Amer sur la saison blanche décrétée dans le basket français, le président de Blois Paul Seignolle estime que "le sport ne va pas en sortir grandi"
Comment vous êtes vous réveillé ce matin après le vote d’une saison blanche lors de l’AG de la LNB qui vous prive d’une possible accession en Jeep Elite ?
Paul Seignolle : « Mon sommeil a été agité. Il y a une fois de plus. J’ai beaucoup d’amertume. Ce n’est pas du tout la même déception qu’il y a deux ans lorsque nous avions été champions de France. Là j’ai beaucoup d’amertume compte tenu du fait que la résolution qui a été votée est la pire car un certain nombre de votants n’ont pas tenu compte que ce ne sont pas les votes qui font le sportif et que les principaux acteurs n’ont pas été reconnus. J’ai un petit peu honte de mes paires aujourd’hui. On a été de petits présidents à tous les niveaux en votant ce type de résolution sachant que la résolution N.9, qui est la dernière, a été adoptée à 82,5 %. Elle dit, ce qui s’est passé ne doit plus se reproduire et que désormais on tienne compte du sportif. Je me suis abstenu car c’était incohérent. »
Il aurait fallu voter cette résolution avant…
PS : « Exactement. Mais vous savez, on est dans un système, dans une ligue nationale de basket qui verrouille tout et qui veut arriver à ses fins en nous faisant avaler de grosses couleuvres. Je suis écoeuré, dégoûté. Moi, je continuerai à me regarder droit dans une glace. Est-ce que tout le monde pourra le faire ? Pas sûr. Quand je vois le président de Poitiers (Louis Bordonneau), qui représente les équipes de ProB au niveau du comité directeur, on peut comprendre qu’il ait voté pour une saison blanche et à sa place j’aurai surement fait pareil mais qu’il s’exprime publiquement dans certains médias je trouve çà indécent par rapport autres clubs de sa division qui ont été bien plus performants. Il a été très mauvais dans la gestion de son club. Il faut qu’il assume son incompétence. »
Vous comprenez que certains aient voté dans l’intérêt de leur club en mettant de côté l'aspect sportif ?
PS : « Tout le monde a voté dans l’intérêt de son club. J’avais proposé lors d’une visioconférence le 23 avril à mes pairs qu’on passe à 20 clubs lorsque nous avions une fenêtre de tir. Je voulais qu’on donne plus de visibilité au basket de territoires. Essayons d’oublier nos clubs. On n’a pas été capable de le faire. Si j’avais été à la place de Poitiers, j’aura voté comme ils l’ont fait mais je ne me serais pas exprimé car c’est irrespectueux par rapport aux 16 clubs qui ont été plus performants. »
"on m’a fait comprendre que ça serait bien que le président de Blois ne prenne pas trop position car un jour ou l’autre ça pourrait servir son club"
Vous étiez pour quelle proposition ?
PS : « Il y avait quatre options. On aurait obtenu les 2-3 (passage à 20 clubs et maintient à 18 clubs mais avec des montées et des descentes), ça aurait été très bien pour Blois car on montait. L’option 4 (fusion de la saison en cours et la prochaine, ndlr), qui reconnaissait la performance sportive puisqu’on repartait en début de saison avec les points acquis, j’aurai été beaucoup moins amer. Là où je suis amer et écoeuré, c’est que tout ce qui a été fait sur le terrain, on n’a pas été capable de le reconnaître. Le foot l’a fait, le hand l’a fait, le volley l’a reconnu. On est la seule ligue nationale à dire que ce que les joueurs ont fait ne compte pas (le rugby professionnel a aussi opté pour une saison blanche, ndlr). Le sport ne va pas en sortir grandi. Je respect ce vote mais là où je suis un président remonté, c’est qu’il y a une quinzaine de jours, on m’a fait comprendre que ça serait bien que le président de Blois ne prenne pas trop position car un jour ou l’autre ça pourrait servir son club. Je trouve ça encore plus scandaleux. Il y a des gens dans le basket français qui n’ont pas trop de morale. Je reprends les propos d’un grand monsieur du basket français Jacques Monclar, c’est la république des copains et des coquins. Il faut savoir que dans le basket il y a des copains et des coquins. »
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"Bon et con, ça ne rime pas"
Vous avez le sentiment d’être à part dans le milieu du basket, de gêner ?
