Consécration espagnole ou révélation batave ?
Alors, aboutissement logique ou surprise du chef ? Cette finale entre deux poids lourds du vieux continent jamais titrés met aux prises deux formations proches en terme de résultats mais plutôt éloignées au niveau du jeu. Entre l'Espagne, meilleure équipe du monde depuis deux ans et sa victoire à l'Euro qui a créé un vrai déclic, et les Pays-Bas, outsider numéro un de ce Mondial suite à un parcours presque parfait (en qualifications comme en Afrique du Sud où ils ont remporté tous leurs matches, contrairement aux Espagnols), le choc s'annonce somptueux. Si la Hollande (le nom que les observateurs lui donnaient à tort à l'époque) reste le grand maudit de la Coupe du monde (deux échecs en finale -en 1974 contre la RFA et en 1978 devant l'Argentine, comme la Hongrie et feu la Tchécoslovaquie), l'Espagne constituait jusqu'ici un géant endormi.
Etrangement, ses grands clubs (Real et Barça surtout) brillaient mais la Seleccion restait en retrait, avec seulement un titre de Champion d'Europe en 1964 avant la révélation de l'Euro suisso-autrichien. Laissons aux historiens et autres sociologues le soin d'expliquer le pourquoi de cette anomalie en utilisant notamment le régionalisme pour cause principale, et contentons-nous de constater que "la Roja" dispose actuellement de la plus belle génération de sa riche histoire. Villa, Xavi, Iniesta, Casillas sont les figures de proue d'une équipe qui n'a perdu que deux de ses 54 dernières rencontres (face aux Etats-Unis lors de la Coupe des confédérations 2009 puis contre la Suisse lors de leur premier match du Mondial). Le "toque" initié par Aragones et prolongé par Del Bosque a fait ses preuves tant au niveau du plaisir pris (par les joueurs comme par les spectateurs) que par l'efficacité dont il est coutumier. Mais cette efficacité dont se regorge l'Espagne constitue également le fond de commerce d'une équipe néerlandaise qui vise également la consécration.
Longtemps réputée pour son talent collectif et pour quelques stars qui confinaient parfois au génie (Cruyff, Neeskens, Gullit, Van Basten, Bergkamp), la sélection batave jouit aujourd'hui d'une autre réputation. Certes, Robben ou Sneijder restent des artistes capables d'enflammer un stade par un geste de classe, mais les Pays-Bas ont découvert sous la férule de Bert Van Marwijk la signification du mot réalisme. Des "Oranje" mécaniques, à l'allemande, plus portés sur le résultat que sur la manière, ce qui désoriente même les glorieux anciens (Cruyff et ses déclarations sur le beau jeu développé par l'Espagne en comparaison avec les Pays-Bas) mais ne déplait pas aux fans, lassés d'être perçus comme de brillants losers. Pour ce grand pays de football, sacré une seule fois au plus haut niveau (Euro 1988), concrétiser au niveau mondial serait une formidable surprise. Depuis son succès sur le Brésil (2-1) en quarts de finale, le groupe emmené par cap'tain Gio (van Bronckhorst) se sent pousser des ailes. Le quatuor offensif se trouve bien (même si Van Persie semble en retrait par rapport à Kuyt, Sneijder et Robben) et le grand Sketelenburg se montre rassurant derrière une défense critiquée mais plutôt solide du fait de l'apport du duo Van Bommel-De Jongh dans l'entrejeu.
Cela dit, comment réagiront les Oranje quand ils seront pressés ? La qualité de passe des Espagnols reste exceptionnelle, Villa peut marquer à tout moment et les grands gabarits de derrière (Puyol, Piqué, Sergio Ramos et Busquets) possèdent un jeu de tête qui peut s'avérer très précieux pour débloquer une situation (comme en demi-finale). Alors, avantage à l'Espagne mais pas de beaucoup. Une chose est certaine, le perdant de ce duel entre l'Europe du nord et l'Europe du Sud restera dans les esprits comme le grand malheureux de l'histoire de la Coupe du monde. Et ça, personne n'y tient
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