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Kyle Korver, le shoot au rang d’art

En rentrant plus d’un tir à trois-points sur deux (53,6%) et plus de neuf lancers-francs sur dix (92,2%) depuis la reprise, Kyle Korver est en train de réussir la plus belle saison au shoot jamais vue en NBA. Personnage discret et atypique, le sniper de 33 ans, ex-joueur de complément unidimensionnel, est devenu une pièce maîtresse de l’attaque des Hawks, qui caracolent en tête de la conférence Est. Portrait.
Article rédigé par franceinfo
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Trois défenseurs pour un shooteur, Kyle Korver (NATHANIEL S. BUTLER / NBAE / GETTY IMAGES)

Kyle Korver ne doute jamais de lui. "C’est dans la tête, explique-t-il. Il faut trouver un bon compromis entre la confiance et l’arrogance". En 1998, il est l’un des meilleurs lycéens du pays quand il est invité à Las Vegas pour jouer devant un parterre de coaches NCAA. Il n’a pas encore trouvé d’université, et sait qu’il n’a pas le droit au faux pas s’il veut s’assurer un avenir de basketteur pro. Pour ses débuts, il plante six trois-points. Puis cinq au match suivant. Greg Grensing, l’assistant de Creighton University, tombe sous le charme. "Ce n’était ni le plus rapide, ni le meilleur athlète, se souvient-il. Mais le gamin savait shooter". Quatre ans plus tard, il était drafté en toute fin de second tour par les Nets, puis envoyé à Philadelphie. Avec l’argent de son transfert, la franchise du New Jersey s’était offert… un nouveau photocopieur. Même là, Korver n’a pas douté. "Quand j’avais dix ans, je me prenais déjà pour un shooteur incroyable", assure-t-il à FoxSports. C’est dans la tête.

50-50-90

Onze ans plus tard, sa ligne statistique (13,2 points, 4,2 rebonds et 2,9 passes de moyenne en 33 minutes) vaut bien une imprimante, mais ce n’est pas celle d’un All-Star. Shabazz Muhammad (Minnesota), Avery Bradley (Boston) ou encore le Français Evan Fournier (Orlando) sont les joueurs qui, dans les chiffres, se rapprochent le plus du shooteur d’Atlanta. Ce sont des role players. Des bons remplaçants. Kyle Korver, lui, est en train de marquer l’histoire.

L’an passé déjà, il avait battu le nombre de matches consécutifs avec au moins un shoot à trois-points marqué. Dana Barros en avait réussi 89 ; Korver avait poussé la barre jusqu’à 127. Cette saison, il est encore plus inarrêtable. Le shooteur d’Atlanta est parti pour devenir le deuxième joueur, après Steve Kerr en 1995-96, à afficher une adresse globale supérieure à 50%, dont plus de 50% de réussite à trois-points, et plus de 90% sur la ligne des lancers-francs. Le club des 50-50-90 est un mythe, plus encore que celui, déjà très prestigieux, des 50-40-90 qui ne compte que six membres, et quels membres : Larry Bird, Kevin Durant, Dirk Nowitzki, Steve Nash, Reggie Miller et Mark Price.

On reste dans les chiffres ? Dans le quatrième quart-temps et en prolongation, depuis la reprise, Korver élève encore son niveau de jeu d’un cran et shoote à 69%. Le plus fou ? Dans les cinq dernières minutes des matches serrés (moins de cinq points d’écart), il tire à 93% cette saison. Un total d’autant plus ahurissant que le Hawk prend des tirs compliqués (plus de sept shoots sur dix sont déclenchés à plus de 7,25m du panier), souvent contestés, et que son dauphin dans la catégorie, Anthony Davis, n’est "qu’à" 76%. Encore un ? Au true shooting percentage (le pourcentage "réel"), calcul qui valorise  les shoots longue distance, Korver est à 72,6% de réussite. Soit la plus belle adresse jamais vue en NBA, devant des pivots comme Wilt Chamberlain qui passaient une bonne partie de leur temps à dunker.

