NBA : L'heure de la réforme a sonné
Fin des finales de conférence, tournoi de mi-saison, barrages pour les derniers spots en Playoffs, allègement du calendrier… Une véritable météorite est sur le point de s’écraser sur la planète NBA. Depuis qu’Adam Silver s’est assis sur son trône en 2014, le basket américain tend à faire peau neuve. La nomination de l'ancien avocat de 57 ans à la tête de la plus célèbre Ligue de basket au monde a mis fin à une ère traditionaliste symbolisée par le dinosaure David Stern, resté en poste pendant trente longues années. Comment ? En abattant peu à peu certains piliers que l’on pensait immuables. Une bonne chose pour George Eddy, qui trouve que "la NBA va dans la bonne direction". La bonne, peut-être, mais qu’est-ce qui va réellement changer dans la vie de LeBron James et compagnie ?
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La NBA, qui a engagé des discussions avec le syndicat des joueurs (NBPA) et les principaux diffuseurs américains (TNT et ESPN), s’agite depuis plusieurs mois pour donner un nouvel élan à l’un des sports rois outre-Atlantique, de plus en plus boudé et mis de côté par ses habitants pour le football américain (NFL) ou le baseball (MLB). Pour rebooster l'engouement généré par leur machine, l'idée des décisionnaires de la NBA est aussi simple sur le papier que compliquée à mettre en place : organiser une série de réformes en vue de la saison 2021-2022, date à laquelle la Ligue soufflera ses 75 bougies.
La mort des finales de conférence
Première mesure envisagée, la plus draconienne : changer le fonctionnement des Playoffs à partir des demi-finales. Actuellement, les phases finales du championnat se jouent entre les huit meilleures équipes de chaque conférence, s’affrontant sur des séries au meilleur des sept matches, et ce jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une seule à l’Est et une à l’Ouest, qui se retrouvent pour une ultime joute lors de la finale NBA.
Dans cette nouvelle formule, les finales comme nous les avons toujours connues disparaîtront pour laisser place à un Final Four calqué sur l’Euroligue, le championnat européen. Les quatre dernières équipes en lice - deux à l’Est et deux à l’Ouest - seraient alors mixées selon leur bilan de saison régulière et s’affronteront, toujours au meilleur des sept matches, jusqu’à soulever le tant convoité trophée Larry O’Brien. Ainsi, l'ultime épisode de la saison NBA pourrait donner une affiche opposant les deux équipes de Los Angeles. "De quoi booster l’intérêt des fans, donc les audiences et l’argent généré", éclaire Jon Lewis, analyste des audiences sportives américaines pour SportsMediaWatch.
L’argent roi de la Ligue reine
Nous y voilà. Booster les revenus, le coeur du problème. Comme toute grande entreprise – la NBA est une Ligue privée -, le principal intérêt des dirigeants est d’engranger des profits. Problème : la Ligue perd de plus en plus d’adeptes. La faute à "une nouvelle génération qui consomme le basket différemment depuis internet et les réseaux sociaux", comme l'explique George Eddy. Sur ce point, la voix de la NBA en France est rejoint par Adam Silver, qui pense que "les téléspectateurs utilisent des appareils plus petits qu’avant et ont l'attention qui change rapidement". Une cause générationnelle, donc. Mais pas que.
En comparant les audiences américaines à ce qu’il s’est concrètement passé sur les parquets, un fait a sauté aux yeux de Jon Lewis : "les téléspectateurs se sont détournés de la NBA à la fin du règne du Heat de Miami, en 2014". Le retour de LeBron James à Cleveland, mettant fin à quatre finales consécutives en plus de son spectaculaire duo avec Dwyane Wade, a eu un poids beaucoup plus important que le simple fait sportif. La domination des Warriors qui a suivi, avec Stephen Curry, Klay Thompson, Kevin Durant et Draymond Green comme monstre à quatre têtes des Golden State Warriors, n’a apparemment pas eu les mêmes conséquences dans le cœur des supporters, qui, comme Antoine, jeune passionné de 21 ans, ont "arrêté de regarder les matches car le dénouement était déjà écrit".
