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Brésil, l’autopsie d’un désastre

Le Brésil est-il passé à côté de son Mondial ? Vue l’effroyable sortie de route en demi-finale mardi soir, la question se pose. Et la réponse penche plus du côté positif que négatif. Les Brésiliens n’envisageaient que le titre, ils devront désormais vivre avec l’humiliation. Felipao Scolari et son groupe payent les absences, mais aussi les erreurs de casting et les méformes. Le poids d’une pression trop forte aussi.
Article rédigé par franceinfo
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Les absences

Les absents ont toujours tort paraît-il. Mardi soir, Neymar et Thiago Silva, les deux meilleurs joueurs de la sélection auriverde, ne devaient pas en croire leurs yeux. Comme tout le monde. Il est évidemment facile après ce coup de massue de dire que le Barcelonais et le capitaine auraient tout changé. On ne le saura jamais mais leur absence est venue rappeler combien cette sélection était dépendante de leur talent. Celui offensif d’un Neymar qui aura masqué à lui tout seul, les carences de ses compères de l’attaque. Celui défensif d’un Thiago Silva. Même s’il n’a pas été immense durant la compétition, par sa seule présence, le défenseur parisien rassurait ses partenaires et intimidait les attaquants. Casquette blanche "#Força Neymar" vissée sur la tête, il est venu consoler ses partenaires à la fin de la rencontre. Mais il devait avoir à l’esprit que s’il n’était pas sur le terrain mardi soir, c’est uniquement de sa faute. Il repensera encore longtemps à ce carton jaune stupide reçu pour avoir empêcher David Ospina de dégager contre la Colombie. Comme les supporters ne pardonneront sans doute jamais au Colombien Zuniga d’avoir brisé le dos de Neymar en quarts de finale. Mais pardonneront-ils à Scolari ces choix si discutables ?

Les mauvais choix

Felipe Scolari qui transmet ses consignes avec sept doigts. Sept, comme le nombre de buts encaissés par son équipe.

En cas d’échec, le premier fusible est toujours l’entraîneur. C’est le football, c’est comme ça. Mais Felipao Scolari a tout de même une bonne tête de coupable. Il l’a d’ailleurs reconnu dans la conférence de presse d’après match. "Qui est responsable? Qui est responsable quand l'équipe se présente sur  le terrain? Qui est entraîneur? Qui est responsable des choix? C'est moi", a-t-il assumé. Il l’avait fait auprès des joueurs dans le rond central après la rencontre. Il paye sa logique d’avoir fait confiance à un groupe qui a gagné la Coupe des Confédérations un an auparavant. Celui d’emmener des joueurs comme Fred, Jo – on y reviendra – et de laisser dans leurs clubs Lucas, Coutinho, Kaka ou Ronaldinho. Bien sûr, on ne saura pas non plus ce qu’il serait advenu si Scolari avait fait d’autres choix, mais il aurait eu un plan B. Là, il a maintenu contre vents et marées un onze de départ qui n’a jamais convaincu.

Pas haut niveau

En 2002, en 1994, lors des derniers titres mondiaux du Brésil, la Seleçao s’appuyait sur des génies. Romario, Bebeto, Ronaldo, Rivaldo, Ronaldinho. En 2014, il n’y en avait qu’un : Neymar. Avec lui, du solide (Thiago Silva, David Luiz) mais aussi des joueurs pas au niveau d’une Coupe du monde. Premier visé ? Fred. Facile, mais tellement évident. Un seul but, contre le Cameroun mais surtout des matches qu’il aura traversés en fantôme, incapable de peser sur le jeu. Le public brésilien l’a d’ailleurs pris en grippe lors de la demi-finale. Dans l’entrejeu, Oscar, encore tendre, n’a jamais pu faire oublier Neymar. Hulk joue au Zénith Saint Petersbourg, Bernard évolue au Shakthar Donetsk et Ramires et Willian jouent à Chelsea mais Mourinho ne misent pas sur eux pour faire la différence. La paire du milieu de terrain, Paulinho et Luis Gustavo écument les terrains de Tottenham et de Wolfsburg.

Leur remplaçant en début de compétition qui s’est fait peu à peu sa place, Fernandinho, a lui été champion d’Angleterre avec Manchester City mais a complètement coulé face aux Allemands. Il est notamment fautif sur les deuxième et troisième buts. Derrière, la paire Silva-Luiz a maintenu à flots une Selecao qui tanguait notamment à cause des vagues qui venaient des côtés. Marcelo à gauche et Daniel Alves à droite ont passé leur Mondial à attaquer en oubliant de défendre. Le second en a perdu sa place à partir dès les quarts de finale et le premier a passé son temps à courir derrière Muller ou à couvrir les attaquants allemands mardi soir. Enfin avec un gardien titulaire qui joue à Toronto, Julio César, le Brésil ne pouvait pas espérer que le miracle des huitièmes de finale se perpétue à chaque match.

Le tweet d'OptaJean

L’arbitrage et la chance

Il faut bien le dire, le Brésil a eu de la chance d’être en demi-finale de "son" Mondial. A chaud, c’est une déception immense de s’arrêter là, mais avec le recul, c’est presque un miracle. Dès l’ouverture du Mondial, un coup de pouce de l’arbitrage lui a évité une contre-performance face à la Croatie. Ensuite, elle a buté sur Ochoa avant de se défaire tranquillement d’un Cameroun trop faible et miné de l’intérieur. Mais face au Chili, la pression et les errements ont rattrapé la Selecao qui n’a du sa qualification qu’à un coup du sort. Si l’attaquant Pinilla avait tiré quelques centimètres plus bas, l’aventure s’arrêtait en 8e de finale. Mais la barre transversale et les dieux du football étaient encore brésiliens il y a 10 jours. Depuis mardi soir, les Brésiliens n’ont plus rien pour eux. Seulement la honte.

Le poids de la pression

David Luiz consolé par Thiago Silva après la défaite

Ce titre Mondial était une obligation. Un devoir. Une revanche sur l’Histoire et ce maudit "Maracanazo". Désormais, les Brésiliens vont vivre avec le poids d’une deuxième humiliation sur leur sol, 64 ans après. La dimension émotionnelle était sans doute trop forte pour un groupe. A ériger en "mission" cette aventure, le Brésil a encore accru la pression. Thiago Silva, comme David Luiz, ont perdu leur lucidité sous le poids du brassard et de l'évènement. Le premier a pris un carton jaune ridicule face à la Colombie lourd de conséquences, le deuxième a raté sa dem-finale et perdu ses nerfs face à Thomas Muller qu'il a voulu littéralement "allumé". Plus généralement, cette envie s'est souvent traduite en une agressivité mal contrôlée.

Le tweet d'OptaJean

Les Brésiliens auront perdu beaucoup d’eau au cours de ce Mondial. En transpiration mais aussi en larmes. Thiago Silva, Neymar auront souvent pleuré. Lors des hymnes, après la qualification au bout du suspense face au Chili. C’est suite à ce huitième de finale et au refus du capitaine de participer à la séance de tirs au but, une psychologue avait été appelée au chevet de la sélection. Après le drame de Belo Honrizonte sur la pelouse du Stade Mineirao, il faudra sûrement d’autres séances pour relever les têtes.

Vidéo : la détresse des Brésiliens

Vidéo : la détresse des Brésiliens

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