"Quand je m'entraîne, je préfère manquer mes shoots"

A 33 ans, après avoir subi de nombreux pépins physiques aux genoux, Korver estime qu’il est d’ailleurs dans la meilleure forme physique de sa vie. Aux shootarounds, quand la plupart des joueurs se contentent d’enquiller les tirs, immobiles, pour chauffer le poignet avant les rencontres, Kyle Korver shoote moins, mais mieux : de gros sprints et des jump shots hauts et rapides pour recréer les conditions de jeu. Afin d’améliorer sa détente et de finir son geste plus haut que le défenseur, il concentre son travail physique sur les ischios et les mollets, qu’il muscle en poussant, à raison de deux séances hebdomadaires de trois quarts d’heure, des poids de plus de 130 kilos. Il termine tous ses entraînements matinaux les genoux enveloppés dans des poches de glace. "Sa préparation est hors-norme, se félicite son coach, Mike Budenholzer, disciple de Gregg Popovich passé maître dans l’art de rentabiliser les qualités des bons shooteurs. C’est un vrai pro, un perfectionniste".

Son shoot est sublime : haut, rapide, équilibré, même s’il dégaine moins vite qu’un Stephen Curry et que la trajectoire de sa balle est bien moins élevée que celle d’un Dirk Nowitzki. En vérité, il accorde moins d’importance au geste lui-même qu’à son inlassable répétition. Quand Dirk l’esthète a passé des années à rechercher avec Holger Geschwindner, son coach personnel, les propriétés du shoot parfait, Korver s’est contenté de trouver la mécanique de tir avec laquelle il se sentait à l’aise, puis de l’appliquer à satiété. "Peu importe l’apparence, explique-t-il à USA Today. Les meilleurs shooteurs de l’histoire n’avaient pas tous des tirs parfaits. Ce qui compte, c’est de pouvoir répliquer le même geste, chaque soir". Il souligne aussi l’importance des ratés. "Quand je m’entraîne, je préfère manquer mes shoots. Si je les rentre et que je trouve mon rythme dès l’échauffement, il est rare que je le retrouve en match".

Iverson lui a appris à shooter de loin en contre-attaque

Si Danny Ferry, le manager de la franchise, l’a recruté en 2012, c’est parce qu’il a senti que le garçon était capable de contribuer des deux côtés du terrain. Contrairement aux apparences, Korver ne fait pas que shooter. Ce qui était le cas lorsqu’il jouait à Philadelphie et à Utah ne l’est plus aujourd’hui à Atlanta, où il pose des écrans, étire les défenses, trouve ses coéquipiers (3 passes décisives en moyenne, record en carrière) et réalise un travail sous-estimé au rebond. Il est même devenu un défenseur plus que convenable, sans quoi les Hawks ne formeraient pas le collectif le plus pot-de-colle de la ligue (96,3 points encaissés par match, meilleure défense NBA). 

Kyle Korver ne sait pas créer son shoot comme Damian Lillard, James Harden ou Stephen Curry. Il n’attaque quasiment jamais le panier, dribble peu et doit se reposer sur ses qualités au démarquage et sur la fluidité du jeu offensif collectif pour trouver les bonnes positions. En cela, il n’hésite jamais à allumer derrière l’arc quand les Hawks jouent en transition, parfois même en contre-attaque. "J’ai commencé à prendre ces tirs à Philadelphie, avec Allen Iverson, précise-t-il. C’était instinctif". Mais rarement couronné de succès : avec les 76ers, en cinq saisons, il n’a jamais shooté à plus de 43% longue distance. Cette saison, lorsqu'il affronte Jeff Teague à l'entraînement, il lui arrive de frôler le 90/100 à trois-points. "Il a tellement progressé, admire Paul Millsap, qui avant Atlanta l’avait déjà côtoyé à Utah. Il avait l’habitude de rester dans le corner et de ne pas en bouger. Il a pris une toute autre dimension". 

Brad Stevens, le coach de Boston, peut difficilement le contredire. Début décembre, Korver a enfilé 24 points face à ses Celtics, à 8/9 aux shoots, dont 6/7 à trois points. "Il ne met peut-être que 13 points de moyenne, mais on est obligé de le défendre sur lui comme s’il tournait à 30 points par match", se désolait le jeune technicien. Pourquoi ? "Parce que sinon, il en mettrait vraiment 30 chaque soir".

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