Cet article date de plus de trois ans.

SÉRIE. Premiers JO à Tokyo 2021 : Samuel Kistohurry, l'heure de la revanche a sonné

Pendant les JO, franceinfo : sport dresse le portrait de cinq athlètes français qui disputent leur premier rendez-vous olympique à Tokyo. En boxe, Samuel Kistohurry veut "marquer les esprits", après avoir manqué l'édition 2016 à Rio.

France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Samuel Kistohurry lors des Jeux européens à Minsk, en juin 2019. (PHILIPPE MILLEREAU / KMSP / AFP)

Parmi les 378 athlètes français sélectionnés pour les Jeux olympiques de Tokyo, certains vont faire leurs premiers pas dans cette compétition. Samuel Kistohurry fait partie de ces novices, après avoir manqué les Jeux de Rio en 2016. Découverte.

"J'ai autant de temps que vous le souhaitez, c'est avec plaisir." Alors que les questions se succèdent, sa voix reste posée, tranquille. Loin de la frénésie des coups qu'il distille sur les rings, Samuel Kistohurry (26 ans) porte le regard d'un homme serein alors que son rêve olympique est sur le point de se concrétiser. Une zen attitude qu'il justifie par le sentiment du devoir accompli. Depuis un an et demi, le boxeur de Pessac domine sa catégorie des poids plume (-57 kg). Il a conclu sa préparation avec cinq médailles d'or et une d'argent en six tournois. Pas loin du sans-faute, donc. "Cela me donne de la confiance, je veux aller chercher une belle médaille aux JO pour remercier tout le monde, précise-t-il. Je veux marquer les esprits cette année."

Petit à petit, le licencié de l'USSAP Pessac (Gironde) déroule son parcours, qui lui vaut ce statut de chance de médaille tricolore à Tokyo. "Ma mère m'a mis à la boxe quand j'étais petit car j'étais turbulent. Cela m'a permis de me canaliser. Je faisais aussi du foot à côté, parce qu'il n'y a pas beaucoup de matchs de boxe quand on est petit. Et puis à l'âge de 13 ans j'avais le choix entre le foot et la boxe mais je savais que je pouvais aller plus loin sur le ring." Un an plus tard, le voilà membre de l'équipe de France, avant d'être surclassé avec les seniors dès l'âge de 17 ans.

Dans cet itinéraire tout tracé de futur crack de la boxe, un couac intervient quatre ans plus tard alors que Samuel Kistohurry bataille pour aller chercher sa qualification aux Jeux de Rio, qu'il rate finalement. Le gamin qui a grandi à Eysines (Gironde), dans la cité du Grand Caillou, ne verra pas le Brésil. Depuis son canapé, il assiste au sacre de son pote Tony Yoka et à celui d'Estelle Mossely. "Cela m'a fait trop plaisir de les voir atteindre ce niveau-là", se rappelle-t-il avant d'ajouter : "Tony a été un très bon moteur, son titre m'a poussé encore plus loin. Je me suis dit : 'cette médaille d'or, peut-être qu'elle sera pour moi'".

Tony Yoka lors de sa victoire en finale des supers-lourds, aux Jeux de Rio, dimanche 21 août 2016. (PETER CZIBORRA / REUTERS)

Relever le défi olympique, le rêve de toute une vie

Passé professionnel après ce premier accroc, Samuel Kistohurry fait marche arrière pour revenir chez les amateurs et renouer avec son désir olympique. Un choix loin d'être évident alors qu'il tente de rester à flot financièrement et de maintenir un équilibre familial avec son épouse Romane et sa fille Mila.

"J'ai fait beaucoup de sacrifices, c'était compliqué de jongler avec tout ça, confesse-t-il. "C'était un pari risqué de revenir en amateur, surtout qu'il y avait un flou sur le maintien de la boxe aux JO avec l'éviction de l'AIBA (Fédération internationale de boxe) de l'organisation. Mais aller à Tokyo me tenait énormément à cœur et je devais faire des compétitions. Aujourd'hui avec un peu de recul, je suis conscient d'avoir consacré une grande partie de ma vie à ce défi, celui de faire les Jeux."

La délivrance arrive le 16 mars 2020 dans des conditions... particulières. Lors du tournoi de qualification olympique (TQO) à Londres, Samuel Kistohurry parvient à atteindre les quarts de finale, synonyme de ticket pour Tokyo, avant que la compétition ne soit stoppée nette en raison de la pandémie de Covid-19 qui s'apprête à bouleverser tous les calendriers.

Un soutien physique et financier

Un an et demi plus tard, ce "rab" a été mis à profit par le Pessacais et Yassine Bougouffa, ancien international tunisien de rugby surnommé "Coach Vegas" et qui suit le boxeur au quotidien. "Cela m'a permis de m'ouvrir sur d'autres choses, de plus m'entraîner, travailler sur mes défauts... En plus, ça m'a ouvert d'autres portes avec les pôles de performance et un suivi physique encore plus présent avec des préparateurs."

Comme pour beaucoup d'athlètes, la crise sanitaire a eu un impact sur sa recherche de sponsors. Mais grâce à plusieurs entreprises locales soucieuses de l'accompagner dans son double projet, Samuel Kistohurry a pu rester à flot. "Mes performances de ces derniers mois, c'est aussi grâce à ces tracas en moins, c'est clair", précise-t-il.

Au moment d'enchaîner les uppercuts en mondovision à compter de ce samedi 24 juillet pour les seizièmes de finale, le boxeur de 26 ans arrive serein, détendu. Revanchard, aussi. Battu en finale du TQO européen à Villebon-sur-Yvette début juin par le Russe Albert Batyrgaziev, le Français entend montrer qu'il a l'étoffe d'un numéro un sur le Vieux Continent. Voire mieux. "J'ai envie que mes adversaires se disent : 'le 57 kilos français, c'est vraiment vraiment fort' ". 

Le boxeur français Samuel Kistohurry lors des seconds Jeux européens à Minsk, en juin 2019. (PHILIPPE MILLEREAU / KMSP / AFP)

Avec son style offensif et son cardio à toute épreuve, Samuel Kistohurry a de solides atouts à faire valoir. Reste à diminuer des temps de blocage encore parfois un peu longs pour le monde amateur, où les trois rounds demandent énormément d'explosivité et "où il faut mettre le plus de coups possibles".

Dernières confidences sur son futur : "Les Jeux de Tokyo peuvent être une belle vitrine et un sacré tremplin avec un beau contrat derrière. Je veux retenter ma chance en pro, devenir champion du monde WBC et le rester jusqu'à Paris 2024." Des envies qui, au son de sa voix, résonnent avec limpidité mais sans excès d'ego et qui ne sont pas sans rappeler l'une des plus cinglantes punchlines de Mohammed Ali : "On ne devient pas champion dans un gymnase, on le devient grâce à ce qu'on ressent : un désir, un rêve, une vision." La voie est tracée.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.