PS : « J’ai échangé pas plus tard qu’hier avec le président d’Evreux (Patrick Roussel) qui me connaît peu et il m’a dit : « Paul tu déranges dans le milieu du basket ». Oui je dérange. On m’a beaucoup sollicité pour que je monte au créneau. Je l’ai fait à plusieurs reprises. En février 2018 j’ai réussi à faire renégocier l’accord Agirc-Arcco qui a fait gagner au basket français sur quatre années glissantes 2,5 millions d’euros de trésorerie. Mais je dérange parce que je dis ce que je pense. Un certain nombre de représentants du basket français veulent se garder des prés carrés. Ils sont accrochés à leur fauteuil parce qu’ils ont besoin de briller, d’être en haut de l’affiche. Moi je fais pour les autres. Au niveau du basket français, je ne le ferai plus. Bon et con, ça ne rime pas. »
N'y a-t-il pas de découragement à voir l’élite se refuser à vous à nouveau ?
PS : « J’ai été découragé pendant une heure hier avec Julien Monclar et mon coach. Je me suis des grandes claques dans la gueule devant la glace. « Non Paul tu n’a pas le droit vis-à-vis de ces gens-là de baisser les bras. » Finalement c’est tout ce qu’ils attendent. Et quand je vois le tweet de Jacques Monclar, il ne dit que des vérités, pas seulement parce que c’est le père de Julien et Benjamin. Quand vous leur dites des vérités à ces gens-là, ça les blesse, mais on continuera à leur dire. La route devra tourner. Quand on voit comment on traite le diffuseur RMC, si on voulait perdre du public on ne ferait pas mieux. C’est purement scandaleux ! On ne peut pas en 2020, avec ce qu’on a vécu, continuer comme avant. Même le président de Monaco dit qu’il y a des injustices. »
"Je leur fais confiance car ce sont des gens plein de ressources et de magouilles."
Comment votre groupe a accueilli la nouvelle ?
PS : « Je me suis exprimé devant eux ce matin. Je leur ai dit que j’étais surtout déçu pour eux. Moi aujourd'hui je n’ai plus rien à prouver. Blois fait parler de lui depuis 6 ans à travers ses performances et la structuration de son club. Dès notre deuxième année en Pro B on a eu le label bronze. Le club est bien structuré, il est sain. Je m’appuie sur un binôme Julien Monclar (directeur sportif depuis 11 ans) et Mickaël Hay (entraîneur depuis 7 ans). Peu de clubs peuvent avoir ce type de personnes hyper compétentes dans leur entourage aussi longtemps. Ça veut dire que les fondamentaux sont bons. Ces gens d’une très grande valeur auraient pu partir ailleurs. Les joueurs se sont exprimés. Certains vont malheureusement nous quitter. J’ai une pensée particulière pour Benjamin Monclar et Tyren Johnson qui en trois ans se sont un peu fait « voler ». Il y a deux ans on n’était visiblement pas dans les clous. Dont acte. Mais cette fois-ci, on ne peut pas dire que les sportifs n’ont pas été bons. Ils ont été très très bons. Il faut accepter mais la pilule est dure à avaler. J’ai pu heureusement traverser le Covid-19 en ayant échappé à cette saloperie. Si les gens de la LNB pensaient que ça m’aurait affaibli, je peux les rassurer, ça m’a réconforté et surmotivé. Plus combatif que jamais. Je suis sûr que le travail que l’on fait paiera un jour ou l’autre. A moins qu’ils ne trouvent une fois de plus un artifice pendant la prochaine saison pour nous empêcher, dans le cas où le sportif ferait très bien son travail, de monter. Je leur fais confiance car ce sont des gens plein de ressources et de magouilles. »
Comment allez-vous rebondir ? Allez-vous intenter une action juridique ?
PS : « On a vécu une crise sanitaire considérable. Une bataille juridique serait déplacée. Je suis droit dans mes baskets. J’ai ma conscience. Est-ce qu’eux ont la leur ? Je n’en suis pas sûr. Il y a tellement de gens dans la souffrance, dans la douleur. Vis-à-vis de mes abonnés, de mes partenaires, j’ai été classe. Je leur ai proposé un remboursement. Là encore un certain nombre de président m’ont dit « Paul ne communique pas ça, tu vas nous mettre le bordel dans nos clubs ». Je m’excuse mais on fait partie de la vie économique d’une ville qui s’appelle Blois et c'était la moindre des choses pour des gens qui sont parfois au chômage partiel de pouvoir bénéficier d’une partie du remboursement de leur abonnement. Je pense avoir une morale. Est-ce que eux l’ont ? Peut-être mais on ne doit pas avoir la même définition de ce mot. Je vais repartir marcher sur la route de St-Jacques de Compostelle que je fais chaque année. Un certain nombre de présidents qui m’ont tenu des propos et n’ont pas respecté leur parole me permettront d’avoir des sujets de méditation. »
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