent pas, et elles l'ont fait savoir. Ankara a demandé à Interpol de le faire arrêter. Kanter risque quatre ans de prison au pays pour avoir insulté à plusieurs reprises Recep Tayip Erdogan sur les réseaux sociaux. Sa réaction est à l'image du bonhomme : "Quatre ans seulement pour tout le mal que j’ai dit ?".
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