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Confinement - Etudiants en souffrance : l'exemple de la filière STAPS

La licence STAPS est la deuxième filière la plus demandée. Mais elle est parfois abandonnée en cours de route. Entre mise en place des cours à distance et pratiques sportives annulées, le cursus STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) n’a plus la même saveur. Pour certains élèves, ces conditions d’enseignement mettent en péril leur avenir et impactent leur santé.
Article rédigé par Natacha Basdevant
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
Les étudiants de STAPS en télétravail (THIBAUD VAERMAN / HANS LUCAS)

"C’est démoralisant de se dire que l’on est en STAPS et qu’on n’a pas de sport". Djaher est dépité. Entre les activités proposées par la filière et les cours d’athlétisme qu'il pratiquait à raison de deux à trois heures par jour jusqu'au samedi, cet étudiant de deuxième année cumulait un total de 25 heures de sport par semaine. Zéro, c’est le nombre de minutes qu'il passe à faire du sport aujourd’hui. "Je suis hyperactif. Ça fait un vide." 

En tant qu’élèves en STAPS, tous sont tenus à des heures de sport au sein de la fac, qu’ils soient athlètes de haut niveau ou non. Puis chacun effectue ses activités extra-scolaires s’il en a. Les étudiants de cette filière possèdent une dérogation mais peu semblent le savoir. "On a essayé de communiquer dessus", a pourtant affirmé le président du bureau des élèves (BDE) d'une université en région parisienne.

"Je n’ai plus l’impression d’être en STAPS"

"J’ai un bon niveau sportif et ça m’aidait dans ma moyenne", a ajouté Djaher qui n’a "plus l’impression d’être en STAPS". Les cours de sport ne sont pas la principale source de notation puisqu’ils représentent environ (selon les universités) 30% de la note finale. Mais ils restent une des principales sources de motivation . "Je ne dis pas que STAPS c’est que le sport, mais ça reste une partie, et là ça me démotive complètement", nous a confié Tristan, arrivé dans la filière en septembre. 

Ces deux étudiants ne sont pas les seuls à éprouver des difficultés. Le BDE de l’université a lancé un sondage sur internet afin "d'obtenir des informations sur le ressenti des étudiants et les difficultés qu'ils rencontrent face aux cours en distanciel", nous explique le président. Résultat : 65 élèves sur 156 à ce jour se sentent mis en difficulté avec ces pratiques d'enseignement. Soit 42 % des personnes qui y ont répondu.

Face à un décrochage généralisé, les membres de l'association se sont mobilisés pour aider les élèves. Dans un premier temps en mettant des vidéos de cours de sport en ligne. Puis dès le mercredi 25 novembre, en proposant un soutien scolaire aux élèves de première année via des cours en visioconférence. 

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Si les élèves se mobilisent autant, c’est que la plupart se sentent délaissés et vulnérables par rapport aux conditions. Tristan, comme bien d'autres à travers le sondage, ont confié se perdre sur la multitude d’informations envoyées par les professeurs. "C'est un grand n'importe quoi qui change jour après jour." Plusieurs plateformes sont mises à disposition, ce qui semble perdre certains étudiants. Au point que plusieurs disent même ne pas arriver à s'intégrer dans leur classe.

Ce "grand n'importe quoi" met en lumière la liberté donnée à chaque professeur pour gérer son cours et les inégalités que cela peut créer selon les méthodes d'enseignement. "La dernière fois, on était censé avoir cours le jeudi à 8h et le prof n'est pas intervenu". Certains auront eu ce cours, d'autres non et se trouveront en difficulté pour l'examen final. Les professeurs semblent, eux aussi, la cible des inégalités de matériel, ou de connexions internet. 

Une situation prolongée jusqu'à février

"J’aimerais bien me réveiller pour aller au STAPS. Moi, la fac ça me manque. J’ai envie d’y retourner." Djaher ne demande qu’à sortir de son cauchemar. "Là, même si je me lève plus tard parce que je n’ai pas de trajet à faire, je n'ai vraiment pas envie de suivre des cours à distance."

Mais le président de la République Emmanuel Macron a été formel, les étudiants du supérieur ont été invités à opter pour les cours à distance et ce pour au moins deux mois, jusqu'au 1er février. Une situation qui ramène les élèves chez eux 24h sur 24. Difficile pour le cerveau de séparer le temps d'étude, de loisir ou encore de repos.

La santé n'est pas qu'une absence de maladie

L'argument de la santé a été beaucoup utilisé en cette période de pandémie. Mais peu se sont chargés de rappeler que la santé n'est pas qu’une absence de maladie physique. Selon l’OMS (l'Organisation Mondiale de la Santé), être en bonne santé, c’est avoir trouvé un équilibre psychologique social et physiologique. 

Si, a priori, le confinement préserverait les citoyens du virus, qu'en est-il de leur état psychologique et de leurs relations sociales ? "J’aime beaucoup bouger et là ça me fait un vide. Je sens surtout l’impact sur mon mental. Je suis plus aigri", glisse Djaher. 

L'étudiant évoque son contexte familial qui ne favorise visiblement pas les études. "Je partage ma chambre avec mes deux petits frères donc j’y suis rarement tout seul. Et même quand j’y suis tout seul, ma chambre est collée au salon donc j’entends tout ce qui se passe, la télé, les jeux vidéo. C’est trop dur de réviser. C’est même impossible." Et puis cela lui ravive des mauvais souvenirs.

Un deuxième confinement attendu mais pas anticipé

Cet étudiant vit cette situation critique pour la deuxième fois en huit mois. "L’année dernière, quand il y a eu le confinement, j’étais complètement en décrochage. Je suis descendu à 7 de moyenne au 2e semestre." Aux rattrapages, l’étudiant est parvenu à une moyenne suffisante pour passer en 2e année, mais il a quelques matières à rattraper. Une source d'angoisse supplémentaire. "Quand on m’a dit qu’on allait être reconfiné, je me suis dit : 'c’est mort, j’abandonne'." "Même si j'allais aux rattrapages, si c’est à distance, je préfère direct redoubler. Tout ça, je n'y arrive plus. Je ne peux pas terminer l’année comme ça. La démotivation est profonde. Je n'arrive plus a me lever", soupire-t-il.

Jusqu'à la création de Parcoursup il y a trois ans, les demandes d'inscriptions dans cette filière étaient traitées au hasard. Les élèves les plus studieux et motivés n'étaient pas nécessairement choisis par le logiciel APB, ce qui entraînait un taux d'abandon très élevé. Depuis Parcoursup, le taux de passage en année supérieure évoluait à la hausse dans cette université. Mais ce nouveau contexte sanitaire pourrait bien revoir ces chiffres à la baisse.

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