Finales NBA : l'un choisi pendant une pub, l'autre ancien sans-abri... La revanche des laissés-pour-compte Nikola Jokic et Jimmy Butler
Sur le papier, c'est forcément moins vendeur. Les Finales NBA, qui débutent vendredi 2 juin, auraient pu proposer un mythique duel Boston Celtics-Los Angeles Lakers, mais les fans devront se contenter d'un Miami Heat-Denver Nuggets de moindre envergure, en tout cas pour ce qui est du prestige. La faute à deux trouble-fêtes en particulier, deux joueurs qui n'ont que faire des audiences télé : Nikola Jokic et Jimmy Butler. Le premier a balayé sans pitié les Californiens de LeBron James (4-0) tandis que le second s'est arraché, comme d'habitude, pour détruire le rêve d'une folle remontée des Celtics (4-3). Focus sur ces deux "underdogs" qui vont tenter de mener leur meute jusqu'au titre suprême.
Nikola Jokic, l'antithèse marketing
Il est le cauchemar des communicants chargés de promouvoir la NBA. Avec son crâne rasé, son sourire qui n'apparaît que lorsqu'il se brûle, sa haute stature martiale, Nikola Jokic rappelle un militaire sur le retour. Déjà pas simple de vendre des posters à son effigie. Si en plus de cela, il évolue dans une franchise à faible potentiel marketing, comme c'est le cas à Denver... Et puis il y a surtout ce jeu tellement atypique, à des années-lumière des arabesques aériennes d'un Ja Morant ou des tirs impossibles d'un Steph Curry qui font rêver les enfants et vendre des maillots. Non, Nikola Jokic, lui, a les pieds cimentés dans le parquet et n'a rien des standards athlétiques a priori requis.
Oui mais voilà, il y a ces mains en or. Celles qui confèrent au pivot serbe un toucher exceptionnel pour un mastodonte de sa taille. Et, pour commander ses doigts de fée, un cerveau qui scanne parfaitement toutes les situations. "Je sais à quel point il est génial. Vous êtes toujours déstabilisé lorsque vous défendez sur lui. Il voit le jeu avant tout le monde. Il n'y a pas beaucoup de joueurs comme ça", admirait même le roi LeBron James après la défaite des siens en finale de conférence contre les Nuggets. À la différence de capacités physiques hors norme ou d'une adresse diabolique à trois points, un "Q.I basket" ne se repère pas facilement. C'est ainsi que le Serbe a traversé la draft 2014 dans l'indifférence quasi générale, voyant même son petit moment de gloire supprimé quand, à l'appel de son nom en 41e position, le diffuseur télé balançait une pub pour une chaîne de restauration tex-mex à la place ! L'ex-joueur du Mega Vizura, en Serbie, n'en a jamais pris ombrage. Patiemment, méthodiquement, il a façonné son jeu pour devenir, aujourd'hui, l'un des meilleurs pivots de l'histoire.
Déjà double MVP en 2021 et 2022, finaliste derrière Joel Embiid cette saison, il est considéré par certains comme l'actuel meilleur joueur du monde. L'omnipotence du "Joker" durant ces playoffs ne fait que confirmer cette thèse : 29,9 points (à 54,4% aux tirs et 47,1% à trois points), 13,2 rebonds, 10,1 passes de moyenne et déjà huit triples-doubles, soit un de plus que l'ancien record de la légende Wilt Chamberlain. Pas de quoi, pourtant, faire ciller le débonnaire géant (2,11m) de 28 ans. Michael Malone, son coach à Denver, peut témoigner de son imperméabilité : "Le succès, l'argent, la célébrité n'ont jamais changé ce type. C'est rare dans ce milieu". Jimmy Butler, son principal adversaire en finale, parviendra-t-il à faire disparaître le Serbe ? Jusqu'à présent, seule une pub pour des tacos y est parvenue...
Butler, la légende de Jimmy
"Son histoire est l'une des plus incroyables que j'ai pu voir durant toute ma carrière dans le monde du basket. Il y a eu tellement de fois dans la vie où il a été poussé vers le bas. À chaque fois, il a remonté la pente. À chaque fois que vous lui parlerez, bien qu'il n'aime pas parler de sa vie privée, vous avez le sentiment que ce gamin a de la grandeur en lui." Ces mots, confiés à ESPN [article en anglais] , sont ceux d'un "General manager" (directeur sportif) qui a préféré rester anonyme. Mais qui, comme beaucoup d'autres dirigeants de franchises NBA, est tombé sous le charme de Jimmy Butler, parti de rien et revenu de tout. À 33 ans, ce Texan pure souche continue de forcer son destin autant que l'admiration de ses pairs. Sa rage de vaincre, et de vivre, en font un modèle pour beaucoup qui voient en ce joueur l'incarnation de la "success story" à l'américaine.
Abandonné par son père dans la banlieue de Houston alors qu'il n'est encore qu'un bébé, il est ensuite chassé de chez lui par sa propre mère alors qu'il n'a que 13 ans. Sans domicile fixe, le jeune Jimmy ère de maisons d'amis en maisons d'amis et rien, à ce moment-là, ne le prédestine à la gloire. Rien, sauf le basket. Butler, à force de manier la balle sur les playgrounds, s'attire une petite réputation. Pas suffisante pour franchir les portes des plus prestigieuses universités mais assez crédible pour forcer celles de la petite fac de Marquette en 2008. Trois saisons plus tard, où, déjà, son tempérament de gagneur a frappé les esprits, il est drafté par les Chicago Bulls en 30e position. L'histoire s'accélère et Butler ne regardera plus dans le rétro.
Dès son arrivée en Floride en 2020, après un passage à Minnesota puis Philadelphie, l'ailier pose sa patte. Au Heat, il va trouver une équipe qui fusionne parfaitement avec son refus viscéral de la défaite et son éthique de bosseur invétéré.
De bon joueur en saison régulière, il devient monstrueux en playoffs et emmène directement le Heat en finales NBA. Face aux Lakers, cela ne suffira pas mais "Jimmy Buckets", pour sa propension à enchaîner les paniers décisifs, est un obstiné. Même entouré de coéquipiers sans réel pedigree, il est redevenu, cette saison, cette locomotive qui tire tout un collectif vers le haut. Et rien de mieux que le Heat, avec trois joueurs majeurs non-draftés, soit entrés par la petite porte dans la ligue, pour l'accompagner.
"Je vous le dis, on ne va pas laisser tomber. Je ne vais laisser personne abandonner. Je ne vais pas laisser nos gars abandonner. Peu importe ce qui se passe, on va aller là-bas et y gagner !", avait-il éructé après le retour de Boston à 3-3 en finale de conférence Est. Il a tenu parole et désormais un seul but l'obsède : faire du Heat le premier club de l'histoire à remporter les Finales NBA en étant tête de série numéro 8. Un rôle de challenger qui lui convient parfaitement : il l'a été toute sa vie.
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