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"La mâchoire qui décroche et le cerveau en off" : le judoka Axel Clerget veut alerter sur les dangers des commotions cérébrales

Cinq semaines après avoir subi un K.-O. lors d’un combat, le judoka Axel Clerget témoignage pour informer des dangers des commotions cérébrales et sur la nécessité de les prendre au sérieux.

Article rédigé par franceinfo - Fanny Lechevestrier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Axel Clerget lors du Paris Grand Slam ( 9 février 2020). (PHILIPPE MILLEREAU / KMSP)

De plus en plus de sportifs réclament une prise de conscience au sujet des commotions cérébrales. C’est le cas du judoka Axel Clerget, victime d’une commotion le 13 janvier dernier, lors d’un combat aux Masters de Doha. Il raconte à franceinfo les violents maux de tête, les nausées et l’extrême fatigue qu’il a endurés, des symptômes qui lui étaient jusqu’alors inconnus.

Au deuxième tour du tournoi, lors du golden score, Axel Clerget, engagé dans la catégorie des moins de 90 kilos, prend un coup qui paraît anodin, mais dont il ne se relève pas. "Je suis tombé en tapant un peu la tête. J’en ai déjà pris des chocs bien plus costauds, mais là, cela n’a pas réagi comme d’habitude" raconte-t-il. "J’essaie de me remettre à genoux et là, ma tête ne contrôle plus rien, mon corps ne contrôle plus rien."

"Je sens que ma tête veut se relever mais mes jambes sont coupées et cela se met à tourner dans tous les sens comme si j’avais le mal de mer."

Axel Clerget

à franceinfo

Sur le moment, le judoka explique se voir un peu comme s'il était au-dessus de la scène, incapable de se remettre debout : "J’essaie une fois, deux fois, trois fois, impossible !" Quand le médecin arrive à ses côtés, Axel Clerget lui dit qu’il ne veut pas arrêter le combat, qu’il a besoin des points pour les Jeux olympiques. " Je voulais absolument continuer. Heureusement que le médecin m’a arrêté, sinon cela aurait pu être encore plus grave", ajoute-t-il.

"Incapable de tenir une conversation"

Les semaines qui suivent ont été douloureuses pour le judoka de 33 ans. Il est pris de violents maux de tête, de vertiges durant plusieurs semaines, et devient aussi particulièrement irritable. "Le retour à Paris a été assez compliqué, explique-t-il, j’étais complètement au ralenti, très très fatigué, incapable de tenir une conversation. Je m’en souviens, c’était 4-5 jours après le choc, j’étais avec mon frère, et là, d’un seul coup, j’ai les yeux qui partent vers le haut, la mâchoire qui décroche et le cerveau s’est mis en off. Au bout de dix minutes à discuter, il n’y a plus personne ! Et là, cela commence à faire encore plus peur. En plus, je pouvais m’énerver pour pas grand-chose."

Des symptômes qui correspondent à ceux d’une commotion cérébrale, mais qui étaient jusqu’alors inconnus du judoka. "On ne peut pas faire la moindre activité physique. Même monter un escalier me donnait des vertiges et cela, durant plus de 15 jours. Il y a une semaine encore, monter les escaliers chez moi me faisait mal. Je n'étais pas capable de m’occuper de mon fils non plus. Vous vous rendez compte ! Je n’étais même pas capable de m’occuper de mon fils."

Avertir et lever un tabou

S'il prend la parole aujourd'hui, ce n'est pas pour qu'on s'apitoie sur son sort, mais pour alerter. Lui, le kiné qui, non conscient de ce qui lui arrivait, voulait repartir au combat le plus vite possible. "Aujourd’hui, la peur est évacuée, parce que j’ai pu en discuter avec des personnes qui ont l’habitude de prendre en charge des commotionnés. J’ai vu un psychologue. C’est pour cela aussi que je prends la parole. C’est pour partager mon expérience pour éviter que des personnes qui vivent cela se sentent seules. On a tendance à minimiser les commotions en disant ce n'est rien, c’est juste un coup sur la tête", raconte Axel Clerget.

Il décrit aussi comment ses proches ont réagi lorsqu’il leur a dit qu’il souffrait d’une commotion : "J'ai beaucoup entendu : 'ah, tu as fait une commotion, ça va alors, j’ai cru que tu t’étais blessé !' Il faut vraiment arrêter que cela soit tabou. Il faut en parler. Dire que c’est difficile, expliquer les symptômes", ajoute-t-il.

"Si vous voyez quelqu’un prendre un coup mais vouloir repartir combattre, empêchez-le ! "

Axel Clerget

à franceinfo

Cinq semaines après le choc, Axel Clerget commence enfin à aller mieux. Toujours suivi par un neurologue, le réputé professeur Chermann, le protocole de reprise est enclenché. Il a pu refaire du vélo à bonne intensité et même 15 minutes de musculation. Il se remet à rêver des Jeux de Tokyo, cet été, conscient tout de même d’avoir eu la chance d’être très bien entouré dans cette épreuve. Aujourd’hui, il a intégré la commission médicale de la Fédération française de judo pour développer la prévention.

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