Le ridicule n'a pas (encore) tué les Philadelphie 76ers
Les jeunes 76ers ont dansé, chanté et fêté leur succès avec une fraîcheur rare. Certains d’entre eux n’avaient encore jamais gagné le moindre match en NBA. Alors, ils ont dignement savouré ce moment, conscients que cette victoire, aussi courte et laborieuse fut-elle, porte une valeur symbolique particulière : elle évite à la franchise de Philadelphie d’égaler la pire entame de saison de l’histoire de la ligue. En 2010, les Nets avaient enchaîné 18 défaites de rang. Les Sixers se sont arrêtés à 17. "En rentrant dans le vestiaire, j’étais fier de les voir ainsi, soudés, heureux, s’est félicité leur coach, Brett Brown, qui fêtait sa 20e victoire seulement en 100 rencontres à la tête de la franchise. Ces derniers matches, nous n’étions jamais passés loin".
Ce n’est jamais passé tout près non plus : les 76ers n’avaient plus gagné depuis 231 jours. Leurs 17 déconvenues s’étaient terminées sur un écart négatif moyen de 15 points. En 816 minutes passées sur les parquets NBA depuis la reprise, ils n’avaient mené de plus de dix points que pendant 4 toutes petites minutes (et s’étaient fait rattraper). Ils possédaient (et possèdent toujours) l’avant-dernière attaque, l’avant dernière réussite aux shoots, la pire adresse à trois-points et aux lancers-francs de la ligue. Ils perdent presque autant de balles (18,5) qu’ils ne font de passes décisives (20,5). La nuit passée, contre les Wolves, ils n’ont shooté qu’à 39%, n’ont marqué que neuf petits points dans le 2e quart-temps. Mais ils ont gagné. Ils ne rentreront pas dans l’histoire de la NBA par la mauvaise porte. Pas tout de suite.
Le plus jeune effectif jamais vu en NBA
Car d’ici la fin de la saison, en avril, Philadelphie pourrait vraisemblablement afficher le pire bilan jamais vu dans la ligue nord-américaine. Lors d’une saison écourtée par le lockout, en 2012, les Bobcats n’avaient gagné que 7 de leurs 66 matches. Sur une saison pleine (82 rencontres), ce sont les 76ers, déjà, qui possèdent le plus triste bilan avec 9 succès seulement pour 73 revers. Les Sixers, version 2014-15, ont tout pour faire pire qu’il y a quarante ans.
La franchise possède le plus jeune effectif jamais vu en NBA (23,4 ans), largué en attaque et brouillon en défense. Sa star, Michael Carter-Williams, est un sophomore de 23 ans. Son lieutenant, Tony Wroten, n’en a que 21 : il est le meilleur marqueur et le meilleur passeur de la franchise, alors qu’il ne serait probablement pas titulaire dans la plupart des autres équipes de la ligue. Son meilleur choix de draft en 2014, Joel Embiid, est blessé. Celui de la loterie 2013, Nerlens Noel, est encore un peu rouillé après une saison sur la touche. Autour de ce noyau dur ? Rien. Une flopée d’inconnus, de joueurs issue de la ligue de développement, de contrats de dix jours, de joueurs de bout de banc. Robert Covington est l’un d’entre eux : non-drafté en 2013, il a rejoint Philadelphie il y a deux semaines après avoir végété plus d’un an en D-League. La nuit passée, pour le 16e match NBA de sa carrière, c’est pourtant lui qui a planté le shoot de la gagne à une minute du buzzer.
Les rois du sabordage
Les dirigeants ne se sont pas mis dans une telle situation par hasard. Il y a un côté parfaitement volontaire dans ce sabordage insensé qui consiste à ne signer que des jeunes joueurs , à donner du temps de jeu aux remplaçants et à dilapider le moins d’argent possible, sans chercher à rester concurrentiel sur le plan sportif. C’est la stratégie du "tanking" qui va leur permettre, à long terme, de construire un effectif autour de solides choix de Draft (Carter-Williams, Noel et Embiid sont en ce sens intouchables), trouver si possible la perle rare, et avoir, d’ici trois, quatre ou cinq ans, un véritable candidat au titre. Cela a fonctionné avec Oklahoma City, qui est devenu l’une des très grosses armadas de la ligue sans passer par la case transfert : Kevin Durant, Russell Westbrook, Serge Ibaka, James Harden, ont tous été draftés par le Thunder. Dans cette optique, les 76ers n’ont pas hésité cette année à sélectionner le Croate Dario Saric (20 ans), le jeune européen le plus prometteur de sa génération… en sachant pertinemment qu’il resterait ne rejoindrait pas la grande ligue avant 2016, au plus tôt.
Pour Brett Brown et ses joueurs, ce n’est donc plus qu’une question de fierté, désormais. La reconstruction de la franchise est beaucoup trop drastique pour qu’ils puissent espérer accrocher le wagon des playoffs cette saison. Il s’agira simplement de limiter les dégâts avec les moyens du bord, c'est-à-dire pas grand-chose, et de se montrer patient. Très patient.
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