Des propos qui sonnent comme une vérité générale, et SportsMediaWatch n'a pas eu de mal à vérifier numériquement : "la domination des Warriors a définitivement affecté le nombre de fans de NBA, qui mettront beaucoup de temps à s'acclimater à son nouveau paysage". La Ligue a donc décidé d’agir pour les y aider.
Il faut dire qu'après neuf matches sur les trente premiers de la saison diffusés en Prime Time avec moins d’un million de personnes devant leur poste de télévision, TNT et ESPN, les deux superpuissances télévisuelles de la NBA, ont décidé de taper du poing sur la table. A titre de comparaison, cela n’était arrivé que 19 fois lors de toute la saison dernière. Oui, les téléspectateurs fuient de plus en plus la NBA. Prenons comme exemple la nuit du 21 au 22 novembre. Une fois les audiences des deux diffuseurs cumulés, seulement 1,45 million d'Américains étaient devant leur téléviseur, contre 1,75 millions la saison dernière à la même époque. Soit une chute de 18%. La faute à des affiches décevantes ? Tout le contraire : les grosses cylindrées étaient de sorties, avec des matches comme Spurs - Sixers, Lakers - Thunder, Celtics - Nuggets ou encore Rockets - Clippers, soit la majorité des favoris à la victoire finale.
Calendrier allégé et exemple du foot européen
Pour rapatrier tout ce petit monde à leur cause, NBA et diffuseurs ont travaillé main dans la main pour frapper un grand coup. Et quoi de mieux qu'une refonte en profondeur pour y arriver ? Cela, Adam Silver en a bien conscience : "le format actuel a 50 ans, il n’a plus rien de magique pour personne". Outre la réforme des Playoffs que nous avons déjà évoquée, la Ligue songe également à baisser de 82 à 78 le nombre de rencontres de saison régulière. Ce qui n’est "pas assez pour réduire la cadence infernale subie par les joueurs" pour George Eddy, qui aimerait que la Ligue mette au centre de toutes ses décisions "la santé des joueurs en plus de la justice sportive". Mais la NBA, à son rythme, avance tout de même dans une direction.
Le troisième chantier consiste à instaurer un mini-tournoi impliquant l'ensemble des trente franchises en plein milieu de la saison, possiblement en remplacement du All-Star Game, qui n’amuse plus personne. Cette deuxième compétition souhaitée par le patron de la NBA en personne prend pour modèle le football européen, où les clubs disputent une coupe nationale en marge de leur championnat. Les qualifications se dérouleraient dans le cadre de la saison régulière. Au bout d’un certain nombre de rencontres, le premier de chacune des six divisions (chaque conférence est scindée en trois divisions), ainsi que les deux meilleurs deuxièmes, se retrouveraient pour un tournoi à élimination directe avec comme carotte… un million de dollars dans la poche de chaque joueur de l'équipe victorieuse. Une nouveauté qui n’est pas tout à fait au goût de George Eddy, qui aurait "préféré voir une sorte de Coupe du monde des clubs avec des équipes d’Euroligue et de NBA". Visionnaire, George ? L'avenir nous le dira, mais la délocalisation de plusieurs matches en Europe peut aller en ce sens.
Quoi qu’il en soit, une des clés de la réussite de ce chemin qui s'annonce déjà sinueux est évidemment l’argent. La Ligue, qui a réalisé 7,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2018, devra s’assurer que les franchises et les joueurs en retirent eux aussi d’importants bénéfices. La NBA espère pouvoir procéder à un vote lors de son conseil d’administration prévu en avril, afin d’entériner ces changements qu’elle aimerait voir appliqués lors de la saison 2021-2022. Alors oui, nous avons-là une réelle révolution. Et nous avons hâte d'y assister.
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