Cet article date de plus de trois ans.

Droits TV : Qu'est-ce que DAZN, le "Netflix du Sport" ?

Alors que le football français attend désespérément un sauveur après la faillite de Mediapro, les rumeurs vont bon train sur de possibles repreneurs. Si Canal+ est l’immense favori, d’autres acteurs pourraient tirer leur épingle du jeu. Parmi eux : DAZN. 
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
  (TOM WELLER / DPA)

Au premier abord, le sigle "DAZN" laisse perplexe, ne serait-ce que pour sa prononciation. Elle est pourtant simple : appelez-le "Da Zone". Et autant s’habituer rapidement à prononcer correctement ce nom, car les amateurs de sports risquent d’en entendre parler de plus en plus en souvent, et peut-être plutôt que prévu. D’ailleurs, dans certains pays comme le Canada, l’Allemagne ou l’Italie, il fait déjà partie des meubles depuis plusieurs mois, voire années. Mais alors, qu’est-ce que DAZN ?

Des rings aux stades de Bundesliga

Pour mettre un visage sur ces quatre lettres énigmatiques, on utilise souvent une comparaison flatteuse : DAZN, c’est le Netflix du sport. Ou du moins : le principal prétendant à ce statut. Créée au Royaume-Uni en 2016, il s’agit d’une plateforme de streaming (ou OTT), type Netflix, Disney+ ou Amazon Prime. Mais à la différence de ces dernières, DAZN diffuse uniquement du sport, en se focalisant d’abord sur la boxe pour se faire connaître. Une idée née dans l’esprit d’un homme d’affaires britannique : Len Blavatnik, notamment actionnaire de Warner Music ou Deezer. Petit détail qui a son importance : DAZN a été créée par la société Perform, une entreprise britannique spécialisée dans la production de contenus sportifs. 

Sur le papier, on peut donc parler de Netflix du sport. En pratique, Pierre Maes, spécialiste de l’univers télévisuel du sport, nuance : "En vérité, il n’y a rien de nouveau : il s’agit juste d’une télé à péage sur le sport qui retransmet des compétitions. La seule différence, c’est qu’ils ne passent pas par un opérateur pour être diffusé, mais qu’ils ont créé leur propre plateforme". Et l’auteur du livre Le business des droits TV du foot (éditions FYP) d’ajouter : "DAZN s’est positionné ainsi parce que le mot 'Netflix' était très à la mode. Mais aujourd’hui, même Netflix signe des accords avec des diffuseurs comme Canal+. D’ailleurs, les plateformes de streaming tirent plus de 60% de leurs revenus de clients abonnés via des opérateurs TV".

Plus qu’une plateforme de streaming, DAZN ne renie donc pas l’ancien modèle télévisuel pour se développer. La preuve, en Allemagne, où la marque est désormais bien implantée, DAZN vient de demander une licence pour créer deux chaînes de télévision classiques. "Ce qui prouve qu’on ne peut pas les opposer à ce modèle, puisqu’ils l’adoptent. Ils sont obligés pour attirer des consommateurs. Être uniquement sur internet, ce n’est pas suffisant", analyse Pierre Maes. D’autant que, comme Netflix, DAZN fonctionne avec des abonnements sans engagements.

Ce qui fragilise son modèle économique, comme lors du premier confinement qui avait vu l’arrêt de toutes les compétitions. "Ils en ont beaucoup souffert. Et avant même cette crise, ils cherchaient des financements. La vérité, c’est que DAZN est une société fragile aujourd’hui", analyse le spécialiste. Avec un abonnement fixé à 1,99€ par mois en France en raison du manque de contenus (combats de boxe et documentaires), DAZN est pour l’instant plus qu’abordable un mois après son lancement dans l’Hexagone. Mais ce tarif est susceptible d’évoluer selon le catalogue proposé, et varie à l’étranger entre 10 et 20 dollars mensuels. 

Une ambition internationale

Affaibli par la crise sanitaire, et bien que souvent présenté comme un géant de demain dans la diffusion sportive, DAZN n’en reste pas moins un nouveau venu dans un secteur extrêmement concurrentiel. Difficile donc de se faire une place et de décrocher les droits TV des grandes compétitions, ce qui explique que DAZN y aille petit à petit, après avoir fait son trou via la boxe. Mais l’appétit vient en mangeant, et pour s’étendre, la plateforme OTT 100% sport a lancé une phase d’expansion mondiale. De 10 pays fin 2020 (dont la France depuis le 1er décembre), la firme veut grimper à 200 à terme.

"Ça arrangerait bien Canal+ d’avoir un challenger comme DAZN"

"Ça ressemble plus à une opération de com’ qu’à une vision stratégique", explique Pierre Maes, qui développe : "DAZN voulait s’implanter aux Etats-Unis, mais ne pouvait pas discuter les contrats des sports comme la NBA ou la NFL, qui sont sur des durées plus longues qu’en Europe. Ils se sont donc tournés vers la boxe. Or, ils ont signé un contrat difficile à rentabiliser avec un promoteur. Sur la base de ce contrat, qui leur donne les droits mondiaux, ils ont décidé de se développer à l’internationale".

De là à voir DAZN débarquer sur le marché du football français ? Pas sûr, mais pourquoi pas. Après tout, si la plateforme a fait son trou via la boxe, elle a déjà séduit le football européen. "Sur ce marché, ils sont challengers en Italie, en Espagne, et surtout en Allemagne où ils diffusent déjà des matches de championnat, et la Ligue des champions dès l’année prochaine. En France ? Tout est possible s’ils trouvent de l’argent. Le problème c’est qu’en France, c’est très cher par rapport au produit", relativise Pierre Maes .

Toutefois, pour le spécialiste, si la plateforme DAZN remplit ses caisses, elle pourrait s’implanter durablement sur le Vieux Continent : "Ils pourraient avoir une durabilité dans ce rôle de challenger, parce que les groupes dominants comme Canal en France, ou Sky à l’étranger, ça les arrange bien d’avoir un concurrent qui ne leur fait pas peur, mais qui suffit à calmer les autorités de la concurrence. Ça arrangerait bien Canal+ d’avoir un challenger comme DAZN", assure Pierre Maes, qui connait bien la chaîne cryptée pour y avoir travaillé plusieurs années. Alors dès cet hiver, ou lors du prochain appel d’offres pour la Ligue 1 en 2024 ? Comme tout programme Netflix : réponse au prochain épisode.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.